Un rustre en philo, un texte de Chantale Potvin…

4 juin 2017

Un rustre en philo ou l’art de trouver rapidement sa voie

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Les mains enfoncées profondément, comme collées dans le fond des poches de ses pantalons trop grands, le petit enseignant, presque masqué avec des lunettes noires, s’est approché pour lui expliquer calmement – avec l’intonation basse et grave des animateurs d’émissions de télé ennuyantes à mourir –, que le mot philosophie provenait du grec ancien et que son sens littéral signifiait : « l’amour de la sagesse ». Après cette phrase incompréhensible et la reproduction grecque φιλοσοφία tracée au tableau, le jeune homme ébranlé devant la noirceur abyssale des propos a doucement dodeliné de la tête pour faire bonne figure devant ses copains de classe. Tout en croisant ses gros bras musclés, en jouant au gars qui aurait été aussi confortable que dans son fauteuil préféré, il soupira d’aise, dessinant un léger sourire de satisfaction sur les lèvres.
Or, même s’il affichait la gueule de l’étudiant parfait qui avait tout compris, tout en mâchant lentement sa gomme, il était carrément perdu, abandonné comme Le Petit Prince dans un interminable désert de connaissances inutiles.

Ses pensées à lui étaient bien éloignées de toute activité intellectuelle aussi intense. Dans son esprit, avant l’intervention impromptue du prof intello qui l’avait interpellé personnellement, et il ne s’y attendait absolument pas, il avait la tête sous le capot d’une rutilante Mustang rouge. Avec une grosse bière froide sur l’établi, au rythme des sons tonitruants d’une vieille radio décorée maladroitement de découpures de calendriers de femmes nues, en écoutant ACDC qui hurlait Highway To Hell, il nettoyait le moteur, dévissait les bougies, les astiquait…
— Vous savez, monsieur Privé, cette discipline existe depuis l’Antiquité en Occident, lui expliqua le professeur, toujours les poings dans les poches, comme s’il avait parlé à un enfant de cinq ans.
Antiquité. Occident. Les définitions de ces concepts étaient des labyrinthes impénétrables, des pyramides égyptiennes d’où il ne sortirait jamais. Pour antiquité, ses souvenirs le ramenèrent aussitôt à un vieux « crisse » de meuble chez sa « grand-mère ». Et pour le mot Occident, comme sous un capot de Mustang, il était dans le néant. Le noir total. Il misa que l’Occident devait sûrement être un pays d’Afrique. « Occident, ça sonne comme Soudan ! », se rassura-t-il, fier de s’être rappelé un nom de pays si loin de son village natal : Sainte-Hedwidge !
— Vous comprenez tous que la philosophie est un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l’existence humaine, ou encore comme un savoir systématique ?
Le tenace professeur attendait une réponse de l’auditoire.
— Vous comprenez ce qu’est un savoir systématique, monsieur Privé ?
Il lui en posait une autre. Le salaud. Et où avait-il appris son nom qu’il répétait comme une comptine ?
Comme s’il venait de recevoir un coup de bâton de baseball derrière la tête, il chuinta un puissant « Oui, j’comprends ! ». Bon acteur, l’inflexion du oui de monsieur Privé fut perçue dans la classe comme un oui qui aurait été propulsé par une indéfectible certitude. D’ailleurs, ce oui herculéen permit à monsieur Privé d’avoir la paix quelques instants. Le prof marcha dans une autre direction. « Y va aller en écœurer un autre », chuchota-t-il.
Plus les minutes du cours s’écoulaient, plus le professeur énumérait les enjeux de la philosophie et plus les étudiants s’égaraient dans la recherche de la vérité, de la méditation sur le bien, le beau et le bonheur.
— Et du sens de la vie !, hurla pratiquement l’enseignant avec un doigt dans les airs. C’était d’ailleurs la première fois qu’il sortait une main de sa poche.
Ce cri éveilla quelques étudiants qui, de toute évidence, rêvassaient à autre chose. L’une lâcha son texto, l’autre cessa de dessiner le derrière d’un cochon qui avançait maladroitement dans un pré, la queue en tire-bouchon.
— La philosophie consiste plus largement dans l’exercice systématique de la pensée, de la réflexion. En fait, c’est un moyen de se défaire des illusions pour atteindre une plus grande liberté.
Monsieur Privé sacrait allègrement dans sa tête. Sans qu’il puisse les empêcher, les termes d’Église se succédaient. Oui, il se questionnait, mais rien ne concernait la philo. Pas un pouce ! Tout en fixant ses ongles noircis d’huile à moteur, il se demandait plutôt pourquoi il était là, ce que ce cours inutile allait lui rapporter. Il se disait qu’il ne réussirait jamais, même en seize générations, à comprendre ce que racontait ce mec. Et les explications du prof, seul dans sa bulle, pétaradaient à feu roulant. Pendant près d’une heure, monsieur Privé entendit parler des origines de « l’activité d’analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts ».
Pendant trois interminables heures, les concepts de logique, d’éthique, de métaphysique, de philosophie politique, de théorie de la connaissance et d’esthétique ont failli le faire périr d’ennui. Il bouillait comme si une bombe à retardement s’apprêtait à exploser dans ses neurones.
Pour se calmer et apaiser le climat qui devenait de plus en plus insoutenable, le fin stratège qu’il était retournait dans son garage intérieur. Il en était capable. Dans un tout petit effort de méditation, il admirait des Ford anciennes, des gros « pick-up » et des Buick luxueuses. Toutes les scènes de bris mécaniques imaginables se déroulaient dans son rêve éveillé. Parfois, le prof le surprenait à sourire, croyant que l’étudiant était subjugué, voire ensorcelé par le tsunami de connaissances qui inondait le local de classe.
alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecLe coup fatal fut donné vers 15 heures, environ 15 minutes avant la fin du cours. En fait, c’est lorsque le prof l’a interpellé une autre fois, le questionnant sur sa conception personnelle de l’anthropologie philosophique, que la fin du cirque collégien est survenue.
— Parlant d’anthropologie philosophique, si je cite le sociologue allemand, Max Scheler, quand il dit que « Jamais dans l’histoire telle que nous la connaissons, l’homme n’a été autant qu’aujourd’hui un problème pour lui-même », cela vous dit quoi, monsieur Privé ?
Comme un menuisier, l’étudiant installa son crayon derrière son oreille, se leva de son banc de torture scolaire et jeta violemment le cahier de notes et l’ouvrage Le Banquet de Platon, celui-là même qu’il avait dû acheter à la librairie du Cégep, au même prix qu’une caisse de douze.
Comme Archimède, qui beuglait Eurêka ! en courant nu à travers les rues de sa ville, juste avant de claquer définitivement la porte de la classe, le jeune monsieur Privé déclara, comme un prophète illuminé par des lumières divines :
— J’m’en contrecrisse de ton ostie d’sociologue à marde. Pis là, l’homme, ben y’a décidé de câlisser son camp pour fére d’la mécanique. Bye ! Ciao !

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Sou noir, un récit de Chantale Potvin

22 mai 2017

Noiraudalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Ton départ m’a appauvrie. Avant toi, sachant que tu étais dans ma vie, je me sentais remplie de richesses. Je ne m’en rends compte que maintenant. Il faut qu’un être disparaisse de nos vies pour réaliser combien il avait une place importante. Et toi, tu es là depuis mon premier jour. Dès ma tendre enfance, tu faisais partie de mon quotidien. Comment aurais-je pu croire que tu allais mourir, disparaître, t’éteindre ?
Comme un mignon chaton, tu te faufilais partout : sous mon lit, à travers les coussins du sofa où tu t’endormais sur le bord de la fenêtre. Petit noiraud, comme je t’aimais sans savoir que je t’aimais. C’est fou ! Tu étais trop présent, je ne te voyais plus. Je ne savais pas, je ne me doutais pas, je n’arrivais pas même à imaginer que tu serais un jour rayé de la carte. De ma carte !
Petite entité si figée dans le temps. Comme un meuble, je passais à côté de toi sans apprécier ta gentillesse. Je regrette tant ! Je n’ai pas su comprendre ta différence. Aussi, les gens ont été méchants avec toi. Je sais. J’ai entendu. J’ai vu. Je n’ai rien fait. Comme tous les autres qui pleurent ton départ, je n’ai rien fait.
Lors de tes sorties, lors de tes balades, certains te bafouaient, te dénigraient, te rejetaient. Tu ne causais pourtant aucun tort à qui que ce soit. Intimidé comme pas deux, tu as carrément souffert le martyre pendant toute ta vie. Sans dire un mot, comme une minuscule feuille au vent, tu poursuivais courageusement et majestueusement ta route. Tu accomplissais ton destin en gardant la tête haute.
Un bon matin, il y a deux ans, tu es disparu sans m’avertir, sans me dire au revoir. Ta mort n’a pas frappé à ma porte pour me préparer. J’ai eu beau questionner. Personne ne savait. Certains s’en doutaient. Tout le monde s’en foutait. « Il ne servait à rien, de toute façon. À toute les fois que je le voyais, je l’expulsais », clamait l’un sans pitié. « Ce minable était toujours dans nos jambes », ajoutait un autre. Les propos, suite à ton départ, ont été aussi cruels que ceux qui circulaient quand tu étais là, petit noiraud. En naissant, tu n’as pas gagné à la loterie. La chance, la reconnaissance et l’amour ne sont pas des concepts qui ont fait partie de ton triste destin. Tu aurais mérité plus…
Comment se faire à l’idée de ta mort ? Comment accepter que tu ne seras plus ? Que tu ne seras jamais plus ? Tu sais, Noiraud, ton départ définitif me donne une solide leçon. Je veillerai désormais à saisir l’instant et à reconnaître l’importance de ce qui m’entoure. Après toi, je serai plus éveillée.
alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecAujourd’hui, Noiraud, je prends le temps de photographier ceux qui passent dans ma vie. J’arrache des parcelles de leur existence pour graver des souvenirs d’eux dans ma mémoire. En quelque sorte, je les collectionne pour qu’ils soient toujours là. Tu vois, pour apaiser ma conscience, dans ma tirelire, j’ai des tas de cinq sous… au cas où eux aussi disparaitraient de la liste des monnaies canadiennes.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Le début de la fin, par Chantale Potvin

7 mai 2017

Le début de la finalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

— ORIGINER ne s’emploie pas ainsi, monsieur Lambert. Sachez-le ! Votre copie en est truffée. La tribu originera par-ci, les enfants originèrent par-là ! Voyez ce travail ! lança le professeur, avec le ton d’un crieur de vente aux enchères, en brandissant la copie de l’étudiant qu’il pointait du doigt.
Le professeur triait les travaux, son gros ventre rebondi lui servant de tablette. Le contraste entre son habit gris et son imposant blouson rouge lui conférait un look de père Noël. Quand ses doigts atrophiés par la graisse cessaient de courir comme des ballerines obèses sur les feuilles, il se mettait alors à lire des parties à haute voix, rigolant, ironisant, apostrophant l’un, ridiculisant l’autre.
— La consigne était de me décrire le début de l’humanité dans la tête des premiers humains. Vous pouviez vous situer n’importe où à partir d’il y a 3 millions d’années jusqu’à l’apparition des premiers écrits, il y a 3 300 ans. Vous deviez concevoir la pensée d’un humain, situé dans une époque précise, imaginant le début des temps. Dans sa tête à lui. Avec ses facultés à lui. Selon SON propre développement. Pas dans les têtes scientifiques de Darwin, d’Hubert Reeves ou de Gabriel de Mortillet. Je n’avais pas demandé non plus de rédiger des contes pour enfants, de rabibocher de vieilles thèses ou de divaguer.
L’épouvantable enseignant, rubicond comme son blouson, lut tous les travaux, un à un, soulignant avec un plaisir évident les informations erronées, les fautes d’orthographe, retouchant les notes personnelles et dénigrant les contenus sur lesquels les jeunes étudiants avaient travaillé, sans aucun doute, pendant de longues heures.
Il regarda soudainement la foule dans l’amphithéâtre et déclara, comme s’il s’était agi de l’annonce de la fin du monde : « Et maintenant… J’ai gardé mon préféré pour la fin… Comme le dernier clou d’un cercueil. Et j’ai nommé monsieur Georges… Allez ! Présentez-vous. »
Sursautant en entendant son prénom, le jeune homme releva la tête. Au moment où il fut tiré de sa rêverie, il était en train d’observer les jambes de sa voisine, laquelle rabaissa sa jupe en le fusillant d’un regard meurtrier.
— Trois élèves ont parlé d’extraterrestres, mais Georges bat les deux autres à plate couture. Notre monsieur Georges est même le seul de cette salle à avoir dédicacé son… travail intitulé Le début de la fin, à toutes les femmes de notre planète, à leurs jambes et à leurs sourires.
Georges se retint de tourner les yeux vers les jambes effilées de la jeune dame qui l’épiait du coin de l’œil.
— Si je vous résumais la pensée « géorgienne », car, je vous le rappelle, c’est dans SA tête à lui qu’on imagine le début des temps, alors, j’irais comme suit. La fin de la planète Terre est un début pour monsieur Georges et son peuple. Après la destruction rapide de toute l’humanité, Georges marcherait bêtement pour aller retrouver son père dans sa soucoupe volante…
« Et vous savez comment nous allons mourir ? Tous les humains qui auront vécu sur la Terre auront été empoisonnés par les gaz soufflés dans l’atmosphère grâce à une paille géante insérée au centre de notre planète. Ladite paille aura réussi à percer toutes les couches rocheuses, à se frayer un chemin dans la complexité des liquides, des solides et de toute la masse atomique. Bref, le papa de Georges et toute son équipe extraterrestre foreront la Terre avec des tuyaux assez puissants pour ensuite expulser des gaz hautement toxiques, si puissamment que les émanations tueront net les six milliards d’humains en une toute petite seconde… Pouf ! Fini la planète bleue et ses minables Terriens ! C’est ça, Georges ? »
Le jeune homme acquiesça d’un timide signe de tête.
alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec— Or, voilà, mes amis, je ne vous ai pas dévoilé la partie la plus croustillante de l’histoire, car, parlant d’histoire, notre ami en aurait parcouru 700 ans, bourlinguant d’une époque à l’autre, jusqu’à nous, ici, là, dans cette classe. Est-ce que mon compte est bon, Georges ?
« Sept cents ans ? C’est cela, car vous écrivez avoir passé une semaine sur la Terre, d’après la temporalité de votre planète et vous dites qu’une journée chez vous équivaut à un siècle pour notre humanité. Donc, si je fais un autre calcul rapide, vous seriez arrivé vers l’an 1308, pendant le procès des Templiers, en France. Oh ! En passant… Quelque 160 ans plus tard, auriez-vous rencontré François Villon par hasard ?
« Vieille branche ! le nargua le professeur. Pouvez-vous me dire ce qu’est devenu ce grand poète après 1463 ? Parce que, dans les livres, on ne sait pas ce qui lui est arrivé. Vous pourriez peut-être m’informer ? »
— Il s’est pendu à quarante ans, monsieur ! répondit nerveusement Georges à voix basse, les yeux baissés vers les mollets de la fille.
— Tiens ! Sacré Villon ! Parlez-moi donc de Marie-Antoinette ! Sacrée Marie ! Elle a réagi comment quand on a coupé la tête de son bonhomme ? Avez-vous entendu son célèbre « Pardonnez-moi, monsieur » quand elle s’est adressée à son bourreau, Samson, après lui avoir accidentellement marché sur un pied et juste avant que celui-ci ne lui tranchât la tronche.
— Elle pleurait. Marie-An… pleurait beaucoup, rigola Georges, discrètement, tout en lançant un regard langoureux à Élisabeth… Élisabeth, car il était parvenu à déchiffrer son prénom sur son cartable.
— Vous permettez que je termine ? Je vous lis en rafales quelques phrases. Sur l’amour…
« J’ai connu de grandes beautés éthérées que je pense avoir aimées. Je ne sais pas trop ce que alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecc’est que l’amour pour les humains. Or, ses baisers me laissaient un doux goût dans la bouche et dans la gorge. Quand elle est morte après quelques minutes de ma vie, j’ai gémi, voire même hurlé, pendant des nuits », lu le professeur tortionnaire. »
Autres rires…
— Je trouve fort dommage que vous n’ayez pas pu venir un mois sur notre Terre, plutôt qu’une seule petite semaine… Vous auriez connu Socrate et Jésus-Christ !
Un étudiant, assis à l’avant, s’esclaffa si fort qu’il faillit s’étouffer.
En continuant de s’acharner, le prof essoufflé regarda l’assistance en remontant péniblement les marches de l’estrade et en s’appuyant au bord du tableau noir.
— Dans notre monde, « originer » est un verbe qui s’emploie de toutes les façons, monsieur, lança Georges, d’une voix très basse.
— Vous vous croyez prophète ? répliqua l’enseignant.
Excédé, Georges se leva subitement, rouge de colère. Il regarda une dernière fois les jambes d’Élisabeth, se leva et marcha jusqu’à l’estrade qu’il gravit lentement. Il prit un élan et poussa le professeur, lequel vacilla quelques secondes avant de s’écrouler en un gros tas d’os qui s’amoncela au-dessus d’un tas de linge gris et rouge et d’une paire de lunettes ridicules.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

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Des odeurs d’enfer. un texte de Chantale Potvin…

23 avril 2017

Des odeurs d’enfer

 

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

La chaleur était insoutenable. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais là. J’entendais des bruits étranges, mais familiers. Ma mère peut-être ! Mon père ? Tout était très sourd et je me sentais de plus en plus inconfortable dans ce lieu trop petit pour déplier mes jambes que je devais tenir entre mes bras pour ressentir un peu de confort.

J’avais très envie de pleurer. Je grelottais même s’il faisait très chaud, mais personne ne venait à mon secours. J’étais incapable de hurler et j’étais bien trop petit pour vivre une si épouvantable terreur. Je ne me voyais pas, je n’avais pas les mots ou les connaissances, mais je savais que j’étais petit et fragile…

Soudain ma tête tourna vers le bas. Je sentis dès lors tourner le sang qui me chauffait les oreilles et le nez puis remplir mes lèvres, qui devaient être toutes gonflées et bleuies. Volontairement, je fermai mes yeux pour ne pas discerner la noirceur qui m’effrayait comme les gros vampires et les monstres les plus horribles, ceux qui n’existent que dans les livres. Je voulais tant voir la lumière. Où étais-je et pourquoi étais-je incapable de recevoir juste un tout petit peu de clarté pour me rassurer et pour donner une chance à mon pauvre cœur affolé qui battait la chamade ?
Depuis combien de temps étais-je là ? Je ne saurais répondre. Tout ce que je sais, c’est que j’étais transi, apeuré, mourant et que le lieu trop étroit m’empêchait de respirer. Une toute petite musique, douce comme un ruisseau, me donna l’espoir que quelqu’un passerait par là, par un hasard incroyable, humerait ma présence et me sortirait des antres de la noirceur lugubre de cette prison qui serait peut-être mon tombeau.

Un bruit de cliquetis et de tonnerre plus fort que tous les autres me fit croire pendant quelques secondes que des hommes armés embrayaient leurs mitraillettes. Où suis-je ? Comment puis-je analyser ma situation dans cette pièce qui sent la poussière et où il n’y aurait même pas assez d’air pour qu’une mouche y survive ?

Je pleurais en silence en entendant ma maman qui se lamentait en hurlant mon prénom. Sébastien ! Sébastien ! Elle avait le ton de ces gens qui souffrent et qui ont mal aux entrailles. Je lui avais fait mal ! Cette voix douce était mon seul salut.

J’espérais si fort, j’étais épuisé. J’allais mourir avec les lamentations de ma mère et les bruits de l’ambulance ou de la police en sourdine. Ces derniers bruits m’accompagneraient jusqu’à ma mort. Je tenais maintenant très fermement mes jambes, je fermai très fort les yeux, je priai une ou deux fois le petit Jésus et Marie, la maman du monde.

Je tins bon comme le meilleur petit garçon de trois ans du monde jusqu’à ce que ma mère en larmes et deux policiers ouvrent enfin la porte de la sécheuse !

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Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5secondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

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Les derniers jours de Magoulla, un texte de Chantale Potvin…

10 avril 2017

Les derniers jours de Magoulla

Il sera souhaitable de ne pas sortir, car votre corps serait mis en danger par des émanations venant de l’extérieur de votre monde.
Extrait de Les Prophéties d’Edgar Cayce

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Brueghel

Partout sur la Terre, sur tous les balcons et sous toutes les vérandas, les craquements des berceuses se mélangeaient au léger bruit sourd qui provenait du ciel depuis quelques jours.

Au Congo

Pour sa part, en plus de ses maux de ventre atroces, le Congolais Magoulla se plaignait de la chaleur intense qui l’empêchait de dormir sous sa hutte empuantie. L’étrange musique de fond qui jouait maintenant tout autour de la Terre le laissait totalement indifférent tant la fatigue l’éreintait, car il avait passé plus de douze heures à trimer dur dans les allées de manioc. En farine, en tubercules, en tapioca ou avec du riz, Magoulla détestait profondément cette plante. Le mot, à lui seul, lui donnait la nausée. C’est pourtant ce qui lui permettait de survivre dans ce pays où régnaient cinq reines : la pauvreté, la misère, l’injustice, la faim et la guerre.

Depuis deux ans, il vivait seul, car sa jeune épouse avait été emportée par la fièvre hémorragique de Congo-Crimée. La mort de sa belle Naëvia avait été un film d’horreur de quatre jours auquel il avait assisté sans pouvoir ne rien faire. Les symptômes étaient apparus brutalement, comme un coup de poing.

Quant aux sons qui tombaient du ciel, ils s’intensifiaient de jour en jour. Ni comparable au tonnerre ni au vent, c’était plutôt un bruit tonitruant et indescriptible, semblable à la danse du boyau d’un aspirateur géant qui aurait serpenté sous un lit, gobant ici et là, dans tous les racoins, des cheveux, des poussière. L’air était lourd, écrasant, enfumé, et il était possible d’observer un smog généralisé qui enrobait le globe. Le temps, comme le soleil qui revient après un puissant orage, était le même partout, et les arcs-en-ciel étaient si nombreux que les enfants émerveillés avaient l’impression d’avoir été catapultés dans un livre de conte.

Tous les scientifiques, les spécialistes de l’environnement, les astrophysiciens et les astronomes tentaient d’émettre des hypothèses. La NASA était en alerte et constamment en communication avec les plus grands centres spatiaux du monde. Chacun y allait avec ses certitudes, ses études et ses convictions. Rien n’était arrêté pour l’instant, mais tous convergeaient vers la plus plausible des hypothèses, soit celle du changement de l’axe de rotation de la Terre, qui allait inverser le champ magnétique.

Or, malgré les communiqués de presse traduits dans les 7 000 langues existantes, malgré les journaux qui étalaient les connaissances jaillissant de tous les états du globe, aucun n’avait les mots pour expliquer pourquoi un soleil de plomb éclatait maintenant partout, toutes les heures de l’horloge, même dans le Nord où il aurait dû faire nuit pendant des mois.

Babel et l’hélium

L’accident survint. Il y a d’abord eu une puissante bourrasque aspirante et les humains ont été soulevés comme des ballons au bout d’une ficelle. Les enfants, que des mamans apeurées tentaient de retenir, croyaient à un jeu. Des fermiers s’agrippaient à leur tracteur, des ouvriers s’accrochaient aux bardeaux des toits, des marcheurs tenaient désespérément les poteaux routiers. Ceux qui sortaient pour constater le phénomène s’envolaient immédiatement comme des Mary Poppins sans parapluie. Des millions d’hommes et de femmes bourlinguaient dans l’infini. L’effrayante vision, du point de vue du plancher terrestre, présentait l’image d’une nuée d’insectes fous, qui s’excitent dans la lumière, ou encore de malheureux naufragés tombés d’un navire fantôme volant.

Ceux qui se trouvaient dans leur maison au moment de « l’accident » n’eurent d’autres choix que de se coller, s’écraser et suffoquer aux plafonds ou sous des meubles, pour éviter d’être absorbés par les orifices des fenêtres et des portes, dont les vitres éclataient sous la pression. Les doigts crispés aux rebords des toits, des branches d’arbres ou des boîtes aux lettres, les humains s’électrocutaient, s’assommaient, se blessaient. Tout finissait par s’arracher, se déraciner et casser. Il n’y avait point de salut.

Pendant une douzaine d’heures, les Terriens ont beuglé, hurlé et gémi en flottant, plus ou moins rapidement, au hasard des flots de l’air. On aurait dit que les lois de la physique, devenues anarchiques, ne répondaient plus à l’appel, que les humains étaient maintenant gonflés d’hélium. De la Tunisie en Alaska, de la Jamaïque à la Grande Muraille, c’est comme si on avait bandé les yeux d’un enfant, fait tourner un globe terrestre et posé son doigt sur une destination au hasard pour l’arrêter de tourner. Bravo pour les joueurs dont l’index se posait sur la terre ferme, et non dans ce qui compose les trois quarts du globe : l’eau ! Les cinq océans ont englouti quatre milliards d’humains en trois minutes.

Or, malgré ce chaos, certains ont vécu des moments absolument extraordinaires grâce à cette « héliumite terrestre ». C’est le cas de Magoulla, qui a posé pied à deux mètres de la porte d’entrée du somptueux manoir d’un milliardaire où il était inscrit « SAGAR ». Croyant fermement à un sort jeté par un marabout d’Afrique qui aurait réalisé son souhait le plus fou, il lézardait au bord de sa gigantesque piscine, se prélassait pendant des heures interminables dans son lit à baldaquin, vidait les réfrigérateurs et asséchait les bars, garnis à craquer. Parfois, il chevauchait sur SES terres, monté sur les chevaux les plus racés. Il rigolait de ses grandes dents blanches quand il se rappelait sa vieille jument édentée à qui on devait asséner deux coups de fouet pour la faire clopiner d’un pas. Il n’est pas étonnant d’apprendre que Magoulla ne désirait nullement regagner son village, empuanti par des kilomètres de dalles creusées qui sillonnaient les routes en guise d’égout, pleines à ras bord, de détritus et de merde, jusqu’à ce que la prochaine pluie veuille bien les nettoyer.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Brueghel

La dégénérescence de l’humanité s’est poursuivie jusqu’à son dernier souffle. La Terre s’est lentement dirigée où séjournait Vénus, et Mercure avait déjà littéralement fondu dans le soleil. La grosse Mars s’est installée sur le socle jadis occupé par la Terre, au même endroit, exactement ! Bientôt les bactéries y formeront la vie. Les montagnes, l’eau, les plantes, les animaux, les mouches, les pigeons et les mouettes surgiront d’ici quelques milliards d’années. Tout se passera sur Mars, jusqu’à la nouvelle révolution, lorsque Jupiter viendra à son tour la détrôner.
La vieille Terre ne sera plus qu’un gros raisin sec, brûlé et cicatrisé par son passé. De plus en plus, elle se rapprochera du Soleil pour s’y dissoudre.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Un bisou d’outre-tombe, un texte de Chantale Potvin…

26 mars 2017

Un bisou d’outre-tombe

Je roulais en voiture et j’étais sur le point d’arriver à la maison quand jealain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec m’attardai à écouter Caroll, une animatrice de radio que je connaissais bien. À une heure inhabituelle, selon ses horaires normaux de travail, elle animait une émission spéciale pour amasser des dons afin de lutter contre la leucémie. Comme elle en faisait mention, elle avait accepté d’aller faire raser sa belle chevelure pour une activité de financement et il lui manquait 100 $ pour atteindre son objectif de départ, qui avait été fixé à 3000 $.

— Allez, mesdames et messieurs ! Vos dons sont importants. Ils servent pour la recherche contre cette maladie terrible qui enlève la vie à trop d’enfants chaque année. Les statistiques déplorables font état de trop de décès, clamait-elle inlassablement dans son micro pour convaincre son auditoire de téléphoner ou de se rendre au poste pour lui remettre des dons.

Comme j’étais tout près, avec bien évidemment l’image de William qui me souriait et m’incitait à m’activer pour la recherche sur la « lucimie », comme il disait, je me rendis à la station.

Pendant qu’une chanson tournait sur les ondes, j’eus le temps de discuter avec l’animatrice et de lui faire une offre.

— Je vais te donner les 100 $ qui te manquent si tu fais tourner Mon héros.

Caroll ne l’avait pas à portée de la main, mais elle fit une courte recherche et la trouva rapidement, car elle commençait à être populaire dans au Québec. Avant de la faire tourner, elle proposa qu’on discute pendant qu’une autre pièce jouait. Je racontai à Caroll à quel point cet enfant m’avait permis de grandir. Je lui confiai mon amour éternel pour William et la chance inouïe que la vie m’avait offerte de faire que nos chemins se croisent. Je lui confiai les péripéties de sa vie, la philosophie qu’il avait développée et les prières qu’il avait demandées pour Noël. Elle saisit ainsi l’intensité de sa foi, de ses croyances et les espoirs qui le soutenaient.

L’effarement de Caroll me fit prendre conscience à quel point cette histoire était touchante, hors de l’ordinaire. L’animatrice, reconnue pour sa grande sensibilité, pleurait à chaudes larmes pendant que je lui racontais les derniers mois de la vie de ce gamin qui m’avait « engagée » pour l’aider dans ses démarches de communication avec le Bon Dieu. Avec des trémolos dans la voix, juste avant de faire tourner Mon héros pour ses auditeurs, elle résuma avec émotion l’histoire de William.

Pendant que la voix de la belle Annie Villeneuve entonnait sa chanson pour la première fois sur les ondes de cette radio, l’animatrice ferma les yeux pour écouter attentivement les paroles éclatantes de vérité et la très jolie mélodie.

« Et du plus haut de tes trois pommes, tu as dirigé ton navire avec le courage de cent hommes, devant un trop court avenir », répéta Caroll, la voix étranglée par les larmes.

Sur les ondes, elle raconta combien cette histoire était singulière et invita tous ses auditeurs à téléphoner pendant les dernières minutes de son émission. Il n’est pas nécessaire d’ajouter qu’elle a largement dépassé son objectif monétaire.

Juste avant que je ne quitte la station, Caroll me questionna sur la date du décès de William. Comme je ne l’avais pas en mémoire, je lâchai un coup de fil à sa mère.

— Au moment même où on se parle, à la minute même, ça fait un an. Il est décédé à six heures exactement. Même dans l’au-delà, il se sert encore de SA journaliste. Il se sert encore de toi, me murmura sa maman avec un chagrin qui cassait sa voix.

En raccrochant, je frissonnais de tout mon être.

Mais où es-tu ?
Aussi loin sans même une adresse
Et que deviens-tu ?
L’attente est ma seule caresse
Et je t’aime encore
Comme dans les chansons banales
Et ça me dévore
Et tout le reste m’est égal
De plus en plus fort
À chaque souffle à chaque pas
Et je t’aime encore
Et, toi, tu ne m’entends pas
Je t’aime encore, Céline Dion

Quand je sortis de la station, j’étais perplexe devant cette étrange situation qui me faisait frapper aux portes de l’au-delà. J’arrêtai mon auto devant le grand lac Saint-Jean dont les eaux déferlaient, et insérai le disque de Renaud qui était accroché au pare-soleil. Les paroles avaient maintenant un sens nouveau. Dans cette chanson si mélancolique, Renaud a mal au temps et éprouve la nostalgie des bonbons de son enfance.

Assise sur un banc, avec le dessin que William m’avait offert, je me sentais perdue, devant l’immensité des vagues et de cette mer, je m’imaginais avec William et j’écoutais la romance Mistral gagnant.

À m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toialain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec
Et regarder le soleil qui s’en va
Te parler du bon temps qu’est mort et je m’en fous
Te dire que les méchants, c’est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n’est que de tes yeux
Car ils ont l’avantage d’être deux
Et entendre ton rire s’envoler aussi haut
Que s’envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie
Et l’aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants

La nuit, je rêve parfois de William. J’entends ses discours quand il conseillait d’aimer la vie ou quand il transigeait avec Dieu. J’entends ses prières pendant que je bois un Pepsi et déguste un chocolat sucré comme le bonheur. Dans ces rêves, je tourne mes yeux vers les étoiles et, du haut du ciel, William me parle. Il est vivant et il sourit au soleil en marchant au bord d’une mer, main dans la main avec Marie. Parfois il s’arrête pour lancer un caillou qui fait des bonds sur l’eau. Avec le bout de son doigt, William compte les bonds du caillou. Dans mes rêves, il est heureux. Et Jésus, qui est son ami, sourit et marche à ses côtés.

-30-

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Sur le bord de la rivière Chena, je me suis assise et j’ai pleuré…, un texte de Chantale Potvin

12 mars 2017

Sur le bord de la rivière Chena…

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Je me suis assise et j’ai pleuré. La légende raconte que tout ce qui tombe dans les eaux de cette rivière, les feuilles, les insectes, les plumes des oiseaux, tout se transforme en pierres de son lit. Ah ! Que ne donnerais-je pas pour pouvoir arracher mon cœur de ma poitrine et le jeter dans le courant… Il n’y aurait alors plus de douleur, plus de regret, plus de souvenirs.
Paulo Coelho, Sur le bord de la rivière Piedra, je me suis assise et j’ai pleuré, 1997

Alaska, juillet 2641

Lors des beaux jours, quand le soleil est enfermé dans d’épais nuages, Flora peut sortir et marcher sur le bord de la rivière Chena, seule ou avec sa mère, conversant de passé, de littérature, d’histoire, et surtout de ce XXIe siècle qui a vu disparaître l’eau, le bois, l’ozone, la vie… De ces humains avides d’argent, sans respect pour la planète et pour les générations futures.
— Comme j’aimerais pouvoir lire ce livre ! Comme je voudrais qu’il existe encore !
— Tu sais très bien, Flora, que les livres n’existent plus depuis deux siècles. Le papier est hors de prix. Tu peux toutefois aller à la bibliothèque !

Avec ses yeux attendrissants, sa mère tentait de lui faire oublier la rage qu’elle gardait dans son cœur depuis qu’elle était toute petite. Sa rage contre ces fleurs, ces arbres, ces lacs, ces rivières, désormais si rares, disparus ou mortellement pollués. Sa rage de lire Robinson Crusoé, Le livre de la Jungle ou Les aventures de Peter Pan, cet enfant qui ne voulait pas grandir. Oui, rage, car ces histoires ne peuvent plus se vivre sur cette boule dépouillée et aride où il n’y a plus d’eau, d’air pur et d’animaux. Comment comprendre un tigre de Sibérie par des photos ? Ou faire revivre les majestueux ours polaires ou Moby Dick, ce cachalot blanc, ivre de vengeance, qui a mené la guerre contre le capitaine Achab.

Rage depuis qu’elle sait lire… Elle a lu Paris au XIXe siècle, aux abords de la Seine, quand les jeunes filles abritées sous des parapluies de dentelles pouvaient se balader tranquillement, main dans la main avec l’élu de leur cœur. Aujourd’hui, il faudrait être carrément fou ou illégal pour marcher en plein soleil. Aussi, tous les monuments historiques, qui n’ont pas été détruits sous les bombes, sont visités derrière d’épaisses vitres anti-suicide. Trop chaud ! Impossible de revivre ces instants. Elle en veut au monde entier de ne pas lui avoir épargné un peu de ce vert, un peu de ce bleu…

Flora a envie de pleurer. Du bout du doigt, elle pianote sur l’eau.

Pleurer ! Qui aurait cru dans ces temps-là qu’il leur aurait fallu économiser des larmes pour se brosser les dents ?

Pleurer ! Pour échapper au passé.

Comme elle voudrait s’étendre dans un grand champ de fleurs où l’herbe qu’elle foulerait serait aussi douce que du duvet ! Elle pourrait faire des dessins dans le ciel avec les nuages, tout en écoutant le bruit paisible du petit ruisseau que survoleraient des oiseaux, qui aujourd’hui… n’existent plus !
— Maman… Peux-tu me laisser seule ? Je vais rentrer si le soleil perce les nuages, je te le promets !

Elle regarda sa mère s’éloigner pour pouvoir s’agenouiller au pied de la rivière, la seule qu’elle n’ait jamais vue, jamais aimée et qui lui facilitait les rêves par sa grande beauté. En fixant l’horizon désertique, elle repassait en mémoire chaque passage de ce livre qu’elle a eu la chance de tenir dans ses mains… En regardant ses larmes descendre lentement avec le courant et tambouriner doucement sur les ondes de l’eau, une phrase valsait dans sa tête… La légende raconte que tout ce qui tombe dans les eaux de cette rivière, les feuilles, les insectes, les plumes des oiseaux, tout se transforme en pierres de son lit.

Flora se pencha au-dessus de l’eau, observa le fond et empoigna quelques cailloux qu’elle lança dans ce qui restait d’air et de ciel. Sa force de revivre ce que tant de personnes ont vécu sans en profiter fut la plus forte. Elle vit, avec son cœur, un vol d’oiseaux tropicaux de toutes les couleurs, des milliers de papillons, les feuilles des érables en automne, un arc-en-ciel géant, une grande colombe blanche… Elle entendit le hurlement d’un grand loup blanc d’Antarctique et vit tomber de gros pétales de toutes sortes de fleurs dont les parfums ensorcellent. Elle lança des poignées, puis des poignées et encore des poignées de cailloux, maintenant agenouillée dans la rivière, les cheveux collés au visage, le sourire figé, multipliant les visions de bonheur toujours plus enchanteresses les unes que les autres… Il y avait toujours de petits hélicoptères d’érable qui tourbillonnaient, tombaient sur l’eau, calaient et se transformaient en cailloux.

Flora voyagea à travers le monde entier, le monde du passé, par de simples lancers de petits cailloux qui étaient jadis des feuilles, des fleurs, des plumes d’oiseaux, des insectes, et surtout le cœur d’une petite fille qui déborde d’une envie de vivre sur une terre où il y aurait encore du vert, où il y aurait encore du bleu.

Flora a trop pigé de cailloux dans le lit de la rivière Chena… On dit bêtement qu’elle s’est suicidée, mais ce n’est pas tout à fait cela.

Flora s’est simplement transformée en caillou pour se fondre dans le paradis des belles choses et vivre comme ces gens des temps anciens, de l’an 2000. Ceux qui n’avaient pas compris leur paradis.

Sa maman, qui vient toujours marcher, verra son cœur qui était plein d’amour pour elle, là, dans le rocher au fond de la rivière. Un cœur où il n’y a plus de douleur, de regret, de souvenirs, qui vit dans un paradis vert et bleu !

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


La carte-soleil, un texte de Chantale Potvin…

5 mars 2017

La carte-soleil alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Pour agrémenter un samedi soir de 1975, avec ses quatre petits-enfants, pendant que ses « jeunes » étaient allés danser le disco à la brasserie du coin, ma grand-mère nous avait installés, mes cousins et moi, devant une gigantesque boîte remplie à ras bord de photographies en noir et blanc. Elle nous offrait, en quelque sorte, un voyage dans ce qu’avait été sa modeste vie.
Les questions et les rires fusaient au rythme des photographies qui s’empilaient autour de ses enfants en pyjama, qui étaient avides de cette balade dans le passé. Les mariages. Les réunions de famille. Les fêtes de Noël enfumées où les oncles moustachus, saouls comme des porcs, dormaient accoudés sur une table. Les manteaux de fourrure empilés sur un lit sur lequel dormait un bébé.
— C’est qui ?
Et notre grand-mère, souriante, patiente et dévouée, répondait de son mieux.
Tout en entassant les images autour de moi, je tombai soudain sur un tableau d’horreur qui, je le savais déjà, allait être à jamais gravé dans ma mémoire. Les yeux ronds comme des billes, j’étais stupéfiée. Je ne pouvais détacher mon regard d’enfant du visage souffrant de cet homme couché sur un lit et emmailloté dans un drap blanc souillé. Je ne sus pas à l’époque en quoi consistaient les taches sur la couverture, mais j’ai déduit, bien plus tard, que c’était du pus et du sang.
Je fixais l’image sans bouger.
Avec le vieux carton dans les mains, je tremblais devant cette scène. Aucun mot ne sortait de ma bouche. Les cousins, devant mon hébétude, se sont penchés vers la photographie qui datait de l’an 1948. C’était écrit sur la photographie.
— Qu’est-ce qu’il a, le monsieur ? C’est qui ? Pourquoi il a tellement l’air d’avoir mal ? avaient demandé mes cousins alors que j’étais terrée dans un silence et une réflexion qui projetaient mon imagination d’une hypothèse tragique à l’autre.
— C’est mon grand frère, Albert, a lancé ma grand-mère, les yeux soudainement embués de larmes. Alors qu’il travaillait dans une usine, il est tombé dans une espèce de piscine remplie d’eau chaude et de produits chimiques, là où les hommes poussaient les billots de bois pour que l’écorce se détache plus facilement. Mon frère a glissé et y est tombé. Seule sa tête n’a pas été immergée. C’est un ami qui l’a immédiatement sauvé. Si sauver est le bon mot ! Il aurait dû mourir là, le pauvre, et se noyer pour ne pas finir sa vie dans l’enfer. Je n’oublierai jamais ses cris de douleur dans la nuit, quand ma mère et mon père changeaient les draps en lui arrachant la peau. Pendant quatre jours, d’un coma à l’autre, il a supplié le Bon Dieu en hurlant de venir le chercher, a-t-elle confié en ravalant, en refoulant sa tristesse.
Ma grand-mère a pris la photographie et, tout en l’empilant avec d’autres, elle l’a projetée dans la boîte comme un objet maléfique. Après avoir rapidement ramassé le fouillis pour ranger la boîte dans l’armoire, afin de nous changer les idées, elle s’est dirigée vers la cuisine pour nous offrir des biscuits avant d’aller au lit.
— Vous savez, il n’y avait pas de cartes-soleil dans le temps ! Et ç’a tué ma mère, cette histoire. N’en parlons plus jamais, d’accord ?
Je ne compris pas le sens de cette carte-soleil, mais la lourde tristesse de ma grand-mère m’incita à me taire. Et le sujet fut clos.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Le loquace !, un texte de Chantale Potvin…

12 février 2017

Savoir la fermer !

Rien ne t’arrête quand tu commences
Si tu savais comme j’ai envie d’un peu de silence
Dalida, Paroles, paroles, 1973

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Il ne s’y attendait pas. La photographie sur le Web était bien, mais là, en réalité, elle était un véritable coup de canon dans son cœur. Jamais il ne s’était senti aussi intimidé en la présence d’une femme. Quelle beauté ! Habituellement, il les rencontrait, les gardait un mois ou deux et c’était terminé. Il se lassait vite d’elles. Pour lui, elles étaient mornes, bavardes et insipides. Souvent il s’était demandé pourquoi sa libido était tant attirée par ce sexe faible dans tous les sens du terme.
Or, elle, il le savait, il le sentait, il la marierait. Il l’avait trouvée. L’émotion de départ était trop forte pour nier ce destin.
Avec ses jambes longues jusqu’à demain, elle s’était assise devant lui et le soleil verdissait ses yeux comme dans les films. Elle avait le look, le corps, le sourire et les mains d’une star. Le mot beauté n’était pas assez puissant pour qualifier le physique de cette déesse.
— Tu aimes les frites ? lui avait-il demandé en lisant le menu du restaurant. Le steak est servi avec des frites, ici ?
— Oui, j’aime bien. Je les mange avec du Ketchup. Je suis une fana de Ketchup.
Après le papotage lié au menu et au vin, il s’attaqua à l’intérieur de la femelle. Ce n’était pas par intérêt, mais pour lui faire croire, même si ses pulsions étaient exclusivement sexuelles, qu’il avait envie de savoir qui elle était, il la questionna sur ses valeurs, ses passions, son passé.
— Il y a trois choses que je n’aime pas. Les chats, les orages et les maudits Indiens, rigola-t-il.
— Tu as des idées bien arrêtées, lui fit-elle remarquer.
Le souper s’éternisa. Pendant que la serveuse s’activa à ramasser la table. Il voyait bien qu’elle bâillait et semblait maintenant s’ennuyer en sa présence.
— Tu as aimé ta soirée ?
— Pas si mal !
— Tu aimerais me revoir ? Moi, je serais content. Tu me plais vraiment beaucoup, admit-il courageusement.
— Je ne sais pas. Je veux être honnête avec toi, lui répondit-elle.
— Tu ne me trouves pas à ton goût ?
— Oh ! Ce n’est pas ça. Je ne sais pas. C’est tout. Je ne sais pas.
Elle se leva, s’excusant et prétextant qu’elle devait aller à la toilette. Toutefois, elle n’en fit rien et elle sortit pour aller téléphoner. Pendant quelques minutes, elle discuta avec sa meilleure amie pour planifier le reste de la soirée. Le sort décida qu’elles iraient danser à la discothèque la plus huppée du centre-ville.
Après l’appel, elle revint vers la table où il était assis, pensive.alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec
— Alors, tu as pensé ? ricana-t-il, presque ridicule, avec l’espoir qu’elle accepte de le revoir.
Elle le fixa en enfilant son manteau et en empoignant la facture.
— Non, laisse, je vais payer, s’empressa-t-il de lui signifier.
Elle le remercia d’un sourire et d’un charmant signe de tête.
— Alors, on va se revoir ? répéta-t-il avec un air presque idiot.
— Non !, on ne se reverra pas, trancha-t-elle avec une certitude déconcertante.
— Et puis-je savoir pourquoi ?
— Parce que je suis une maudite Indienne, murmura-t-elle en tournant le dos.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

-Le génocide culturel camouflé des indiensalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

-Ta gueule, maman

-Les dessous de l’intimidation

-Des fleurs pour Rosy

-T’as besoin de moi au ciel ?


Le meilleur des médecins, une nouvelle de Chantale Potvin…

29 janvier 2017

Le meilleur des médecins

Le meilleur préservatif, c’est la laideur. alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec
Hervé Bazin

Aujourd’hui, il célébrait sa 1000e intervention chirurgicale. Comme un automate, il écrivait tout dans un carnet, il calculait ses passages à la salle d’opération. Avec l’acharnement d’une araignée, il dénombrait le nombre d’estomacs, de foies, de rates, de vésicules, de seins, d’yeux, de peau arrachée, etc. Avec son visage plus laid qu’un singe, sa peau aussi boutonneuse que celle d’un ado et aussi huileuse qu’une morue puante, que serait-il devenu s’il n’avait pas été un talentueux chirurgien ? Et ses mains, ses compétentes mains étaient plus crevassées que la carapace d’un reptile. Sur son sarrau de docteur où s’accumulaient les pellicules, il était presque répugnant. On aurait pu le prendre pour un fou, un clochard, un gueux, mais c’était le meilleur.
Dans sa maison, personne n’y allait et d’ailleurs personne ne savait où il vivait.

Il était étrange, très étrange. Sa laideur était énigmatique. Personne ne savait ce qu’il faisait quand il n’était pas à l’hôpital. De toute façon, personne ne voulait le savoir.

Un jour, une infirmière l’invita à manger après la journée de travail. Il refusa gentiment, prétextant une sortie à la campagne chez sa mère.

Une autre fois, il refusa d’accompagner le groupe du département pour une partie de quilles. Jamais on ne le voyait aux rassemblements de Noël ou lors des activités sociales.
Et puis, soudain, on décida un jour de ne plus s’occuper de lui. « Il est sauvage et égocentrique », se convainquait-on. Parfois, des questions surgissaient, mais toujours on oubliait le « doc » comme une vieille pantoufle.

Les années passèrent, les opérations s’accumulèrent et sa solitude gisait toujours dans la plus grande stabilité, mais il était le meilleur et avait même reçu un prix de distinction pour une délicate intervention réalisée sur une femme enceinte alors que son fœtus était atteint de spina-bifida. Lors de la cérémonie, il ne s’était même pas présenté. On avait appris à le respecter malgré son côté « anti-société » et même s’il ne parlait jamais, ne se vantait jamais, il fallait le répéter, c’était le meilleur.

Un matin, une infirmière rapporta qu’elle avait vu « doc » dans un restaurant discutant avec une fort jolie femme. On rapporta plus tard qu’il s’agissait de sa sœur, car elle était venue prendre les arrangements pour le testament de sa mère qui venait de mourir des suites d’un infarctus. On sut aussi qu’il lui avait presque tout laissé à sa sœur et que sa mère était une femme excessivement fortunée.

Malgré cet épisode où on découvrit sa grande générosité, on ne s’occupa pas davantage de lui et on le respectait, car il était le meilleur. Il pouvait pratiquer une incision dans un corps humain et sa ligne sous le scalpel était aussi droite et parfaite que si elle avait été tracée avec une règle. Il ne commettait jamais d’erreur.

Il était étrange. Quand on s’arrêtait à y penser, il fallait avouer qu’il était étrange. Avait-il seulement déjà fait l’amour ? Avait-il déjà été amoureux ? Où vivait-il ? Un soir, une infirmière plus curieuse que les autres entreprit de le suivre jusque chez lui. Or, elle ne put le suivre complètement, car son appartement était situé dans un immeuble où il fallait se stationner dans les soubassements pour y parvenir.

Elle se décida d’attendre. Attendre. Elle poireauta dans sa voiture pendant des heures. Jusqu’au découragement ! Vers onze heures, elle se décidait de repartir, quand un ancien amant cogna dans la vitre de sa voiture.
—Allô, Geneviève ! Tu vis par ici ?
—Non ! Non, j’attends une amie !, mentit-elle en tremblotant au son de la voix de cet homme qu’elle avait tant aimé.

Après les salutations d’usage, l’ex-amant la salua et monta dans sa voiture. Dieu qu’elle l’avait aimé celui-là ! Un monstre, un épouvantable monstre. Il l’avait tellement fait souffrir par son indifférence et pour l’avoir jetée comme une vieille guenille après l’usage.

Et le « doc », lui, n’était pas descendu. Elle était venue pour rien, sinon pour éveiller une souffrance qui était presque éteinte dans son cœur.

Et l’amant repartit dans sa voiture sport, il allait chasser la femelle une autre nuit. Beau comme un dieu, le salaud. Il se regarda dans le rétroviseur. Quels yeux ! Quelle gueule ! Pendant ce temps, sur le siège arrière, il avait oublié de camoufler son masque et ses gants imbibés d’huile qu’il se confectionnait depuis des années, de jour en jour, de foie en foie, d’artère en artère, d’opération en opération. Il voulait ressembler à un vieux babouin au visage boursouflé truffé de boutons, aux mains reptiliennes. Ainsi, il avait la paix des femmes et c’était très bien ainsi.

Notice biographique

Née à Roberval en 1969, Chantale Potvin enseigne le français de 5esecondaire depuis 1993. Elle a publié cinq romans soit :

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