Billet de L’Anse-aux-Outardes, par Claude-Andrée L’Espérance…

25 mai 2014

À mille lieues du lieu qui m’habitait…

J’habitais à mille lieues du lieu qui m’habitait. Pressée de fuir mes quatre murs pour chercher à me DSCN4108retrouver, j’errais alors dans la cité, le pas traînant. Tout occupée à transporter bien malgré moi un océan.

Ce n’était pas la mer à boire. Avec le temps on s’habitue. Les yeux noyés dans l’eau salée, à être sans cesse ballotté de marée haute en marée basse et à cheminer au hasard dans l’opacité du brouillard.

À errer ainsi dans la cité, trop occupée à transporter bien malgré moi cet océan, sans le savoir, j’avais rejoint le clan de ceux qu’on ne veut pas voir. Les détraqués, les exaltés, les prisonniers d’un même souffle océanique.

Mer houleuse, mer agitée, mer en furie

La mer, la mer, toujours la mer

C’est fou ce qu’un humain peut porter dans sa tête. Et dans la tête de tous ces prisonniers, l’océan en vagues déchaînées hurlait et rugissait.

D’aucuns, au milieu de la tempête, se prenaient pour de grands chefs d’orchestre. Et voulant ralentir des vagues le tempo, baguette en l’air, ils battaient la mesure. D’autres se désâmaient en se parlant tout seuls. Pour finir à genoux par supplier la mer. Et d’autres, illustres capitaines d’antiques vaisseaux fantômes, aboyaient sur le pont des ordres inutiles. Et moi, dans ce désordre, pour les avoir trop vus je ne les voyais plus. J’avais tellement de mal à garder l’équilibre sur un sol qui tanguait à chacun de mes pas sans avoir à porter le poids de leurs délires. Figure de proue d’un navire sans gouvernail, j’allais dans le brouillard au cœur de la cité sans autre point de repère que ma pâle silhouette qui, en ombre discrète, se profilait alors aux glaces des vitrines.

DSCN5467Bien sûr, il m’arrivait de souhaiter parfois que cesse tout ce vacarme et que pour un moment, juste pour un court moment, se calme l’océan. Et que devant mes yeux secs enfin réapparaisse une image bien nette des rues, des bâtiments. Dans ces rares moments, j’espérais bien qu’un jour, à force de se confondre, quelque chose naisse enfin de ces deux univers. Et immobile alors j’attendais que la mer redevienne à l’étale. Pour ensuite m’inquiéter du silence des eaux.

Ce n’était pas la mer à boire. Avec le temps on s’habitue. À vivre ainsi au rythme des tempêtes.

Mer houleuse, mer agitée, mer en furie

La mer, la mer toujours la mer

C’est fou ce qu’en ce temps je portais dans ma tête

Mais un matin vint le silence. Et puis la mer reprit le large. Et moi, sans être sûre de m’être retrouvée, je cessai sitôt de fuir mes quatre murs et du même coup d’errer dans la cité.

Et si, aujourd’hui, de cette cité j’ai oublié le nom, c’est pour y avoir trop souvent rasé les murs.

Notice biographique

Claude-Andrée L’Espérance a étudié les arts plastiques à l’Université du Québec à Chicoutimi. Fascinée à la fois par les mots et par la matière, elle a exploré divers modes d’expression, sculpture, installation et performance, jusqu’à ce que l’écriture s’affirme comme l’essence même de sa démarche. En 2008 elle a publié à compte d’auteur Carnet d’hiver, un récit repris par Les Éditions Le Chat qui louche et tout récemment Les tiens, un roman, chez Mémoire d’encrier. À travers ses écrits, elle avoue une préférence pour les milieux marins, les lieux sauvages et isolés, et les gens qui, àdscn025611 force d’y vivre, ont fini par en prendre la couleur. Installée aux abords du fjord du Saguenay, en marge d’un petit village forestier et touristique, elle partage son temps entre sa passion pour l’écriture et le métier de cueilleuse qui l’entraîne chaque été à travers champs et forêts.  Elle est l’auteure des photographies qui illustrent ses textes.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Lovecraft, lieux et mer, et Faulkner… par Alain Gagnon

30 août 2013

Dires et redires….

Topophilie : l’amour des lieux.  Les écrivains du fantastique sont généralement de grands amoureux de lieux très précis.  Souvent, je me suis demandé si la cosmogonie yog-sothothienne et les intrigues parfois alambiquées de Lovecraft n’étaient pas, chez lui, simples prétextes à arpenter les paysages écartés de la Nouvelle-Angleterre.  Il décrit les gorges obscures, les torrents dévaleurs d’à-pic, les chemins ombrés et les vieilles fermes au toit défoncé avec un tel luxe de détails, une telle insistance, qu’on peut se demander si la poésie des lieux perdus de l’hinterland n’est pas son motif inavoué – un poète qui se sentirait obligé de faire de la prose pour publier.  Même phénomène chez Jean Ray.  Dans des décors différents, plus urbains, ou alors franchement maritimes.  Une complaisance dans la description des rues anciennes, des vieilles demeures, de ces tavernes où matelots et voyageurs viennent se remplir et déverser leur trop-plein depuis des siècles…

Au fond, j’ai écrit La langue des Abeilles et Le ruban de la Louve pour me promener, en imagination, dans les paysages de mon enfance.  On retrouve des lieux dans tous les genres.  Mais l’essence même du fantastique permet de retourner le paysage, de lui faire cracher ses intérieurs.

Ce matin, adieux au fleuve.  Demain, départ.  Retour en août.  Que m’apporte donc l’eau salée ? À quoi je songe lorsque je pense à la mer ? Marées, cris d’oiseaux, mort, couchers de soleil fantastiques et, surtout, cette odeur d’iode, je me répète, qui est celle du sexe de la femme.

(Le chien de Dieu)

*

1101390123_400(À propos de Faulkner…)  C’est ça, la littérature, messieurs, dames : la jouissance acide de l’écriture et de la lecture.  Ce n’est pas gentil ni salonnard.  Ce n’est pas délicat, ni convivial, ni syndical, ni patronal, ni politiquement correct, ni un texte bref pour professeur-auteur : c’est la pénétration brutale des multiples strates de la réalité, sans ménagement.  Difficile à placer dans le réseau de connivences qui souvent remplace l’institution critique en Terre-Québec.

(Le chien de Dieu)

Notice biographique

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Tomas K (Pleine Lune, 1998). Trois de ses romans sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004) et Le truc de l’oncle Henry (2006). Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan et Cornes (Éd. du CRAM) et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)


Chronique de Milan. par Clémence Tombereau…

22 juin 2013

Rêve de proue

Les délicieux embruns caressent mon visage tandis que le sourd frisson de l’engin annonce le départ.  Mon torse bombé précède tout le reste : mon corps, le bateau, les hommes agités.  Je domine la mer.

Je suis fille de Neptune, créature marine sculptée par la main d’homme ; les flots sont mon écrin, les nuages mes frères.  Une écume crémeuse escorte le voyage.

Sous mon immobilité grouille le désir fou de plonger, me détacher, arracher tous les liens – de bois ou de métal, je l’ignore – et tremper un pied rendu enfin agile, et sauter dans les vagues, m’immerger sans défiance dans ce grand corps d’azur qui tout le temps m’effleure.

Et mon buste et mes jambes s’enfonceraient dans l’eau.  Je sentirais le sel crépiter sur ma peau.  Sous ce ciel liquide je jonglerais avec les méduses ; leur organisme pâle éclairerait ce monde qui jamais ne m’accueille et dont je suis la reine.  Les algues vénéneuses dans une plastique étreinte encercleraient mes jambes ou ma queue de poisson, m’entraînant vers les limbes d’une nuit silencieuse.  L’onde me bouleverserait et ce mouvement doux, régulier, lisserait sur mes joues des larmes de bonheur.

Je nagerais.  J’éparpillerais de mon bras leste la multitude argentée des poissons minuscules.  Je ne craindrais plus rien, ni la tempête sombre, ni les monstres marins – je suis leur mère, ou leur fille, je suis comme eux.

Mon corps se draperait dans les tourbillons verts, dans l’eau froide et vivace.  Je serais l’écume, je serais les flots, je retrouverais enfin ce monde sans humains duquel ils m’ont extraite – sous ma peau ébréchée glisserait le lichen.  Le soleil sera mort.

Je serais Aphrodite, Néréide ou sirène et, me perdant vers les profondeurs noires, je laisserais ma bouche embrasser l’océan.  Le bateau serait orphelin et mes lèvres brûlées par le sel soupireraient d’extase.

Notice biographique

Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan.  Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge Déclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai(Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes.
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Billet de L’Anse-aux-Outardes, par Claude-Andrée L’Espérance…

9 juin 2013

Naufrages

Sombrer.  L’un dans l’autre, se perdre.  À bout de souffle, couler à pic.  Mouvante, obscure, floue et trouble, la DSCN2326mer.  Et toi, rejeté sans égard sur la grève.  Seul.

L’éternité.  Le sable grain à grain roulant vers le large.  Le sable grain à grain repoussé par la vague vers le rivage.

Ramper.  Dans le sable sec t’enfouir.  Attendre.  L’engourdissement, le sommeil, la métamorphose.  Mais dans la nuit impassible, il y a le cri des oiseaux.  L’aube tarde et tu n’as pas sommeil.  Tu voudrais t’ensabler, t’enliser, disparaître.  Te laisser cette fois emporter par la prochaine marée.  Malgré toi tu tends l’oreille.  C’est qu’il y a là-bas, à la lisière de l’eau, des voix, des ombres, des hommes qui marchent.  Une lampe accrochée à leur front comme un troisième œil.  C’est qu’il y a, là-bas, les reflets de leurs lampes qui dansent comme autant de mirages de lune à la surface de l’eau.  Pour ne plus les voir, tu fermes les yeux.  Et tu te répètes qu’ils auront beau chercher, chercher encore, ils ne trouveront rien.  Simplement se souviendront avoir vu, cette nuit-là sur la grève, le silence.

L’éternité.  Le sable grain à grain roulant vers le large.  Le sable grain à grain repoussé par la vague vers le rivage.

Les voilà qui s’éloignent.  Bientôt avalées par le brouillard, leurs voix ne seront plus que murmures.  Et toi, il te faudra encore patienter.  Espérer à nouveau le ciel, la mer, la terre.  Et quand les premières lueurs de l’aube viendront enfin dissiper le brouillard, quand tu verras poindre la lumière à la ligne d’horizon, quand, à tes pieds dans le sable mouillé, des ombres de la nuit il ne restera que quelques traces, alors et alors seulement tu voudras t’approcher des humains.  Mettre tes pieds dans leurs traces et marcher.  Marcher jusqu’à la brûlure du soleil et du sel sur ta peau.  Marcher jusqu’à la soif.

Je le sais car je suis de ceux qui chaque nuit patrouillent sur la côte.  De ceux qui, bien avant l’aube, s’empressent de disparaître.  Et, comme mirages de lune à la surface de l’eau, vont rejoindre l’équipage de quelque vaisseau fantôme.  Y boire à leurs rêves naufragés.  Quand la vie se fait petite dans une bouteille.  Et que tanguent les hommes à la mer.

Je sais aussi que tu ne tarderas pas à nous rejoindre.  Car ici sur la côte ne vivent que les oiseaux.

Défiant l’éternité.  Le sable grain à grain roulant vers le large.  Le sable grain à grain repoussé par la vague vers le rivage.

Notice biographique

Claude-Andrée L’Espérance a étudié les arts plastiques à l’Université du Québec à Chicoutimi. Fascinée à la fois par les mots et par la matière, elle a exploré divers modes d’expression, sculpture, installation et performance, jusqu’à ce que l’écriture s’affirme comme l’essence même de sa démarche. En 2008 elle a publié à compte d’auteur Carnet d’hiver, un récit repris par Les Éditions Le Chat qui louche et tout récemment Les tiens, un roman, chez Mémoire d’encrier. À travers ses écrits, elle avoue une préférence pour les milieux marins, les lieux sauvages et isolés, et les gens qui, à force d’y vivre, ont fini par en prendre la couleur. Installée aux abords du fjord du Saguenay, en marge d’un petit village forestier et touristique, elle partage son temps entre sa passion pour l’écriture et le métier de cueilleuse qui l’entraîne chaque été à travers champs et forêts.  Elle est l’auteure des photographies qui illustrent ses textes.

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Billet de l’Anse-aux-Outardes, par Claude-Andrée L’Espérance…

12 mai 2013

Tu es, tu vis, tu viens au monde…

Emporté par la vague, tu surgis soudain du sombre, de l’humide, de l’obscur.  Porté pour la première fois par des mains étrangères, c’est avec des yeux d’aveugle que tu émerges à la lumière.  Tu es, tu vis, tu viens au monde.  Ta tête roule sur le sable comme un galet ballotté par le mouvement des vagues.  Ainsi commence le voyage.

Enroulé sur toi-même, tu bouges les doigts.  À peine.  Le temps d’un premier souffle.  Le temps d’un premier cri.  La mer a repris le large, et de l’espace du dedans tu n’es plus désormais.  Rompu le cordage qui te reliait à elle ?

Pas encore, pas tout à fait, car du bercement, du clapotis, des jours chamboulés et des tempêtes, du temps où tu n’étais qu’à travers elle, par-devers elle ou malgré elle, ton corps n’aura rien oublié.  Et quand le son de sa voix viendra à nouveau effleurer ton oreille.  Quand dans ses bras tu retrouveras la chaleur de son corps, ta bouche accueillera son sein comme un retour au pays.  Alors tu boiras à la source de celle qui veille, qui berce et qui porte.

Il en sera ainsi jusqu’à ce qu’un matin vienne la lumière.  Jusqu’à cette première fois où tes yeux distingueront enfin son visage penché sur toi.  À partir de ce jour, ton regard se tournera vers elle.  Dans l’attente de son sein.  Dans l’attente d’une étreinte.  Dans l’attente d’être porté à nouveau.  À hauteur d’elle, il y aura le monde alentour.  Et tes yeux chercheront à saisir ce qui se rapproche, ce qui s’éloigne, le mouvant, le fugace, l’ombre et la lumière.

À partir de ce jour, ton regard se tournera vers elle et cherchera son regard.  Plein de promesses.  Câlins et caresses.  Jeux de mains, jeux de pieds.  Jeu du petit homme debout.  Tes pieds posés sur ses genoux.  Tes mains dans les siennes.  À hauteur d’elle, il y aura toute cette vie qui remue.  Les visages qui s’animent.  Les corps qui bougent.  Les rires, les cris, les bavardages.  Et toi à nouveau couché, assis, porté, bercé.  Le temps d’une halte.  Ta tête appuyée sur son bras, ta bouche contre son sein, un matin elle te verra esquisser un sourire et de ta main effleurer son visage.  Elle saura alors que le temps est venu pour toi de toucher terre.  Ce jour-là, tout doucement elle te posera sur le sol.

Sitôt ta main voudra saisir ce que tes yeux voient.  Mais pour cela il te faudra rouler, ramper, avancer à quatre pattes.  En quelques mois à peine, poisson, amphibien mammifère, toi fragile animal humain, tu auras refait le trajet millénaire de la mer jusqu’à la terre ferme.  Et quand, petit quadrupède, tu auras fait mille fois le tour de ta tanière.  Quand tu auras compris que, hors les murs, il y a l’herbe, la boue, la terre, le sable, la pierre, tu comprendras aussi que pour saisir ce monde il te faudra petit à petit t’éloigner d’elle.  Et elle aussi comprendra.

Ce jour-là, tes pieds posés sur le sol, tes mains dans les siennes, tu feras tes premiers pas.  Un pied devant l’autre.  Un premier pas et puis un autre.  Et on recommence.  Le jeu du petit homme debout qui tombe et se relève.  Ce jour-là elle sera avec toi et lui aussi, peut-être, et les autres, et les tiens, et dans leurs sourires tu devineras que tu es désormais des leurs.  De ceux qui marchent.

DSCN2015Bien sûr, tes premiers pas se feront hésitants, chancelants, incertains, mais tant d’autres suivront.  Un pied devant l’autre, et on recommence.  Le jeu du petit homme debout.  Le jeu du petit de l’homme debout qui tombe et se relève.

Ainsi tu iras, pas à pas, jusqu’au jour où ta main captive voudra desserrer leur étreinte, jusqu’au jour où tes pieds s’agiteront impatients de t’amener ailleurs.  Toucher ce que tes yeux voient.  Ce jour-là, tu iras d’un pas souple et léger et tu iras ainsi jusqu’au jour où tu pourras enfin marcher libre et seul.

Désormais, c’est porté par tes rêves que tu surgis de l’ombre.  Et pour la première fois, en posant le pied sur le sol devenu pour toi familier, il te semble émerger à la lumière.  Tu es, tu vis, tu viens au monde…

Notice biographique

Claude-Andrée L’Espérance a étudié les arts plastiques à l’Université du Québec à Chicoutimi. Fascinée à la fois par les mots et par la matière, elle a exploré divers modes d’expression, sculpture, installation et performance, jusqu’à ce que l’écriture s’affirme comme l’essence même de sa démarche. En 2008 elle a publié à compte d’auteur Carnet d’hiver, un récit repris par Les Éditions Le Chat qui louche et tout récemment Les tiens, un roman, chez Mémoire d’encrier. À travers ses écrits, elle avoue une préférence pour les milieux marins, les lieux sauvages et isolés, et les gens qui, à force d’y vivre, ont fini par en prendre la couleur. Installée aux abords du fjord du Saguenay, en marge d’un petit village forestier et touristique, elle partage son temps entre sa passion pour l’écriture et le métier de cueilleuse qui l’entraîne chaque été à travers champs et forêts.  Elle est l’auteure des photographies qui illustrent ses textes.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Billet de L’Anse-aux-Outardes par Claude-Andrée L’Espérance…

16 septembre 2012

 

(C’est avec plaisir que nous vous présentons le billet d’une nouvelle collaboratrice…)

Ce que la mer lui a pris…

Les outardes sont revenues. Ce soir, dans le ciel d’octobre, elles sont des milliers à dessiner de longues lignes mouvantes qui se forment et se brisent au rythme de leurs battements d’ailes. Alertée par leurs cris, une femme a couru jusqu’aux battures pour les regarder tranquillement s’éloigner de la rive, s’envoler vers le large, partir, laissant derrière elles le ciel vide et le silence, et cette femme immobile qui, ce soir, comme chaque soir, regarde la mer.

Mais ce soir, au moment de rebrousser chemin, quelque chose d’inhabituel capte son attention. Là-bas, au loin, longeant la rive, une silhouette se profile et pas à pas se rapproche. La femme se fige, son cœur s’affole. Elle fixe à nouveau la silhouette. Un détail dans sa démarche lui semble étrangement familier. Cette manière de poser le pied sur le sol… Paniquée, le souffle court, la femme se hâte vers sa maison. Elle n’a pourtant jamais eu peur des rôdeurs. La carabine dissimulée dans la penderie, elle saurait encore s’en servir. Mais là-bas, au bout du champ, la silhouette présage une tout autre menace.

Un bref regard au pick-up abandonné dans la cour, la femme hésite : prendre la fuite ou s’enfermer. Trop tard, l’inconnu se rapproche. Une seule issue : sa maison. S’y blottir, voir venir. Et la voilà qui s’y précipite, jette un coup d’œil à son miroir, fouille dans l’armoire de la pharmacie, y cherche son rouge à lèvres… plus de rouge à lèvres. Quelques coups discrets frappés à la porte entrouverte et soudain il est là. Il la regarde. Elle ne dit rien. Surtout pas les mots qu’elle a gardés pour lui pendant toutes ces années.

Il dit : « Tu n’as pas changé. »

Elle porte ses mains à son visage où les années ont creusé des sillons, ferme les yeux et se dit simplement qu’il est enfin revenu, ce mari amoureux que la mer lui a pris.

Lui ne trouve pas les mots. Les mots pour justifier l’absence, cette trop longue absence, et troublé, finit par balbutier : « Avoir su, je serais revenu plus tôt. »

Elle passe sa langue sur ses lèvres sèches. Pas de trace de rouge à lèvres. Elle aurait tant voulu qu’il la trouve belle comme au tout premier jour. Mais il lui parle du vieux pick-up dans la cour, presque enfoui sous les herbes.

Il dit : « Tu aurais pu en avoir un bon prix. »

Et il lui parle de l’hiver à venir, de la toiture à réparer, prétexte quelques courses à faire, se précipite vers le petit chemin de gravier qui mène au village et, se tournant vers elle, il crie : « Attends-moi, maman, je reviens… »

Son regard à elle se brouille. Ses yeux semblent suivre un fil invisible. Elle se revoit sur le quai. Le temps est gris, la mer houleuse. Il bruine sur sa peau. Une petite main d’enfant tient fermement la sienne. Soudain il fait froid, si froid.

Le temps bascule.

Immobile à sa fenêtre une femme regarde la mer. Et l’espoir chaque jour l’habille de robes fleuries et la pare de bijoux qui brillent. Et l’espoir chaque jour met du rouge à ses lèvres et trace autour de ses yeux une fine ligne de khôl. Au village, elle parle encore de lui. Elle parle toujours de lui. Autour d’elle, tous les autres se taisent. C’est qu’il y a tout près d’elle cet enfant qui grandit, cet enfant qui n’est déjà plus un enfant, cet homme qui a joint la marine et qui, bottes cirées et sac à l’épaule, au bout du monde s’est exilé. C’est qu’il y a dans sa maison bientôt une chambre vide et dans le village, développement oblige, un projet de villas pour touristes, avec vue sur la mer, et d’ici peu, sa maison promise au pic des démolisseurs.

Au village on commente, on argumente et on propose : « Ce serait bien pour elle de s’éloigner de la mer. »

Loin dans les terres, une maison vide. Le vieux père est parti pour l’hospice. Elle est pour elle cette petite maison perdue au milieu des grands champs. Cette petite maison qui tourne le dos à la mer où, ce soir, elle attend que revienne du village ce grand gaillard qui dit être son fils, ce grand gaillard qu’elle ne reconnaît plus.

Notice biographique :

Claude-Andrée L’Espérance a étudié les arts plastiques à l’Université du Québec à Chicoutimi. Fascinée à la fois par les mots et par la matière, elle a exploré divers modes d’expression, sculpture, installation et performance, jusqu’à ce que l’écriture s’affirme comme l’essence même de sa démarche. En 2008 elle a publié à compte d’auteur Carnet d’hiver, un récit repris par Les Éditions Le Chat qui louche et tout récemment Les tiens, un roman, chez Mémoire d’encrier. À travers ses écrits, elle avoue une préférence pour les milieux marins, les lieux sauvages et isolés, et les gens qui, à force d’y vivre, ont fini par en prendre la couleur. Installée aux abords du fjord du Saguenay, en marge d’un petit village forestier et touristique, elle partage son temps entre sa passion pour l’écriture et le métier de cueilleuse qui l’entraîne chaque été à travers champs et forêts.


Billet de Québec, par Jean-Marc Ouellet…

14 juillet 2012

Requiem pour le dauphin mort

 Je marche sur une plage à l’orée de l’éden, où jadis, temps oublié, la vie explosa. Mon esprit vogue, méandres tourmentés, regrets pour ceci, fierté pour cela. Mes pas me conduisent vers l’avant, vers toi, résidu d’incurie.

Je m’arrête net, mes pensées s’étouffent, je ne comprends pas. Tu gis là, être inerte, sans vie, tordu par le destin. Où sont tes sauts à la surface aqueuse, où sont tes cris, tes appels de détresse, appels à être ? Tu n’es plus qu’une carcasse de chair putride, envahie par les vers et les insectes ailés. Tu gis là, tache dans l’immensité, absurde dans le temps, rejeté par ta mer, par ton océan bouillant de vies hier encore, moribond et sale aujourd’hui, dépotoir de plastique, de mazout et de mépris.

Ô masse endormie dans l’éternité, tu retrouves la poussière sur les grains de sable de l’ineptie. Ton âme ridicule vogue dans le paradis cétacéen, et sous mon regard horrifié, tu te putréfies où tu ne devrais pas être. Hier, tu vivais. Tu survivais plutôt, pour un semblant de vie, pour une chance de vivre, pour découvrir l’illusion d’un demain. En quête de nourriture, tu contournais les déchets, tu avalais plancton et débris, une fine couche d’huile enveloppait ta chair, détruisait tes défenses. Tu ignorais le danger, ton esprit de cétacé se demandait pourquoi la mer change, pourquoi le plancton se fait si rare, pourquoi son goût est si mauvais. Mais il fallait vivre, et tu poursuivais ta route vers la mort.

Savais-tu, cher dauphin sacrifié, que je suis responsable de ta mort ? Oui, moi ! Et j’en ai honte. Savais-tu que sur les 100 millions de tonnes de plastique produites chaque année, 10 % finissent dans les océans, rejeté par mes frères ? 70 % de cette masse coule dans les abysses, alors que le reste flotte, se laisse porter au gré des courants. Si tu vivais encore, tu me lancerais : — C’est la faute des grosses boîtes qui flottent sur l‘eau, qui font du bruit, qui nous blessent en passant ! Je te répondrais : — Tu as raison, mais seulement 20 % des déchets rejetés dans les ondes tombent des bateaux. La majorité vient des plages balayées par les eaux, de la terre, ce lieu étrange pour toi.  Et 90 % de ces déchets flottant sur ton océan est constitué de plastique, presque indestructible.

Aujourd’hui, devant ta carcasse, je te l’avoue. À certains endroits des mers, cette bouillie de détritus possède une concentration six fois supérieure à la masse de zooplancton. Alors, tu es bourré de plastique, cher ami. Et tu es mort.

Avant-hier, 17 bébés dauphins, des cousins à toi, peut-être, se sont échoués sur les plages du golfe du Mexique. La marée noire de la plateforme Deepwater Horizon, qu’il paraît. Hier, 5000 pélicans et 1000 de tes frères furent retrouvés morts au Pérou, pas si loin de ce continent de plastique dans le Pacifique, là où les courants regroupent les déchets flottants. Console-toi, pauvre créature tuée par ma faute. Tu n’es pas seul.

J’en entends dire qu’il faut bien trépasser un jour. C’est certain. Et notre tour viendra, mes frères et moi. Nous serons tous victimes de mon insouciance, de mon indifférence, de ma lâcheté.

J’ai mal, ô créature si belle, vouée à la poussière. J’ai honte de mes frères, j’ai honte de moi. J’ai le goût de tourner les yeux, de faire comme les autres, vaquer à mon existence narcissique et capitaliste, poursuivre mon chemin sur le sable de plus en plus chaud, d’oublier ce petit incident, de te transformer en mauvais rêve, comme si tu n’avais pas été, comme si tu n’avais pas souffert, comme si tu n’étais pas mort.

Or, mon regard s’accroche à ton cadavre. Ta pourriture me parle, tu m’appelles, tu me cries d’agir, de faire quelque chose, une petite part, sauver ce qui reste. Juste une petite part…

Mon cœur aveugle s’éveille. Je souffre, et j’entends l’inavouable de ton âme vagabonde. Oui, noble dauphin. Aujourd’hui, trop tard, mon esprit transi se rallume, et sait comment. Une humble contribution…

Ô majestueuse créature, erre tranquille dans l’univers obscur. Ton sacrifice n’a pas été vain.

Quelques sources :

http://www.lapresse.ca/environnement/201102/22/01-4372965-des-bebes-dauphins-echouent-dans-le-golfe-du-mexique.php

http://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/201205/09/01-4523640-5000-pelicans-et-1000-dauphins-retrouves-morts-au-perou.php

http://www.lapresse.ca/environnement/pollution/201205/09/01-4523694-la-concentration-en-dechets-plastiques-du-pacifique-a-explose-depuis-40-ans.php

http://fr.wikipedia.org/wiki/Plaque_de_d%C3%A9chets_du_Pacifique_nord

© Jean-Marc Ouellet 2012

Notice biographique :

Jean-Marc Ouellet a grandi sur une ferme du Lac-des-Aigles, petite municipalité du Bas-du-Fleuve, puis à Québec. Après avoir obtenu un diplôme de médecine de l’Université Laval, il a reçu une formation en anesthésiologie. Il exerce à Québec. Féru de sciences et de philosophie, il s’intéresse à toutes les  littératures, mais avoue son faible pour la fiction. Chaque année, depuis le début de sa pratique médicale, il contribue de quelques semaines de dépannage en région, et s’y accorde un peu de solitude pour lire et écrire. L’homme des jours oubliés, son premier roman, a paru en avril 2011 aux Éditions de la Grenouillère. Depuis janvier 2011, il publie un billet bimensuel dans le magazine littéraire électronique Le Chat Qui Louche


Billet de Milan, par Clémence Tombereau…

14 avril 2012

Joute céleste à l’Île chienne

L’œil regarde sans trop voir. Des volutes blanchâtres s’effilochent lentement, fumée imperceptible rayant l’azur placide.

Invité par la mer vers laquelle il coule avant de s’y noyer, l’œil se détourne alors. Il délaisse les cieux et la paupière cille, subjuguée de lumière.

Le bleu marine miroite, se casse en mille vaguelettes qui clapotent méticuleusement, ornées çà et là d’une timide crête d’écume. Sur les galets somnolents, l’eau vient et se retire, laissant entendre de drôles d’applaudissements luisants. Un bruit rond qui marie le liquide à la pierre. Un roulis de cailloux.

Rassasié, affligé par la réverbération des rayons sur les ondes, le regard cherche un repos et retourne vers la montagne mate, veloutée, sûr de s’ancrer dans du dur. Les laiteuses traînées se sont métamorphosées.

Les premiers temps, ce ne sont que des chatouillements doux, de ces jeux tendres où l’on se frôle sans oser s’affronter. Des frémissements timides en guise de prémices. Quelques oiseaux téméraires viennent gifler de leurs ailes l’air maintenant épais. Gonflé, le vent s’invite à la joute céleste qu’il compte bien gagner. Indolemment, les montagnes frissonnent et les hostilités sont plus qu’entamées. Les éléments se rangent en ordre de bataille.

Gorgées d’eau et grises désormais, les nuées filandreuses s’accrochent ardemment à la roche, semblent y laisser des plumes, des voilettes chenues.

Les monts déchiquetés, peu à peu, dissipent leurs contours, se nimbent de brouillard, jeunes mariées brunes empesées dans leur voile.

Dans un solide silence les masses vaporeuses s’agglutinent, caracolent pour écraser la terre de leur douceur factice.

Un grondement terrible sonne l’hallali d’un assaut tumultueux. Le silence s’enfuit, rapide vers d’autres horizons.

Les éléments s’assaillent. L’œil abasourdi et l’oreille assourdie se font les spectateurs d’un enfer naturel. Le ciel et la pierre s’entrechoquent sans merci ; chacun vient fracasser son armure sur l’autre.

Nul vainqueur ici.

Ciel, terre et mer s’en retournent dos à dos.

Notice biographique

Clémence Tombereau est née  à Nîmes en 1978. Après des études de lettres classiques, elle a enseigné le français en lycée pendant cinq ans.  Elle vit actuellement à Milan, en Italie.  Finaliste du prix Hemingway en 2005, lauréate cette année du concours littéraire organisé par le blogue Vivre à Porto, elle a contribué à la revue littéraire Rouge-déclic (numéro2) et elle nourrit régulièrement un blogue que vous que vous auriez intérêt à visiter :http://clemencedumper.blogspot.com/  (Clémence Tombereau vient de publier aux Éditions du Chat Qui Louche Fragments, un recueil de billets que vous pouvez vous procurer en version numérique pour un prix plus que modique à l’adresse suivante :http://www.editionslechatquilouche.com/)


Médisance et mer : Abécédaire…(29)

8 mai 2010

Extraits d’un ouvrage à paraître : Abécédaire sur Alice et quelques autres objets du devenir…

 

Médisance — À un médisant de cafétéria : facile de ne s’être jamais vendu, lorsque l’on n’a jamais trouvé acheteur…  Facile de juger les coupables, lorsque l’on n’a soi-même que des pulsions bien faiblardes   – ou que le Diable nous considère trop négligeables pour nous tenter.  Souvent, l’insignifiance assure la vertu.  Ou, plutôt, les vertus.

Mer — La mer, c’est avant tout de l’espace.  Un désert d’eau.  Elle brouille le temps.  Les souvenirs qui s’y rapportent sont difficiles à linéariser, à disposer en séquences temporelles.  Par cette dominance de la spatialité, elle rappelle l’éternité et symbolise très bien la Mère Esprit – généreuse, impénétrable et englobante.

Eaux primordiales, rythmées par leurs propres vagues et marées, flux et reflux iodés.

https://maykan.wordpress.com/


Propos sur l’oubli de soi…(17) : Carleton, la mer et Moïse…

31 janvier 2010

Extraits d’un ouvrage à Paraître : Propos sur l’oubli de soi…

Les paysages sont des escabeaux sur lesquels s’arcboute l’esprit pour hausser ce vivant au-delà de lui-même.  Toute identification ne peut être qu’adjuvant temporaire.  Carleton et la mer me sont moins nécessaires.  Mais l’air y est toujours aussi doux au soir et les vagues une musique qui rend insatiable.

*

 

Par la musique nous avons la capacité de penser au-delà du moi quotidien, au-delà des dieux, au-delà de ce que les dieux auraient voulu que nous pensions, que nous sachions.

*

 

Beaucoup sont dans la situation de Moïse.  Du haut d’une colline, de loin, on lui a montré la Terre promise. Mais on ne lui a pas permis d’y entrer.  De même, nous pressentons au cœur du soi le Réel.  Nous l’effleurons, le courtisons.  Bien peu s’y fondent dès cette vie.

*

 

Tu croyais tuer le temps par de si nombreuses activités, de si nombreux projets.  Un si grand activisme…  Et c’est le temps qui a tué ce que tu croyais être toi.


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