Les trésors du Chat : Les mouettes du lac Salé…

19 juin 2015

Une légende étasunienne…

chat qui louche maykan alain gagnon francophonie  Cette histoire arrivée il y a bien longtemps…
En ce temps-là, des caravanes de pionniers quittaient les côtes de l’Atlantique pour traverser le Mississippi et les grandes plaines de l’Amérique du Nord. Ils cheminaient dans des chariots couverts, traînés par des chevaux. Après bien des misères, ils parvenaient au sommet des montagnes Rocheuses et descendaient dans les vallées. Ils cheminaient encore longtemps et finissaient par atteindre une grande vallée. C’était en fait une plaine de sable blanc, où la pluie ne tombait presque jamais. Mais, des cimes, les neiges éternelles laissaient s’écouler de nombreux ruisseaux qui dévalaient les pentes et se jetaient dans un lac bleu, au milieu de la plaine – une petite mer intérieure, salée comme la grande mer.
Un jour, certains pionniers s’arrêtèrent à ce lac et y bâtirent des cabanes pour y passer l’hiver. Au cours de leur pénible voyage, la fatigue et le froid en avaient fait périr plusieurs. Une fois sur place, beaucoup d’autres allaient encore succomber. Leurs provisions étaient presque épuisées ; leur vie dépendait de la récolte qui allait mûrir.
À force de courage et de travail, ils avaient rendu le pays fertile. Entre autres, ils avaient creusé des canaux pour abreuver leur bétail et irriguer les semis de maïs, de blé et de légumes verts. Il ne leur restait plus qu’à attendre la moisson, les fruits de leur travail.
Le blé poussa, le maïs poussa aussi, et tous les légumes. La terre riche de la plaine se recouvrait de tiges vertes et tendres, qui grandissaient à vue d’œil. La joie était dans tous les cœurs ; les efforts des pionniers allaient être récompensés. Une vie nouvelle et prospère s’ouvrait devant eux. Quand, soudain, une chose terrible se produisit.
Un matin, les hommes, qui veillaient à l’irrigation, virent un immense nuage noir passer sur la colline et s’avancer vers la plaine. D’abord, ils craignirent que la grêle ne détruise leurs récoltes. Mais aussitôt, ils entendirent un fort grondement dans le ciel et ils réalisèrent qu’ils avaient affaire à des criquets. Ceux-ci s’abattirent sur les champs et se mirent à tout dévorer. Les hommes tentèrent de les exterminer, mais, plus ils en tuaient, plus il en venait ! Ils allumèrent des feux, creusèrent des fossés… Rien n’y faisait. De nouvelles armées de criquets arrivaient pour remplacer ceux qu’on avait éliminés ! Épuisés, malheureux, les gens tombèrent à genoux et prièrent pour leur salut.
C’est alors qu’on entendit au loin un bruit d’ailes et de petits cris sauvages. Et ce bruit devint de plus en plus fort… Les gens levèrent la tête. D’autres criquets ? Non. Un bataillon de mouettes arrivait. Rapides, battant l’air de leurs ailes blanches, les mouettes surgissaient par centaines, par milliers.
— Les mouettes ! Les mouettes ! crièrent les gens.
Les oiseaux marins planaient au-dessus des têtes et lançaient des cris aigus. Et, tout ensemble, comme un merveilleux nuage blanc, ils s’abattirent au sol.
— Malheur ! malheur ! crièrent les pionniers. Nous sommes perdus ! Tout ce que les criquets ont laissé, les mouettes vont le manger !
Mais quelqu’un s’écria :
— Regardez ! Les mouettes s’en prennent aux criquets !
Et c’était vrai. Les mouettes dévoraient les criquets par milliers. Elles s’en gorgeaient, puis s’envolaient, alourdies, vers le lac ; d’autres venaient les remplacer avec ardeur.
Lorsqu’elles repartirent, il ne restait plus un seul criquet dans les champs.
Depuis ce jour, au lac Salé, on apprend aux enfants à respecter ce palmipède. Lorsque les écoliers apprennent à dessiner, leur tout premier modèle est une mouette.

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(Tiré du site : Contes et légendes de différents pays)


Jules César devant sa nuit, un texte de Richard Desgagné…

9 juin 2015

Jules César devant sa nuit

s’il avait pu prendre le miroir dans ses mains ne l’aurait-il pas fait tout simplement chat qui louche maykan alain gagnon francophonie pour fixer ses yeux et s’y perdre jusqu’au jour suivant ce fut impossible tout simplement parce que ses pensées étaient déjà tout entières tournées vers lui-même vous en doutez mettez-vous à sa place et cela viendra tout seul de vous imaginer le centre du monde toujours est-il qu’il resta étendu sur son lit pour rêver comme il le pouvait sans trop laisser de trace
depuis longtemps combien de temps Jules César faisait la guerre aux tribus barbares dont les campements ou cités longeaient les marches de l’empire il se rendait parfois avec des soldats d’élite sur les rivages de ces fleuves frontières apercevait ces êtres vêtus encore de peaux de bêtes comme esclaves dans les arènes entendait leurs ricanements de fauves puis notait ses impressions construisant ainsi paresseusement son œuvre d’imagination plus vraie sans doute que ses élucubrations de maître du monde puis il retournait en ses quartiers prenait des bains rencontrait des filles blondes et brunes ou longues et courtes toutes le satisfaisaient et se confiait à un philosophe de passage
les bruits de la chambre les bruits du palais les bruits de la ville folle au-delà des jardins du palais comme ces bruits au bord des fleuves dans les matins humides et étrangers tout se confondait quand il quittait pour grimper dans la tour du repos jusqu’à son faîte quelle improbable pulsion le ferait monter encore plus haut jusqu’aux autres marches des divinités scabreuses qui régnaient dans le ciel romain il en revenait vite déçu par leurs ruts incessants leurs danses folles au-delà des nuages qui les cachaient aux yeux des hommes il préférait sur un cheval errer seul dans les plaines se mouiller sous les pluies et frémir dans le vent même fétide qui courait le long du Tibre
un étourdissement le prenait quand il se voyait d’abord questeur puis édile curule grand pontife général conquérant préfet des mœurs finalement empereur sans qu’il ne pût jamais résister à cette poussée qui l’avait mené à régner qui se jouait de lui sans qu’il ne répondît jamais à cette question quel homme était-il plein de puissance de suavité d’étoile il en revenait toujours à ce constat bien qu’il eût tenté de s’y opposer
Jules César était un homme sans autre qualité
Hispalis Thapsus Ursa Catane Syracuse Corcyre Corinthe colonies fondées par lui et combats menés à Munda Ategua Avaricum Alésia le plus grand contre l’Arverne Vercingétorix Corfinium jusqu’à Brundisium de toutes ces cités et de ces carnages il voyait les murs les campements les rues embourbées les habitants sous la curée les morts innombrables les vents qui levaient les pestilences les maladies tenues aux corps les viols qu’il ne voulait pas voir pour donner aux soldats des illusions nécessaires pour continuer les chiens qui mangeaient les dépouilles les neiges et les froids dans les montagnes les armes gelées ses hommes qui mouraient se recouvrant de glace quelles folies n’avait-il pas menées pour agrandir l’empire de Rome sublimer son éclat et paraître lui-même plus grand que nature
Jules César sous l’éclat d’une lampe écrivait il parlait de lui comme d’un autre se soustrayant toutefois à la critique s’illustrant pour laisser à la postérité souvenir de ses œuvres par là il est vrai n’atteignait-il pas enfin à la sommité à la juste célébrité des artistes il écrivait ce « De bello gallico » vrai livre des guerres et des chefs illustration de l’habileté de ses ennemis puisqu’il y avoue avoir combattu guerroyé avec éclat gloire et victoire par-dessus tout contre ce Vercingétorix si impétueux et habile qu’il ne put le contraindre absolument qu’après sept mois de siège et entrer dans Rome assommé enfin assujetti
Jules César écoutait le chant des oiseaux dans la douce nuit qu’un chat froissait un chat qu’il avait ramené de cette Égypte sur laquelle il avait installé Cléopâtre grande reine maîtresse impeccable abandonnée quand tout le pays s’était soumis comme esclave aux volontés romaines il monta sur le lit vint ronronner contre sa tête commandant des caresses une chaleur qu’il se devait de donner le chat se coucha près d’une main qui s’amusait sur son pelage et s’endormit lui veillait sur les menaces imaginait des traquenards dans lesquels on voulait le prendre pour régner à sa place que pouvait-il contre ceux-là qui le guettaient dans l’ombre et contre cette ombre malfaisante aurait-il une seule chance de lutter pour se défendre et continuer de respirer une autre année toujours empereur et puissant de ce monde il s’endormit au moment ou le chat se levait et plongeait dans le noir sous un rideau soulevé par le vent de la nuit

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Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieRichard Desgagné est écrivain et comédien depuis plus de trente ans. Il a interprété des personnages de Molière,Ionesco, Dubé, Chaurette, Vian, Shakespeare, Pinter, etc., pour différentes troupes (Les Têtes heureuses, La Rubrique) et a participé à des tournages de publicités, de vidéos d’entreprise et de films ; il a été également lecteur, scénariste et auteur pour Télé-Québec (Les Pays du Québec) et Radio-Canada (émissions dramatiques).  Jouer est pour lui une passion, que ce soit sur scène, devant une caméra ou un micro.  Il a écrit une trentaine de pièces de théâtre, quatre recueils de nouvelles, quatre de poésie, deux romans, une soixantaine de chroniques dans Lubie, défunt mensuel culturel du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  En 1994, il a remporté le premier prix du concours La Plume saguenéenne et, en 1998, les deux premiers prix du concours  de La Bonante de l’UQAC. Il a publié, pendant cinq ans, des textes dans le collectif Un Lac, un Fjord de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie (APES). Il est membre du Centre des auteurs dramatiques. Il a été boursier du ministère de la Culture du Québec et de la fondation TIMI.  Pour des raisons qui vous convaincront, tout comme elles m’ont convaincu, je tiens à partager avec vous cette nouvelle qu’il a la gentillesse de nous offrir.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/ )


Les balbutiements chroniques de Sophie Torris…

3 juin 2015

Mes moutons

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Cher Chat,
Je vous écris dans ma nuit portugaise. J’ai laissé la lune allumée. Elle éclaire partout, la ronde, ce soir. Tant pis pour les voisins. Par la fenêtre, le Tage moutonne d’étoiles comme une voie lactée.
Je suis en vacances. C’est le moment idéal pour revenir à mes moutons. Ils sont déjà nombreux. J’ai commencé par les compter, la tête sur la plume de l’oreiller. Les plus hardis sautaient au-dessus de mon lit, les plus indépendants avaient la cabriole buissonnière ; d’autres, en proie au doute, hésitaient encore. Je les ai tous trouvés bien jolis.
Vous ne me croirez peut-être pas, mais soudain, j’ai entendu sous les draps, sous le matelas ou sous le lit peut-être, une petite voix qui m’a murmuré : S’il te plaît, écris-lui tes moutons. Maintenant.
Alors, je me suis levée, parce que c’était sans doute le meilleur moment pour les apprivoiser.
Je ne les approcherai pas tous, cette nuit, c’est certain. Et c’est ça que j’aime, voyez-vous. Le temps que je prends pour apprivoiser mes moutons dans votre pâture. Avec ce doute, parfois vautour, qui plane au-dessus et qui hérisse la laine. J’ai souvent cru que l’inspiration était tarie.
Et voilà que j’emprunte encore le détour de tropes enfantins pour parler de moi, comme si mon écriture se refusait à trop grandir. Syndromatique, sans doute, que de s’envoler régulièrement à dos de Peter Pan. Mon univers de plume est peuplé de personnages de mon enfance surtout. Vous le savez, j’écris pour les plus jeunes. Je côtoie le loup, la sorcière et le nain, et j’y suis attachée vraiment. Je les connais bien. Alors, je réveille régulièrement ces bois ronflants. Et puis j’interroge le miroir de ma belle-mère. Il me dit que mon écriture se défend bien, mais que je n’ai pas inventé la poudre et qu’un peu partout, il en existe de bien plus belles. Alors mon royaume se désenchante.chat qui louche maykan alain gagnon francophonie
Syndromatique aussi, ce sentiment de l’imposteur qui chasse son naturel en voulant plus que tout au monde revenir en un galop trop parfait… sur Pégase.
Moi, j’emprunte depuis toujours les personnages des autres parce que je joue à saute-mouton avec les miens. Tous les héros de contes de fées se sont prêtés au bon vouloir de mes pastiches. Puis je vous ai trouvé, vous, mon Chat, personnage mi-chair mi-papier, le premier à me suivre sur des centaines de pages. Avec vous, je suis devenue conteuse de faits. Et, afin de toujours vous inventer de nouveaux moutons à conter, je vous emmène, partout où je vais, jusque dans l’intimité des miens. Vous, au milieu de toutes mes toquades. Vous êtes mon temps d’arrêt, mon instant d’abandon, mon refus de la mémoire qui s’efface. Avec vous, Chat, ma plume fait sept fois le tour de l’encrier. Elle furète, elle pinaille, elle tente de capter ma réalité éphémère, comme une ode à hier.
Je découvre combien la relation que tisse un écrivain avec son personnage est exclusive. Faut-il à ce point devenir l’univers de son personnage pour bien l’inventer ? Le suivre comme un mouton ? N’est-ce pas dans la durée de notre correspondance que se confirment mes cohérences ou mes inconstances indéniables ? Mes petites révolutions peut-être ?
Je tente de construire mon identité littéraire à vos côtés. Et parfois, en petits morceaux de bravoure stylistique. Quand ça arrive, je suis heureuse. Tellement. L’invention de soi comme écrivain ne passe-t-elle pas par l’invention d’un style ?
Démêler l’écheveau de mes lignes de vie, des lignes demain. En dévoilant mes plus beaux arcanes. N’êtes-vous pas en train, le Chat, de m’écrire ma bonne aventure ? Ne suis-je pas devenue plutôt, sous vos bons auspices, mon propre personnage ?
Mais voilà que je veux troubler ma voix publique, tondre mes moutons noirs. J’ai un tintamarre qui reste à l’intérieur. On dirait que tous les personnages de roman qui méritent d’être aimés n’ont pas encore compris que je méritais moi aussi de les aimer. Il serait peut-être temps de laisser courir mes bruits et porter atteinte aux tranquillités. Je veux qu’on m’incrimine pour tapage nocturne, que mes nuisances soient vraiment sonores. Je veux bêler aussi en dehors de ma bergerie. M’évader du troupeau. Je veux déranger mes voisins, les voisins de mes voisins, les voisins des voisins de mes voisins. Je veux déranger loin. Devenir un mouton à cinq pattes. C’est vous, après tout, qui m’avez menée jusqu’ici, jusqu’à ce jour de possible délivrance.
Je viens d’ouvrir un nouveau dossier. Il a bien fallu que je le baptise pour pouvoir lechat qui louche maykan alain gagnon francophonie  reconnaître. J’ai choisi Roman. C’est son nom pour l’instant. Ça sonne bizarre. Comme un tout p’tit enfant qui porterait un prénom de grand. Vous l’aimerez parce qu’il sera avant tout mon portrait craché. Bon, évidemment, on ne peut rien préfigurer pour l’instant. Il se cache encore tout entier derrière son nom. Mais… Roman, ça lui donne déjà un p’tit genre. Vous ne trouvez pas ?
Sophie

 Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieSophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Billet de Maestitia, par Myriam Ould-Hamouda…

2 juin 2015

L’apparence, c’est le papier brillant…

L’apparence, c’est le papier brillant et le joli nœud rouge en bolduc qui cachent lechat qui louche maykan alain gagnon francophonie  cadeau tout pourri sous le sapin. Dire qu’il y a des bonnes mères de famille qui font la queue pendant des heures dans les grands magasins pour acheter du papier doré hors de prix, qui passent leur dernier week-end de l’année (et leurs nerfs sur leur mari) à emballer sans faire de faux plis, quand, au petit matin du vingt-cinq décembre, il ne faudra que trois secondes et demie à leurs sales mômes pour faire la misère aux paquets, au sapin, au salon et à leurs bonnes intentions. Dire qu’il y a des meufs qui squattent tous les matins la salle de bain pendant des plombes pour ressembler aux jolies filles plaquées sur papier glacé, en priant leur Dieu Photoshop. Dire qu’il y a des mecs qui enfilent un costume rouge, un bonnet à pompon, une longue barbe blanche en espérant que les jolies filles s’assoient un soir sur leurs genoux et leur dévoilent la liste de leurs envies. Le monde a buggué le jour où il a décidé d’élire une meuf « miss d’un pays » en regardant l’emballage plutôt que ce qui ce cachait sous sa caboche un peu trop symétrique. Et le problème, c’est que depuis, on se prend tous pour des paquets cadeaux alors qu’on est juste des sales mômes en puissance qui rêvent de leur faire la misère.

L’enfance, mon Jacques, ça finit le jour où tu commences à compter le nombre de calories dans ton chocolat chaud, où t’arrêtes de dessiner des petits bonshommes sur les vitres embuées parce que ça salit, où tu ne prends plus le temps d’ouvrir tous ces paquets qui brillent sous le sapin. L’enfance, ça finit le jour où tu te rends compte que tu ne pourras jamais plus dire « papa » et que maman pleure sous le sapin, où le monde se met à voler toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans ses rues et qu’il les appelle « lumières de Noël », où le Père Noël bande sous son costume quand tu t’assois sur ses genoux. C’est fou, tout ce qu’on peut cacher derrière un sourire. De la gêne, des bleus aux genoux, du désir, de la colère et des larmes. Du dégoût, des envies de te serrer contre moi, des vergetures et un flingue. C’est fou, comme le monde est con et qu’il se laisser berner. C’est fou, comme le monde s’en fout, et qu’il te laisser chialer toutes les larmes de ton corps sur le canapé. Parce que ça ira mieux demain, et que demain y’a une promo sur les lieux communs. L’enfance, ça finit le jour où tu laisses tes cheveux longs à Barbie, que tu te prends pour un petit bonhomme même si tu fais dans ton froc. Les couilles, au moins, on ne leur demande pas d’être belles.

586074_18769535_460x306Il y a des mecs qui pensent et qui, donc, ils sont. Il y a des meufs qui paraissent et qui suivent le troupeau sans broncher. Et vice et versa, tu sais, le Père Noël c’est rien qu’une ordure et t’as oublié de sortir la poubelle jaune. Il y a des repas de famille qui finissent toujours mal parce que tonton boit un peu trop et qu’il y a toujours un inconscient pour parler politique ou religion. Il y a des repas de famille qui se passent toujours trop bien parce qu’autour de la table des grands on est tous de bons élèves qui ont appris par cœur les codes d’une vie où les verres ne débordent jamais. Il y a tant de guerres que des sourires qui ne croient plus au Père Noël ont su éviter. Mais qui étaient là, malgré tout. Au milieu des toasts au foie gras, de la dinde aux marrons et des éclats de voix. Au milieu des bûches glacées, des cerises à l’eau-de-vie et des contes qui ne finissent plus par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Il n’y aura aucun sale môme au petit matin sous notre sapin, il n’y aura même pas de sapin dans notre salon. Mais quand tu me montres ta gueule qui déborde de toi, j’ai envie de croire au Père Noël, de lui écrire une lettre au stylo-plume, avec des cœurs et des sourires dans la marge ; et les aiguilles du sapin, tu sais, je m’en bats le mascara qui coule.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Les apophtegmes de Jean-Pierre Vidal…

30 mai 2015

Apophtegmes

61. — Discernement et dissidence vont de pair, comme leurs contraires : confusion etchat qui louche maykan alain gagnon francophonie  conformisme.

62. — Ce que l’on nomme à tort « démocratisation », voire égalitarisme, n’est que décaractérisation et indistinction poussées à l’extrême, c’est-à-dire jusqu’à l’interchangeabilité des besoins, des désirs, des traits de caractère et des éléments culturels, individuels ou collectifs, dissous dans la « simplicité » indistincte du biologique et d’une sorte de socialité abstraite dont des droits tatillons assurent l’emprise.

63. — Pour l’être humain réduit désormais au rudimentaire, la merde est encore la chose la plus facile à produire. Voyez Hollywood… et tout le capitalisme.

64. — Les grands acteurs ne jouent pas un rôle, ils le jouissent.

65. — La vulgarité et la bêtise sont des formes de paresse qui ont leur fatalité.

66. — S’il arrive assez souvent que la jeunesse donne des visages d’ange à des crapules, il est presque inévitable que la vieillesse donne des gueules de crapule même à des anges.

67. — Pour tout ce qui concerne l’intelligence, l’âme, la sensibilité, on apprend systématiquement aux gens à se satisfaire de presque rien. Pour tout ce qui est matériel et fricard, on leur enseigne à ne se satisfaire de rien.

68. — Quand la pensée positive est l’injonction la plus pressante du commerce, il importe plus que jamais de savoir se montrer pessimiste.

69. — On ne réfute plus une idée, on ne la discute même pas. C’était bon pour les deux ou trois siècles précédents. Maintenant, on se contente de dire qu’on l’a trop entendue… même si c’est la première fois qu’elle est émise. Ainsi l’accusation de déjà vu suffit-elle à rendre invisible. De la part d’une civilisation qui repose tout entière sur la répétition, le conformisme, la massification, la chose est particulièrement piquante.

70. — Des méduses obèses perfusées à l’Internet et gavées de croustilles et de liqueurs contemplent d’un œil torve un écran ravagé de pubs ou testostéronné au jeu vidéo explosif et viril : c’est ça, les États-Unis. Et c’est l’avenir proche de la planète entière.

71. — Tiens-toi loin des jeunes, leur regard fait vieillir. Évite les vieux, ils n’ont plus de regard.

72. — Le chat n’est pas l’allié de l’homme, c’est son concurrent. Il suffit de voir quelles luttes les opposent dans le contrôle de l’espace domestique et quelles batailles épiques se livrent sourdement pour le moindre coussin, la moindre couverture. Mais le chat gagne toujours. Parce qu’il est capable de squatter jusqu’à son adversaire.

73. — Un complot n’a pas besoin d’être conscient pour être effectif. Il est certaines connivences demeurées, comme il se doit, implicites, qui sont plus efficaces et destructrices que les pires conjurations.

74. — Au train où vont les choses, on traitera bientôt de prétentieux quiconque saura parler une autre langue que le borborygme.

75. — Autrefois, et même naguère, on était fier d’avoir fait quelque chose. Maintenant, on est fier d’être, tout court ; d’ailleurs, de nos jours, être est toujours « tout court », trop court. Mais nous sommes fiers d’être. N’importe quoi : Québécois ou Canadien, cul de jatte, niaiseux, gai, noir, homme ou femme, obèse ou filiforme. Le ridicule « droit » à la vie est aussi un « droit » à la fierté inconditionnelle et sans raison.

76. — Les moralistes reprochent toujours à la prétention de n’être pas à la hauteur de ce qu’elle annonce. Mais la véritable prétention n’est prétention de rien d’autre qu’elle-même. Elle n’est jamais que la morgue du spectacle.

77. — Ce n’est pas parce qu’il existe, c’est vrai, des morts apaisées que la mort n’est pas un scandale.

78. — Quand les Américains parlent de rêve, on entend un bruit de tiroir-caisse. Quand ce sont les Québécois, on entend un moteur de 4×4 qui couvre le cri d’un orignal. Quand les Français s’y mettent, l’oreille est pleine de la plainte d’un légume que l’on extrait d’un minuscule jardin devant une minuscule maison de quasi-banlieue.

79. — Il faut vraiment considérer que les notaires et les comptables sont des intellectuels pour croire que l’intellectuel est froid et sans émotion. En vérité, l’intelligence, quand il en a — et il n’est pas toujours assuré que l’intellectuel en ait une — est son émotion. Comme la forme est celle de l’artiste.

80. — À un certain âge, on change de paradigme, et quiconque était encore, il n’y a guère, un beau ténébreux n’est plus qu’un gros éteint.

 Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitaireschat qui louche maykan alain gagnon francophoniequébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtc,Ciel VariableZone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Les trésors du Chat : Charles Baudelaire…

29 mai 2015

Les tentations

Deux superbes Satans et une Diablesse, non moins extraordinaire, ont la nuit dernièrechat qui louche maykan alain gagnon francophonie monté l’escalier mystérieux par où l’Enfer donne assaut à la faiblesse de l’homme qui dort, et communique en secret avec lui. Et ils sont venus se poser glorieusement devant moi, debout comme sur une estrade. Une splendeur sulfureuse émanait de ces trois personnages, qui se détachaient ainsi du fond opaque de la nuit. Ils avaient l’air si fier et si plein de domination, que je les pris d’abord tous les trois pour de vrais Dieux.

Le visage du premier Satan était d’un sexe ambigu, et il y avait aussi, dans les lignes de son corps, la mollesse des anciens Bacchus. Ses beaux yeux languissants, d’une couleur ténébreuse et indécise, ressemblaient à des violettes chargées encore des lourds pleurs de l’orage, et ses lèvres entrouvertes à des cassolettes chaudes, d’où s’exhalait la bonne odeur d’une parfumerie; et à chaque fois qu’il soupirait, des insectes musqués s’illuminaient, en voletant, aux ardeurs de son souffle.
Autour de sa tunique de pourpre était roulé, en manière de ceinture, un serpent chatoyant qui, la tête relevée, tournait langoureusement vers lui ses yeux de braise. À cette ceinture vivante étaient suspendus, alternant avec des fioles pleines de liqueurs sinistres, de brillants couteaux et des instruments de chirurgie. Dans sa main droite il tenait une autre fiole dont le contenu était d’un rouge lumineux, et qui portait pour étiquette ces mots bizarres: « Buvez, ceci est mon sang, un parfait cordial »; dans la gauche, un violon qui lui servait sans doute à chanter ses plaisirs et ses douleurs, et à répandre la contagion de sa folie dans les nuits de sabbat.

À ses chevilles délicates traînaient quelques anneaux d’une chaîne d’or rompue, et quand la gêne qui en résultait le forçait à baisser les yeux vers la terre, il contemplait vaniteusement les ongles de ses pieds, brillants et polis comme des pierres bien travaillées.

Il me regarda avec ses yeux inconsolablement navrés, d’où s’écoulait une insidieuse ivresse, et il me dit d’une voix chantante: « Si tu veux, si tu veux, je te ferai le seigneur des âmes, et tu seras le maître de la matière vivante, plus encore que le sculpteur peut l’être de l’argile; et tu connaîtras le plaisir, sans cesse renaissant, de sortir de toi-même pour t’oublier dans autrui, et d’attirer les autres âmes jusqu’à les confondre avec la tienne. »
Et je lui répondis: « Grand merci! je n’ai que faire de cette pacotille d’êtres qui, sans doute, ne valent pas mieux que mon pauvre moi. Bien que j’aie quelque honte à me souvenir, je ne veux rien oublier; et quand même je ne te connaîtrais pas, vieux monstre, ta mystérieuse coutellerie, tes fioles équivoques, les chaînes dont tes pieds sont empêtrés, sont des symboles qui expliquent assez clairement les inconvénients de ton amitié. Garde tes présents. »
Le second Satan n’avait ni cet air à la fois tragique et souriant, ni ces belles manières insinuantes, ni cette beauté délicate et parfumée. C’était un homme vaste, à gros visage sans yeux, dont la lourde bedaine surplombait les cuisses, et dont toute la peau était dorée et illustrée, comme d’un tatouage, d’une foule de petites figures mouvantes représentant les formes nombreuses de la misère universelle. Il y avait de petits hommes efflanqués qui se suspendaient volontairement à un clou; il y avait de petits gnomes difformes, maigres, dont les yeux suppliants réclamaient l’aumône mieux encore que leurs mains tremblantes; et puis de vieilles mères portant des avortons accrochés à leurs mamelles exténuées. Il y en avait encore bien d’autres.
Le gros Satan tapait avec son poing sur son immense ventre, d’où sortait alors un long et retentissant cliquetis de métal, qui se terminait en un vague gémissement fait de nombreuses voix humaines. Et il riait, en montrant impudemment ses dents gâtées, d’un énorme rire imbécile, comme certains hommes de tous les pays quand ils ont trop bien dîné.
Et celui-là me dit: « Je puis te donner ce qui obtient tout, ce qui vaut tout, ce qui remplace tout! » Et il tapa sur son ventre monstrueux, dont l’écho sonore fit le commentaire de sa grossière parole.
Je me détournai avec dégoût, et je répondis: « Je n’ai besoin, pour ma jouissance, de la misère de personne; et je ne veux pas d’une richesse attristée, comme un papier de tenture, de tous les malheurs représentés sur ta peau. »
Quant à la Diablesse, je mentirais si je n’avouais pas qu’à première vue je lui trouvai un bizarre charme. Pour définir ce charme, je ne saurais le comparer à rien de mieux qu’à celui des très belles femmes sur le retour, qui cependant ne vieillissent plus, et dont la beauté garde la magie pénétrante des ruines. Elle avait l’air à la fois impérieux et dégingandé, et ses yeux, quoique battus, contenaient une force fascinatrice. Ce qui me frappa le plus, ce fut le mystère de sa voix, dans laquelle je retrouvais le souvenir des contralti les plus délicieux et aussi un peu de l’enrouement des gosiers incessamment lavés par l’eau-de-vie.
« Veux-tu connaître ma puissance? » dit la fausse déesse avec sa voix charmante et paradoxale. « Ecoute. »
Et elle emboucha alors une gigantesque trompette, enrubannée, comme un mirliton, des titres de tous les journaux de l’univers, et à travers cette trompette elle cria mon nom, qui roula ainsi à travers l’espace avec le bruit de cent mille tonnerres, et me revint répercuté par l’écho de la plus lointaine planète.
« Diable! » fis-je, à moitié subjugué, « voilà qui est précieux! » Mais en examinant plus attentivement la séduisante virago, il me sembla vaguement que je la reconnaissais pour l’avoir vue trinquant avec quelques drôles de ma connaissance; et le son rauque du cuivre apporta à mes oreilles je ne sais quel souvenir d’une trompette prostituée.
Aussi je répondis, avec tout mon dédain: « Va-t’en! Je ne suis pas fait pour épouser la maîtresse de certains que je ne veux pas nommer. »
chat qui louche maykan alain gagnon francophonieCertes, d’une si courageuse abnégation j’avais le droit d’être fier. Mais malheureusement je me réveillai, et toute ma force m’abandonna. « En vérité, me dis-je, il fallait que je fusse bien lourdement assoupi pour montrer de tels scrupules. Ah! s’ils pouvaient revenir pendant que je suis éveillé, je ne ferais pas tant le délicat! »
Et je les invoquai à haute voix, les suppliant de me pardonner, leur offrant de me déshonorer aussi souvent qu’il le faudrait pour mériter leurs faveurs; mais je les avais sans doute fortement offensés, car ils ne sont jamais revenus.

(Extrait du Spleen de Paris.)

L’auteur

Charles-Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mortchat qui louche maykan alain gagnon francophonie dans la même ville le 31 août 1867 (à 46 ans). « Dante d’une époque déchue » selon le mot de Barbey d’Aurevilly, nourri de romantisme, tourné vers le classicisme, à la croisée entre le Parnasse et le symbolisme, chantre de la « modernité », il occupe une place considérable parmi les poètes français pour un recueil certes bref au regard de l’œuvre de son contemporain Victor Hugo (Baudelaire s’ouvrit à son éditeur de sa crainte que son volume ne ressemblât trop à une plaquette…), mais qu’il aura façonné sa vie durant : Les Fleurs du mal.

Au cœur des débats sur la fonction de la littérature de son époque, Baudelaire détache la poésie de la morale, la proclame tout entière destinée au Beau et non à la Vérité. Comme le suggère le titre de son recueil, il a tenté de tisser des liens entre le mal et la beauté, le bonheur fugitif et l’idéal inaccessible (À une passante), la violence et la volupté (Une martyre), mais aussi entre le poète et son lecteur (« Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère ») et même entre les artistes à travers les âges (Les Phares). Outre des poèmes graves (Semper Eadem) ou scandaleux (Delphine et Hippolyte), il a exprimé la mélancolie (Mœsta et errabunda), l’horreur (Une charogne) et l’envie d’ailleurs (L’Invitation au voyage) à travers l’exotisme. (Wikipedia)


En librairie : un roman de Stéphanie Tétreault…

29 mai 2015

La protégée de l’apothicaire

Le lancement de La protégée de l’apothicaire, un roman à trame historique publié aux Éditions JCL, aura lieu le jeudi 4 juin, 17 h, à la Salle polyvalente de la Bibliothèque de Jonquière. Un vin d’honneur et quelques bouchées seront servis. Cette activité est gratuite et est ouverte à tous.

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Poitou, France, 1684. Mérance Duvernay, seize ans, possède un talent certain de guérisseuse, hérité de sa mère. Son père, un pasteur protestant, réprouve les cérémonies mystérieuses et hérétiques qui, à la pleine lune, réunissent certaines femmes du village dans la forêt. Il lui interdit donc formellement d’y participer.

 Lorsqu’il souhaite la marier à un médecin, elle fuit le foyer. Recueillie par un maître apothicaire qui la prend sous son aile, elle devient alors une excellente apprentie. Douée et très motivée, elle en surprend plusieurs par ses aptitudes, même si la profession n’admet les femmes qu’à contrecœur. Toutefois, les choses se gâtent après la mort de son mentor. Obligée de disparaître à nouveau, Mérance croisera d’autres âmes bienveillantes qui la feront progresser vers le rêve qu’elle poursuit.

 Un roman exceptionnel qui nous plonge dans l’univers fascinant des riches apothicaireries au sein d’un royaume devenu hostile au protestantisme.

 L’auteure

 Née à Louiseville à la fin des années 1970, Stéphanie Tétreault devient commis d’une bibliothèque municipaleNée à Louiseville à la fin des années 1970, Stéphanie Tétreault devient commis d'une bibliothèque municipale dès son adolescence, où elle côtoie l'univers du livre, avec ses odeurs de papier et d'encre. Après des études en littérature au Cégep de Trois-Rivières, puis en rédaction française à l'Université de Sherbrooke, elle cible la révision linguistique comme profession. Travailleuse autonome depuis 2003, cette résidente de Jonquière corrige différents types de documents provenant de divers secteurs d'activité; articles, guides, manuels et manuscrits, etc. Elle participe à l'occasion à des concours de dictées, loisir qui lui permet de se perfectionner. Madame Tétreault a remporté à plusieurs reprises des deuxième et troisième positions au prix littéraire Damase-Boulanger, en plus de travailler à deux reprises en Europe. dès son adolescence, où elle côtoie l’univers du livre, avec ses odeurs de papier et d’encre. Après des études en littérature au Cégep de Trois-Rivières, puis en rédaction française à l’Université de Sherbrooke, elle cible la révision linguistique comme profession. Travailleuse autonome depuis 2003, cette résidente de Jonquière corrige différents types de documents provenant de divers secteurs d’activité; articles, guides, manuels et manuscrits, etc. Elle participe à l’occasion à des concours de dictées, loisir qui lui permet de se perfectionner. Madame Tétreault a remporté à plusieurs reprises des deuxième et troisième positions au prix littéraire Damase-Boulanger, en plus de travailler à deux reprises en Europe.


Les paparmanes d’Annonciade, par Denis Ramsay…

26 mai 2015

Petit extrait de mon autofiction…

 Petite explication, car j’imagine que vous n’êtes pas tous familiers avec les  chat qui louche maykan alain gagnon francophoniepaparmanes. Il s’agit de bonbons dont le nom est issu d’une traduction par paresse phonétique de « peper mint », la fameuse menthe poivrée anglaise. Et Annonciade, me direz-vous ? Il s’agit d’un nom propre ancien, le nom de ma marraine qui, à défaut d’être une fée-marraine, était ma tante, la sœur de ma mère. Elle avait hérité de ce nom étonnant en naissant le jour de l’Annonciation ! Elle aurait peut-être préféré naître un 25 décembre et s’appeler Noëlla ? Mais elle s’appelait Annonciade et elle était ma marraine ; je l’aimais beaucoup et j’aimais beaucoup les paparmanes.

Il existait deux catégories de paparmanes : les gros blancs et les petits roses. Les gros blancs, mes préférés, avaient la dimension d’un carré de sucre, mais étaient cylindriques et durs. Les roses étaient simplement deux fois moins épais et… roses. Petite curiosité grammaticale, à moins qu’il ne s’agisse d’une dérive biologique, nous disions un paparmane lorsqu’il s’agissait d’un blanc et une paparmane lorsqu’elle était rose…

À force d’être consommée, sucée et croquée par les vieilles personnes, la paparmane rose est presque devenue un symbole de cet âge vénérable, mais négligé. Comme la dentition des vieux n’est souvent plus qu’un souvenir d’Alzheimer, si votre grand-mère vous offre une belle petite paparmane rose bien ronde, présentée parmi d’autres dans un plat ancien en verre gravé de motifs de feuilles, ne prenez pas de chance et refusez, à moins d’aimer les paparmanes déjà sucées… D’un autre côté, s’il vous prend l’idée d’essayer quand même et que la totalité des paparmanes reste collée à celle que vous tentez de saisir, déposez le tout sans faire le moindre commentaire pour ne pas peiner votre grand-mère si gentille.

Les paparmanes blancs, les gros qu’on ramollit en suçant, mais qu’on croque aussitôt que possible, étaient les symboles de mon enfance, une de ses rares douceurs. Dès que j’avais quelques sous, ce qui était rare, car le plus jeune d’une famille de pauvres est habituellement plus pauvre encore, je partais vers le dépanneur pour convertir cette monnaie en paparmanes, peu importe l’argent que j’avais. Un gros cinq cents était habituellement ma seule richesse… Je montais alors la rue Aberdeen à Sherbrooke pour me retrouver sur la rue Alexandre, tout en haut, où j’allais voir le bonhomme Vico, et je mettais mon argent sur le comptoir et je déclarais : « Des paparmanes ! » sans dire s’il vous plaît, moi qui étais pourtant si poli. Je n’avais pas le temps d’allonger le discours… Nous avions baptisé ce commerçant « le bonhomme Vico » à cause de son annonce de lait au chocolat Vico sur sa devanture. S’il avait eu une annonce de Coca-Cola, l’aurions-nous appelé « le bonhomme coca » ? J’ai connu plus tard des bonshommes coca et ils n’avaient pas l’air de ça !

Je me rappelle le visage découragé de l’homme le jour où quelqu’un m’avait donné un vingt-cinq cents que j’avais mis sur le comptoir en disant : « Des paparmanes ! » Ils se détaillaient à trois pour une cent. Je me rappelle m’être dit à ce moment que, plus tard, quand j’allais travailler, je pourrais acheter tout plein de paparmanes ; j’allais pouvoir arriver au comptoir, déposer un dix dollars en disant : « Des paparmanes ! » J’ai appelé ce désir de quantifier un simple plaisir le syndrome des paparmanes. Il s’applique aussi à toute forme de plaisirs et s’appelle dépendance à l’âge adulte… À ce moment précis, je n’en étais qu’aux paparmanes…

Des bonbons à la cenne

La loi du retour existe, sans nul doute, du moins en ce qui a trait aux bonbons. Est-ce que je suis devenu un petit-gros plein de caries ? Un peu, mais pas trop. J’ai souvent repensé au bonhomme Vico quand je comptais des bonbons pour des garnements, alors que je travaillais dans quatre dépanneurs différents. Ils arrivaient au dépanneur, mettaient leurs sous sur le comptoir et disaient : « des bonbons mélangés ». Je leur demandais immédiatement lesquels ils préféraient pour placer leur favori dans le fond du sac, comme une surprise. Je dois retenir un peu de ma mère.

Mes parents ont travaillé pendant dix ans à la compagnie Lowney’s de Sherbrooke. Mon père n’a pas bougé de son poste de travail et a confectionné des glossettes aux raisins tous les jours de travail pendant dix longues années. Ma mère, pour sa part, plaçait les fameux jouets de plastique dans les boîtes de Cracker Jack, un popcorn caramélisé. Subrepticement, elle plaçait parfois un deuxième jouet, une grande dépense pour la compagnie qui l’engageait. Elle se disait : « Les enfants vont avoir deux bébelles au lieu d’une ! »

J’ai pu constater des changements dans l’offre de bonbons entre mon enfance et l’âge adulte où j’ai eu, entre autres boulots, celui de vendre ces petites doses de calories, arômes naturels et artificiels. Les paparmanes, tels que je les ai connus, sont devenus marginaux. Maintenant, la gélatine est à l’honneur ! Plusieurs d’entre vous connaissent les classiques du genre : nounours et framboises. Mais depuis nombre d’années, il est de bon ton de manger des doigts, des cerveaux, et même du mucus nasal ! Je voudrais quinze cents de morve, s’il vous plait ! Ça fait curieux la première fois qu’un enfant nous demande ainsi sa fine friandise…

L’avantage de vendre des bonbons à la cenne vient du fait que les enfants t’aiment. Tu fais partie du renforcement positif, car tu octroies les récompenses, payées par les parents… Tu deviens leur confident, leur Monsieur Bonbon.

Tante Annonciade

Un jour que j’étais en visite chez ma tante Annonciade et mon oncle Henri, que nous prononcions Henry, avec un accent anglais. Ma tante, donc, qui connaissait mon goût démesuré pour les paparmanes, me prit dans ses bras pour me dire un secret. J’aimais beaucoup ces moments de confidence affectueuse, d’autant que je savais que j’en ressortais toujours avec quelque chose de plus.

— Va voir dans le tiroir du haut de la commode. Il y a un sac de paparmanes. Prends-en autant que tu veux.

Je me dirigeai immédiatement vers la chambre et m’approchai du bureau en question, un peu plus grand que moi. J’avais cinq ans et j’étais petit. Je tirai le tiroir en question, mais n’y voyais rien, même sur la pointe des pieds. Je m’accrochai au tiroir et fit pencher le bureau dangereusement. Il retomba en place après quelques balancements et quelques bruits inquiétants. J’avais eu tout juste le temps de toucher le sac de papier. Dans le coin opposé de la pièce, une chaise me servirait de planche de salut. Je la tirai jusqu’au bureau en laissant une distance suffisante à l’ouverture du tiroir au trésor.

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Angela Wood, sosie de tante Annonciade

Tant que t’en veux, c’est combien ? Je remplis d’abord les poches de mes culottes courtes, une derrière et deux devant, puis la poche de ma petite chemise, heureux de ne pas porter de chandail aujourd’hui. Je remplis ensuite mes deux mains autant que je pouvais, mais je m’aperçus que j’avais oublié une dernière façon d’en rajouter. Je déposai donc dans le sac les paparmanes que j’avais en main (je les reprendrai plus tard) et je m’emplis la bouche comme un écureuil de mes bonbons adorés. Pour être sûr qu’ils ne tombent pas, je les bloquai en tenant le dernier entre mes dents bien serrées. Je remplis de nouveau mes mains avant de descendre de la chaise, sans en échapper un seul ni en avaler tout rond ! Je réussis à me rendre ainsi dans le salon où m’attendait ma marraine. Elle partit d’un grand rire en me voyant, puis me débarrassa d’abord des paparmanes que j’avais en bouche pour ne pas que je m’étouffe et les plaça à part, dans un sac de plastique puisqu’ils avaient déjà été humectés.

Cet épisode était devenu l’anecdote préférée de ma tante qui m’en reparlait pratiquement chaque fois que je la voyais, même à l’âge adulte. Ma marraine Annonciade est décédée depuis longtemps, et aujourd’hui, dès que me prend le goût des paparmanes, un seul suffit.

Notice biographique :

L’auteur se présente ainsi :

« Né à Victoriaville dans un garage où sa famille habitait, l’école fut la seule constante de son enfance troublée.  Malgré ses origines modestes, où la culture était un luxe hors d’atteinte, Denis a obtenu un bac en sociologie.  Enchaînant les petits emplois d’agent de sécurité ou de caissier de dépanneur, il publia son premier ouvrage chez Louise Courteau en 1982 :La lumière différente, un conte fantastique pour enfants.  Il est un ardent militant d’Amnistie Internationale et un rédacteur régulier dans des journaux universitaires et communautaires.  Finalement, après plusieurs manuscrits non publiés, il publiera chez LÉR Les chroniques du jeune Houdini.  D’autres romans sont en chantier…  »

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Actuelles et inactuelles, par Alain Gagnon…

24 mai 2015

Mai

 

Mai…chat qui louche maykan alain gagnon francophonie

Toits durs sous les soleils hauts – émergés d’avril.

Au jour les ventres humides des savanes – sexes bleus ouverts à juin venant.

Éclat d’ailes – refrains de gloire et d’amours en guerre.

Loin l’hiver – longs dimanches des villes blanches.

 

Débute la chasse au pissenlit

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieJ’aime ces fleurs humbles aux feuilles délicieuses.  Elles égaient les gazons trop verts de soleils soudains, qui chutent dans l’uniformité morne de nos arrière-cours.

Certains du quartier leur mènent une lutte impitoyable.  Bombonne en main, ils les pulvérisent, les déracinent…  En vain.  Toujours, ils renaissent, poèmes joyeux et sages.  Et franchiront l’été, jusqu’à devenir boules transparentes que disperseront les vents.

L’analyse tue

Les visions du monde qu’inspire la philosophie des Lumières, ne peuvent apaiser la soif de l’humain.  Tout au plus concourt-elle à soutenir la pensée technico-industrielle ou la mise en forme légaliste d’une réflexion sociopolitique qui se voulait généreuse.

L’analyse tue par la dissection.

Placez les mots ici et là ; les couleurs ici et là ; les notes ici et là…

Le plus prenant tableau ne sera plus beauté parlante, mais taches colorées, lignes et volumes disloqués.  De même pour la plus captivante musique.  Hors la portée, notes et mesures deviennent bruits.  La poésie fout le camp lorsqu’ergotent les littéraires et que s’agitent plumitivement barthiens et consorts.

Le feu n’est plus lorsqu’on sépare combustible et flamme.

La raison vaut pour l’utile et le convenable.  Lorsqu’il s’agit d’esthétique, elle fait fuir ou crée l’érudition qui se complaît en circuit stérile et fermé.

La mare calme…

La mare est calme et silence.  Repos du soir.

Bond d’un omble.

Clapotis brefs…   L’eau se ride de cercles qui vont.chat qui louche maykan alain gagnon francophonie

Surface étale.

Rien.  Sauf une étoile qui se baigne — soie moirée des eaux tièdes.

Nulle nécrologie.

(PS :  Réponse à quelqu’un qui me dit : « Quel poème pessimiste ! »  Eh bien, non !  Il s’agit d’un poème d’espoir. L’omble sauteur n’a pas été réduit au néant.  Il continue sa vie propre de poisson sous la surface, où l’œil humain ne le perçoit plus, rivé qu’il est aux épiphénomènes.)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon chat qui louche maykan alain gagnondu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet) ; récemment il publiait un essai, Fantômes d’étoiles, chez ce même éditeur .  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


L’autre en lui, une nouvelle de Dany Tremblay…

24 mai 2015

L’autre en lui

 chat qui louche maykan alain gagnon francophonie

 Il se tient sur le trottoir. En retrait du lampadaire. Contre la bâtisse de briques. Comme s’il faisait corps avec elle. Il regarde les gens qui entrent dans le bar de l’autre côté de la rue. Ils sont nombreux à s’y engouffrer. D’où il se trouve, il entend les blagues du portier. Tantôt, elles s’adresseront à lui. Depuis le temps, le portier et lui sont de vieux amis en quelque sorte. Pour l’instant, personne ne prend garde à lui. Le portier moins que les autres, trop occupé à ouvrir le passage aux dames, à blaguer avec les hommes. Il se veut de toute façon anonyme. Dissimulé dans l’ombre d’un porche. Lui-même ombre. Tassé sur lui. Col de veste relevé, cou dans les épaules, regard de chien battu. Il attend.

Il attend de la voir, elle. Après, seulement après qu’elle soit entrée dans le bar, il avalera la pilule rose, de forme ovale, qui laisse un goût de métal sur la langue. Il lui en reste huit. Huit pilules. C’est bien peu. Elles sont dans un contenant de plastique transparent qu’il promène avec lui en permanence. Elles coûtent une fortune, c’est un véritable casse-tête, son fournisseur lui refuse le crédit. Il est vendeur de souliers, gagne un salaire de crève-la-faim. Avant de l’avaler, il s’assure toujours d’avoir assez de salive dans la bouche. Ainsi, moins de risque qu’elle se coince dans la gorge. Ça lui est arrivé. Elle avait fini par passer, mais la sensation… Il n’avait pas aimé la sensation.

Chaque soir, terré contre la bâtisse de briques, il surveille son arrivée. C’est pour elle qu’il prend ces pilules roses. Sans pilule, elle le trouverait insipide, niais, plat, insignifiant, bon à rien. Elle ne se présente jamais seule au bar. Ils sont quelques-uns à l’escorter. À courir derrière. À faire des courbettes. Elle marche la tête haute, elle rit de ce qu’ils racontent. Ses cheveux sont platine. Elle porte des talons d’une hauteur vertigineuse. Impossible de ne pas la voir, de ne pas l’entendre venir.

Avant sa rencontre avec elle, il ne sortait que le samedi. Il avalait une pilule rose avant de quitter son appartement, histoire de s’éclater un peu, d’oublier les clientes grincheuses devant lesquelles il s’agenouillait la semaine entière. Un samedi soir, il l’a remarquée, elle. Elle était entourée de copains. Sans la quitter des yeux, il s’était approché. Elle avait soutenu son regard. Ils avaient dansé ensemble. Il avait effleuré sa main, sa hanche du bout des doigts. Avant qu’elle quitte la piste, il s’était penché à son oreille, lui avait murmuré qu’elle bougeait bien. L’effet de la pilule rose lui permettait toutes les audaces. À la fermeture, elle était repartie, escortée de sa ribambelle d’admirateurs. Avant de tourner le coin de la rue, elle lui avait envoyé la main. Il avait passé la semaine à rêver d’elle, à anticiper le samedi suivant. Il avait contacté son fournisseur de pilules roses. Hors de question d’en manquer, maintenant qu’il l’avait vue, elle.

Le samedi d’après, puis tous les autres, finalement chaque soir de la semaine, il y est retourné. Pour elle. Si drôle, si gentille, toujours prête pour la fête. Un soir, ils ont fait l’amour dans la salle de bains des femmes. Ils ont joui en silence, yeux dans les yeux. L’occasion se répétera, il en est sûr. La patience, il connaît.

Il est un habitué, maintenant. Le portier l’appelle par son prénom, lui conte des blagues, des salées même. Chaque soir, environ à la même heure, il avale sa première pilule rose. Grâce à elles, il est libre, totalement, sans complexes, débarrassé de son bégaiement qui amusait les filles à la petite école.

Chaque soir, il se place en retrait de ce lampadaire, dans l’ombre de ce porche. Lorsqu’elle surgit au coin de la rue, il sort chat qui louche maykan alain gagnon francophonie le contenant de plastique de sa poche. Il est tiède, parfois moite, faute de l’avoir tenu au creux de sa paume. Alors qu’elle marche vers le portier, il l’ouvre, fait glisser une capsule dans sa main, veille à ne pas en échapper. Il se retient d’avaler sa salive, l’accumule contre les dents d’en avant. Lorsqu’elle disparait à l’intérieur du bar, il la porte à sa bouche, l’avale d’un coup sec. Il ferme les yeux, chaque fois. Il enfouit le menton dans son veston, chaque fois. Lorsqu’il les rouvre, il est quelqu’un d’autre. C’est cet autre qui regarde en direction du bar, qui rabat le col de sa veste d’un geste assuré, qui dénoue le premier bouton, entreprend de traverser la rue, sourire aux lèvres, épaules dégagées. Sur le trottoir d’en face, le portier l’aperçoit, lui envoie la main. Lui répond à son salut, libre de toutes contraintes, en homme heureux, bien dans sa peau.

À son tour, il entre dans la place. Elle est au bar. Avec ses cheveux oxygénés, elle se démarque. Il l’admire de loin, remercie l’inventeur de la pilule rose, son laissez-passer pour le bonheur. De la main, il tâte le flacon transparent dans sa poche, puis marche vers elle.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

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