Yvon Paré nous parle de Dany Tremblay…

20 février 2017

Dany Tremblay explore Baie-Sainte-Catherine

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecUn second recueil de nouvelles pour Dany Tremblay en quelques mois. «Le musée des choses» est constitué de onze textes, dont plusieurs ont été publiés auparavant dans «Miroir aux alouettes». La nouvellière avait fait la même chose, l’automne dernier, dans «Tous les chemins mènent à l’ombre». Un travail d’orfèvre et de retouches qui pousse chacun de ses écrits dans leurs derniers retranchements.

Dany Tremblay explore un univers qui tourne autour de Baie-Sainte-Catherine, à la rencontre du Saguenay et du grand fleuve qui vogue jusqu’à l’océan. Un pays d’arrivées et de départs, un lieu d’excès et d’empoignades. Un monde dur et âpre, giflé par les vents, chargé par la pluie, la neige et le froid. Il y germe la tendresse, parfois l’amour, le drame qui vient par certains gestes irréfléchis.

Les personnages, le lecteur a appris à les détester ou à les aimer lors des parutions précédentes. Marie s’enfuit après avoir mis fin à la violence. Raymond, Clara, Ruth et Monsieur Santoni sont là, au centre de leur vie, en attente ou sur le point de commettre l’irréparable.
Les personnages de Dany Tremblay sont souvent des éclopés et des marginaux. Coq-L’œil, le souffre-douleur, est foudroyé en croisant une fille qu’il a connue à la petite école. Clara a survécu en longeant la rive de sa vie.

«Si tu savais mon trouble, Raymond, l’agitation en moi, les serrements, l’angoisse, tout ce qui va avec. Tu te trouvais à Lévis, moi dans l’autobus. Il s’agissait une fois encore d’un mauvais timing. Je me suis demandé s’il fallait me précipiter à l’avant pour ordonner au chauffeur de s’arrêter, de me laisser descendre. Je n’arrivais pas à me décider et, petit à petit, la distance s’est élargie.» (p.47)
Rien n’arrivera comme de raison.

Pays

Les objets se patinent de souvenirs, de drames et de tempêtes qui ébranlent toutes les vies. Il suffit d’un regard, d’une circonstance pour que tout revive.

«J’étais trempée, inquiète. Une goutte d’eau a dégouliné dans l’échancrure de ma jaquette. Il n’a pas été facile de me convaincre de l’improbabilité que quelqu’un se trouve dehors sous cette pluie, de l’impossibilité de percevoir la moindre plainte avec ce vent. Je me suis raisonnée. Mais le sifflement du vent, c’était à s’y méprendre, croyez-moi. Je campais sur le site trente et un, la dernière parcelle de terre que cette femme avait foulée avant de sauter sur la glace.» (p.89)

Des lieux risquent d’emporter les personnages, de les pousser hors de soi. Les protagonistes sont hésitants et maladroits avec Raymond et Clara, calcul avec Monsieur Santoni. Rita berce son enfance dans la grande chaise héritée de ses parents pendant que Ruth tente de survivre après un viol.

Araignée

Dany Tremblay a un formidable talent pour broder des intrigues. L’écrivaine travaille à la manière d’une araignée qui tisse sa toile, attire sa victime avec lenteur et précision.

«Il y a des trucs que je m’explique mal, des histoires dont on n’a jamais soufflé mot, Comme alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec lorsque nos regards se sont croisés. C’était dans une soirée à la fin du cégep. Je t’ai entendu dire salut, j’ai relevé la tête, je t’ai vu sourire à quelqu’un. Je me suis trouvée bête, tellement bête, j’avais cru un instant que tu me parlais. Je suis rentrée pas longtemps après. Je ne voulais pas être dans les parages, au cas où tu ne partirais pas seul. Souvent, la fuite reste la seule solution.» (p.96)

La nouvellière a le grand art des petits riens qui meublent la vie de tous les jours. Tout est important dans la construction de ses nouvelles.

Une écriture sans bavure, le don de ramasser une vie autour d’une chaise berçante, d’une rencontre à l’épicerie, du saut qui fait glisser dans une autre dimension. L’art du drame qui mijote tout doucement dans un monde en attente, lisse et d’aspect inoffensif.

Il vaut mieux peut-être avoir lu «Tous les chemins mènent à l’ombre» avant de s’aventurer dans «Le musée des choses». Le lecteur qui découvrirait cette écrivaine par son dernier ouvrage risque de ne pas trop saisir ce qui emporte certains personnages. Des sonates lentes qui inventent un monde et ne vous laissent jamais en paix.

Le musée des choses de Dany Tremblay a été publié à La grenouille bleue.

Auteur

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.


Un conte de Noël de Dany Tremblay…

14 décembre 2016

PAR UN SOIR DE NOËL

 

Je passe devant chez elle chaque jour. Le matin, l’après-midi et le soir. J’emprunte toujours le alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec même trajet. Mêmes rues, passerelle, mêmes trottoirs. Je suis très routinier.

Depuis que l’hiver s’est installé, je la vois derrière sa fenêtre. D’abord la petite, celle de la cuisine d’où elle surveille mon arrivée. Lorsqu’elle m’aperçoit, elle abandonne ce à quoi elle s’occupe et se rend devant la fenêtre du salon. Elle me regarde, la main en appui contre la vitre. Chaque fois, je ralentis jusqu’à m’arrêter et une fois immobile, je la fixe moi aussi. Lorsque je me remets en marche, elle continue de me regarder jusqu’à ce je disparaisse de son champ de vision. Je l’ai vérifié. Plusieurs fois, je me suis retourné. Elle reste devant sa fenêtre à me suivre des yeux.

Ce soir, je doute pourtant qu’elle soit au rendez-vous. C’est la nuit de Noël. Elle a une famille. Sur sa rue, toutes les maisons sont éclairées. Des banderoles de lumières argentées, vertes, rouges et jaunes ornent les devantures, les bordures des toits, les galeries, les arbres. Derrière les façades, j’entends un va-et-vient inhabituel et les vois endimanchés, à rire et à trinquer, les enfants impatients que sonne l’heure des cadeaux.

Je ralentis. Je veux me donner le plus de chances possibles de la voir. J’avance avec une lenteur exagérée. Chacun de mes pas crisse, laisse une trace dans la neige. On jurerait que je suis le seul à être dehors. Le temps est plus froid que d’habitude. Je m’arrête un instant contre la falaise qui longe la rue. Au-dessus de moi, le ciel est dégagé, l’air bleuté. Sa maison n’est plus qu’à quelques pas. Je distingue une silhouette dans la fenêtre de la cuisine. Je souhaite que ce soit elle.
J’ai dans une autre vie habité une maison semblable à la sienne. Peut-être est-ce la raison qui m’a fait m’y attarder la première fois. Une impression de déjà vu. J’avais alors traversé la rue et l’avais aperçue, elle. À genou dans le parterre, les mains dans la terre. Elle avait écarté une mèche de cheveu qui lui tombait dans l’œil et m’avait souri. Ne m’en fallait pas plus. Il y a des regards…. Notre histoire a commencé ainsi.

Dans la fenêtre, l’ombre s’est éloignée. J’ai repris ma marche, toujours avec lenteur malgré le froid mordant qui aurait dû me pousser à avancer plus vite. En face de chez elle, je me suis immobilisé à nouveau et j’ai attendu, plein d’espoirs. Derrière moi, des gens sont sortis d’une maison. Ils riaient. J’ai regardé dans leur direction et lorsque je me suis retourné, elle était là. Aussitôt, plus rien d’autre n’a eu d’importance, qu’elle.

Richard distribuait les cadeaux aux enfants. Ceux-ci me tournaient le dos, accroupis devant leur père. J’en ai profité pour me rapprocher de la fenêtre de la cuisine. Richard m’a regardé. Il n’était pas dupe de mes manèges, mon attitude l’exaspérait, je le savais. J’ai jeté un œil dans la rue. Elle était déserte. L’heure à laquelle il passait approchait. Je ne voulais le manquer pour rien au monde. Je suis revenue vers le salon, me suis immobilisée dans le cadre de la porte. Richard a levé la tête, m’a lancé un regard sévère avant de reporter son attention sur les enfants. J’en ai profité pour retourner à la fenêtre et je l’ai aperçu. Il avançait en longeant la falaise coupée carré par la déneigeuse. Il s’est arrêté à quelques maisons de la nôtre. J’ai regardé par-dessus mon épaule. Je connaissais Richard depuis l’adolescence. La façon dont il penchait la tête indiquait son agacement. J’ai détourné la tête en vitesse afin d’éviter que nos regards se croisent. Après tout, c’était soir de Noël, je n’avais pas envie de gâcher le plaisir des enfants. J’ai reporté mon attention sur lui, le cœur me débattait. Il s’est remis en marche avec une lenteur inhabituelle. J’ai songé au froid intense qui sévissait et j’ai eu froid pour lui. Face à la maison, il s’est de nouveau immobilisé. J’avais allumé la lumière au-dessus de l’évier afin qu’il puisse me voir. Je tenais à ce qu’il sache que, même en ce soir particulier, j’étais à l’attendre.

Derrière moi, les enfants se sont agités. Richard avait fini la distribution des cadeaux et j’ai compris qu’on espérait le lunch de fin de soirée. J’ai quitté la fenêtre à regret pour rejoindre ma famille. J’ai sorti les canapés du réfrigérateur. Mes gestes étaient empreints de nervosité. Ma tête était dehors avec lui. Alors que les enfants s’attablaient, je suis retournée à la fenêtre, il n’y était plus.

Je l’ai vue s’éloigner de la fenêtre. Au moment où elle se détournait, j’ai fait un pas en avant. Je n’avais jamais osé m’avancer au-delà de la rue, mais en ce soir de Noël, un peu comme si je m’offrais un cadeau, j’ai marché jusqu’à son perron et monté les marches. Je me suis plaqué contre leur porte. Comme une impression d’être plus près d’elle, un peu des leurs. J’ai même poussé l’audace jusqu’à jeter un œil par la porte vitrée. J’ai vu l’arbre, les papiers colorés à son pied, mais d’elle, nulle trace. J’ai alors fermé les yeux, tendu l’oreille. Rien ne me pressait. Personne à m’attendre quelque part.

 alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecJ’ai été la première à me lever. Comme chaque année, nous recevions les parents de Richard pour le repas du soir. J’aimais procéder aux préparatifs alors que les enfants dormaient encore. Le papier d’emballage qui avait servi à envelopper les cadeaux traînait au pied de l’arbre. Sur le dos d’un fauteuil, la nuisette offerte par Richard était étalée. Je l’ai touchée au passage. Dans la cuisine, j’ai regardé par la fenêtre comme s’il avait été possible qu’il soit demeuré là, avec ce froid, de l’autre bord du chemin, à m’attendre. Durant la nuit, le ciel s’était couvert et il neigeait.
J’ai mis en marche la cafetière, saisi un sac dans l’armoire et entrepris de ramasser les boîtes et le papier d’emballage qui gisaient au pied de l’arbre. Le sac plein, j’ai saisi mon manteau et suis sortie de la maison par la porte du côté. J’ai marché jusqu’au bac de recyclage, lancé le sac à l’intérieur. Je m’apprêtais à revenir sur mes pas lorsque je l’ai vu sur la galerie avant. Les flocons de neige s’étaient accrochés à lui et le recouvraient en partie. On aurait dit qu’il dormait. Le regard brouillé par les larmes, j’ai avancé jusqu’à lui, me suis assise sur la première marche. J’ai posé une main sur son corps. J’avais tant de fois espéré le toucher et le prendre contre moi. J’avais enfin cette chance, mais il avait fallu que la mort me précède. Avec d’infinies précautions, je l’ai pris dans mes bras, serré contre moi. De la main, j’ai caressé sa fourrure. Il était froid, si froid. Je l’ai pressé un peu plus fort contre moi comme si ça pouvait le réchauffer, le ranimer. C’était Noël. J’aurais dû penser en termes d’amours et de partage, mais je ne parvenais qu’à ressentir de la peine. Dans la fenêtre du salon, j’ai vu Richard, il me regardait. J’ai fermé les yeux et plongé mon visage dans la fourrure froide. Plus rien ne pressait. Non, plus rien et le monde entier pouvait bien m’attendre, maintenant.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


La cage, un texte de Dany Tremblay…

5 septembre 2016

LA CAGEalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Ils l’ont retrouvée dans le fond de la grange. Elle fixait la lumière qui pénétrait entre les planches du plafond. Elle s’y intéressait comme s’il n’y avait rien eu de plus important.
À l’annonce de cette nouvelle, les langues se sont déliées, chacun y allant fort, comme s’il détenait la vérité. Dans le fond, qu’est-ce qu’ils savaient d’elle ? Moi non plus, je ne connaissais pas grand-chose de son histoire.
Quand je suis arrivé dans le coin, elle emménageait. Sur les marches du bureau de poste, elle m’a confié qu’il s’agissait de sa dernière chance. Au pied des montagnes, elle serait à l’abri ; auprès de ces villageois, les choses se passeraient autrement, voilà ce qu’elle m’a dit.
Je l’ai revue par la suite. Je l’ai trouvée bizarre. Cela tenait à ses vêtements dans lesquels elle se perdait, à son regard qui flottait au loin, à sa façon de parler, si bas qu’il fallait s’approcher pour l’entendre.
Un soir qu’elle revenait de la ville, passait près de la prison aux portes du village, une indéfinissable angoisse l’a étreinte, une angoisse dont elle n’est jamais parvenue à se débarrasser. Elle-même qui me l’a avoué. Sur cette route sombre, mal éclairée et mal entretenue, elle s’est sentie captive. Les gens s’épiaient par les carreaux, disait-elle, jugeaient de tout sur des riens. Elle a essayé de se reprendre. Après quelques semaines, cette obsession l’a envahie : les gens dans la rue parlaient d’elle.
Un soir, l’homme qui l’avait entraînée au village ne l’a pas trouvée. Les villageois sont partis à sa recherche, y compris ceux qui avaient nourri son délire et que les remords, soudain, rendaient muets.
On l’a trouvée dans cette grange qui tenait debout de peine et de misère. Elle psalmodiait d’incompréhensibles paroles. Elle a regardé la foule dans la porte, puis elle s’est remise à contempler la lumière blanche qui entrait entre les planches pourries du plafond. Quelqu’un a ricané. Elle était seule, bel et bien seule, je l’ai vu.
Cette grange n’existe plus. Certains sont partis tenter leur chance ailleurs, « leur dernière », aurait-elle dit avec le sourire. Je suis demeuré au village.
Je ressens ce malaise chaque fois que je passe devant de la prison, que je pense à elle.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Angle mort, une nouvelle de Dany Tremblay…

15 juin 2016

Angle mortalain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Combien de fois m’as-tu répété qu’il était dangereux de t’abandonner ? Je me contentais de sourire ; j’avais de la difficulté à croire que tu puisses faire du mal à quelqu’un.

Je t’ai rencontrée un après-midi d’automne, à la terrasse d’un café sur la Saint-Denis. J’ai bousculé ta chaise et ton écharpe a glissé sur le sol. En te la rendant, j’ai croisé ton regard, me suis senti attiré. Tu n’étais pourtant pas mon genre, ronde et les cheveux noirs. L’ami qui m’accompagnait s’est permis une blague qui t’aurait blessée. Je n’ai pas ri. Il avait raison : tu étais grosse, mal atriquée.

J’ai passé l’après-midi à t’observer. Tu sirotais un Perrier. Entre deux gorgées, tu promenais ton index sur le verre. Quand tu t’es levée, je t’ai suivie. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Mon ami m’a regardé le quitter, a hoché la tête, il semblait plus surpris que moi.

Tu as marché longtemps. Tu t’arrêtais parfois devant une vitrine, puis reprenais ta marche. La plupart du temps, tu fixais le sol. Je t’ai suivie environ une heure, et au coin d’une rue, dans la foule, je t’ai perdue. J’ai eu l’impression que je venais de passer à côté du bonheur, d’être soudain dépossédé.

Les après-midi qui ont suivi, je suis retourné au café. Je t’espérais. Quatre jours ont passé avant que tu réapparaisses, vêtue de la même robe, la même écharpe nouée au cou, le même sac porté en bandoulière. Je t’ai vue venir de loin ; l’une de tes mains tripotait le tissu de ta robe à la hauteur de la cuisse.

Je t’ai regardée prendre place. Tu as commandé un Perrier. J’étais soudé à ma chaise. Lorsque j’ai soupçonné que tu t’apprêtais à partir, je me suis levé. Te perdre à nouveau, risquer de ne plus te croiser m’étaient insupportables. Des mois plus tard, nous avons ri de la façon dont je t’ai abordée. Tu as une mémoire exceptionnelle Edna, tu m’as rappelé chaque mot, chaque geste. Je faisais collégien, disais-tu.

J’ai maintes fois pensé que ce qui existait entre nous tenait de la magie. Du moins jusqu’à ce malentendu, cette mauvaise blague d’un confrère. J’ai eu beau t’expliquer et te répéter que je ne connaissais pas cette femme, rien n’est parvenu à te convaincre. À partir de là, tu t’es mise à changer. Je me suis dit que des vacances nous rapprocheraient. Le lundi, nous sommes partis à la mer. La ville derrière nous, tu as retrouvé ta bonne humeur, tes élans de tendresse. Nous avons passé des journées tranquilles à l’ombre d’un parasol, les pieds dans le sable, à goûter des boissons colorées. Je te le jure, j’ai cru que tout était à nouveau comme avant.

J’aurais dû m’inquiéter. Tu n’avais ni ami ni parent, ne recevais pas d’appel, évitais de parler du passé. J’aurais dû trouver étrange que tu traînes ce journal partout avec toi, le places debout, face à nous, en permanence. Un soir, j’ai eu l’impression que quelque chose avait changé sur la jaquette, que l’un des personnages avait bougé. Le lendemain, tu t’es éloignée un instant et j’ai observé la couverture vert olive : dix convives installés à une table, l’un d’eux qui chuchote à l’oreille de son voisin, tous les regards tournés vers moi. Dans le coin droit, un serveur en grande tenue tenait un plateau surmonté d’une bouteille de blanc. En avant-plan, un petit chien montrait les crocs. J’ai songé que l’homme penché à l’oreille de l’autre parlait de moi.

La nervosité et la curiosité m’ont poussé à le feuilleter. Je n’ai trouvé que des pages blanches. Mon inquiétude s’est accrue. Tu es entrée alors que je le déposais sur la commode, que j’essayais de le replacer dans l’angle où tu l’avais laissé.

C’était notre dernière journée avant le retour. Je ne parvenais plus à oublier ton journal, l’étrange couverture, les mimiques étonnées ou d’attente de certains personnages, cette suite de pages vides. Je me suis surpris à penser que j’irais les rejoindre bientôt, que tous ces regards convergeaient vers une porte en arrière-scène et qu’ils attendaient quelqu’un : moi. J’ai frissonné, eu un rire nerveux. J’ai réalisé que j’en savais très peu sur toi.

Je t’ai vue ranger mes vêtements auprès des tiens dans la valise. Tu prenais un soin particulier à les plier de façon à ce qu’il n’y ait pas de faux plis. J’ai crié ton nom, tu ne semblais rien entendre, tu chantonnais. Au moment où les autres levaient leur verre en l’honneur de mon arrivée, j’ai à nouveau hurlé ton prénom. Tu t’es retournée. Tu m’as regardé et envoyé du bout des lèvres un baiser sans te départir de ton sourire. Tu as pris le journal entre tes mains, l’as serré contre ton ventre et enfoui sous les vêtements. J’ai vu le dessus de la valise fondre sur moi, sur eux qui n’y portaient pas attention.

Je fais aujourd’hui partie de la famille, de l’album comme on l’appelle entre nous. Nous savons, car nous en discutons, qu’un autre convive nous rejoindra. Mon voisin de droite, celui que j’avais cru voir changer de position, a tenté de l’avertir, mais comme moi, le nouveau venu dans ton existence, Edna, accorde pour l’instant peu d’importance à certains détails.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

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Genre, une nouvelle de Dany Tremblay…

27 novembre 2015

GENRE

« Une fois que l’on sait une chose on ne peut plus jamais ne pas la savoir. »
Anita Brookner

Maintenant, il y avait dans son regard du trouble, visible aussi dans sa toute nouvelle façon de me regarder, un chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec peu par en dessous, en penchant la tête. Jamais, avant, son regard sur moi ne m’avait dérangé ou intimidé. Depuis que je savais, c’était autre chose. Il était en lui ce désir, et partout autour. On le sentait à des lieues et il ne s’en débarrasserait pas comme ça. Je savais avec une certitude quasi impudente que ce désir irait en s’enflant, que tôt ou tard, j’y céderais.

C’est lui qui a donné le rythme à notre idylle.

La première fois, nous étions dans l’appartement de sa mère au centre-ville, assis chacun contre notre mur, tous deux un peu gris, buvant à même le goulot d’une bouteille que l’on se partageait. La précédente avait roulé sur le sol, était allée se coincer sous le divan. On l’y avait un peu aidée, c’est vrai. Je ne me souviens plus de quelle façon il s’est retrouvé appuyé au même mur que moi, son épaule frôlant la mienne. Je me souviens de son odeur, une odeur musquée qui me plaisait assez, d’avoir baissé les yeux lorsqu’il a murmuré : « Embrasse-moi ».

J’ai dormi sur le divan. Au réveil, nous avons peu parlé, j’ai tout fait pour éviter son regard. Nous avons quitté l’appartement rapidement et pris chacun notre côté. En m’éloignant, me suis rappelé lui avoir confié n’avoir jamais été capable de montrer mon amour à mon père. Il m’avait suggéré de l’appeler, là, dans l’immédiat, devant lui, de simplement lui dire papa je t’aime. J’avais composé le numéro en riant, nerveux. La ligne était occupée. C’était sans doute mieux ainsi.

Sur le trottoir, me suis dit que je n’aurais pas dû le laisser filer sans lui avouer mon envie de le revoir, sans lui parler de mon émoi. J’ai regretté avoir fui son regard à tout prix. Je me suis immobilisé et demandé ce que j’allais bien pouvoir raconter à Marianne.

J’avais soif, les jambes molles, l’impression que son odeur musquée était partout sur moi.

Suis entré dans le premier café. Un café noir, me suis-je dit en m’installant au comptoir, très noir, aussi noir que son regard que je n’étais alors pas prêt d’oublier.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Recto/verso, une nouvelle de Dany Tremblay…

11 novembre 2015

Recto/Verso

Difficile de lui donner un âge. La quarantaine en tout cas. En compagnie de deux femmes qu’elle délaissait à toutchat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec bout de champ pour aller au-devant de gens qu’elle embrassait sur les joues. Ses mains me fascinaient. Aériennes malgré les bagues, des cabochons aux formes rebondies, dorés et massifs, un pour chaque doigt. Ses ongles étaient vernis de la même couleur que sa robe. Ils pointaient en direction du ciel alors que la paume de sa main prenait appui sur l’épaule de son interlocuteur. On aurait juré des papillons.
En face de moi, Claude parlait, parlait, parlait. J’écoutais à demi. J’étais captive de cette femme qui portait toute son attention sur son interlocuteur, comme s’il n’y avait eu qu’eux sur cette terrasse. Fascinante. Elle était simplement fascinante. Lorsqu’elle revenait à sa table où les deux autres l’attendaient, elle s’arrêtait en chemin, échangeait avec l’un et l’autre. Elle connaissait un tas de monde. Des hommes surtout. Ça me rendait jalouse, j’avoue. Lorsqu’elle riait, elle renversait la tête. Je me disais que celui à qui elle tendait ainsi son cou devait être tenté de le baiser. Le reste du temps, elle souriait, la tête inclinée sur l’épaule. Au contraire de moi, elle fixait ses interlocuteurs dans les yeux, en battant des cils, à la façon de certaines actrices. Elle portait un collier de perles argent à rang triple. Un bijou extravagant. Sans doute coûteux. Je n’aurais jamais osé. Je la trouvais belle et sexy, j’étais hypnotisée par elle. C’est fou, je sais. Mais elle était si à l’aise parmi tous ces gens alors que j’étais d’une telle maladresse ! J’aurais fondu sur place, avoir été elle, avec tous ces regards sur moi. Sa façon de se déplacer me laissait bouche bée. Elle dansait, on aurait dit. Je n’aurais pas fait dix pas avec ça aux pieds. Des talons interminables. Je ne me serais jamais levée de ma chaise avec pareille robe sur le dos. Un vêtement qui la sculptait, court, d’un rouge vif, à mi-cuisse, dernier cri. Son corps était un défi au temps. Je l’enviais, vous n’avez pas idée.
J’étais obèse. Ronde de partout. Depuis l’enfance. Nous étions une génération entière à l’être. Malgré les régimes de toutes sortes. J’étais bien plus jeune que cette femme. Bien plus grosse. Pour moi, les occasions de sorties étaient raretés. Claude, mon voisin de palier, m’avait tendu la perche. Les terrasses venaient d’ouvrir, la soirée s’annonçait chaude, une exception en ce temps de l’année. Je m’étais dit pourquoi pas une petite virée en ville ? Et voilà le résultat, je me tenais droite sur ma chaise, à vivre l’instant à travers elle. Par procuration comme. Face à moi, Claude parlait, parlait, parlait. S’il avait été possible de le téléporter, j’aurais claqué des doigts. Derrière lui, cette femme emplissait mon horizon. Tout mon horizon.

∞∞∞

Grotesque. Elle était grotesque. Ta mère aurait agi de la sorte que tu aurais eu honte. Elle était accompagnée de deux femmes. Deux pareilles à elle. Vêtues aussi courtement, dans des teintes criardes, fardées avec exagération, pleine de breloques de mauvais goût. Elles étaient indécentes et déplacées, voilà. Elles avaient choisi une table placée dans un coin. De façon à voir arriver les gens d’un côté ou de l’autre de la rue, de l’une ou l’autre des ruelles qui donnaient sur la principale, tu l’aurais parié. La plus âgée, du moins elle semblait la plus âgée, était la pire des trois. La bougeotte, le regard qui fouille parmi les passants, une espèce d’énervement qui aurait pu passer pour de la fébrilité ou du plaisir, celui de retrouver une vieille connaissance, quoique, tu n’étais pas dupe. Tu connaissais le moineau. Elle s’esclaffait pour des riens, cherchait les regards, visait à devenir le point de mire. Une adolescente en chaleur qui veut se faire voir, as-tu pensé. Une de plus à refuser de vieillir et à jouer à la donzelle.
Tu t’es mise à l’étudier. Après tout, l’étude des comportements, c’est ton domaine. Aussitôt qu’une connaissance chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québecapparaissait dans son champ de vision, elle se trémoussait sur sa chaise, s’excitait. Sa connaissance mettait pied sur la terrasse et elle se précipitait sur elle. C’était son prétexte pour parader. Elle s’avançait à sa rencontre les bras ouverts, affichait un demi-sourire, battait des cils. Tu secouais la tête, te promettais de ne jamais, oh grand jamais te comporter de la sorte. Elle embrassait comme dans les films français, sans toucher l’autre, s’appliquait à certaines distances. Ses lèvres baisaient le vide. À gauche d’abord, à droite ensuite. Elle était insignifiante. Maniérée. Artificielle. Les mots pour la qualifier ne te manquaient pas. Pendant qu’elle parlait au nouveau venu, tu regardais ses mains. Leur gestuelle. Elle avait dû les observer dans la glace des milliers de fois, reproduire les gestes jusqu’à ce que ça devienne de la mécanique. Elle pointait au ciel ses ongles vernis de rouge, plaçait la paume de sa main sur l’épaule de son interlocuteur et vlan, gardait la pose. Elle manquait de naturel en toutes choses. Jusqu’à sa façon de repousser du bout de l’index cette mèche qui fuyait de son chignon et chatouillait son front. Une gloire dépassée, voilà ce que tu as songé. Elle était grotesque. Grotesque. C’est le mot qui en bout de compte te revenait à l’esprit. Tu t’es mise à éprouver de la pitié, à vraiment en éprouver et tu as choisi de ne plus la regarder.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

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Guichet 10, une nouvelle de Dany Tremblay…

15 septembre 2015

Guichet 10

À Jean-Arthur

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, Québec

La première fois où je l’ai vu, j’allais renouveler mon permis de conduire.  Nous étions en mai, un après-midi de soleil.  J’en avais déduit que le bureau des véhicules serait désert.  Je ne m’étais pas trompée.

J’ai pris un numéro au distributeur à l’entrée.  A59.  Je m’en souviens.  A pour Arthur, 59 pour l’année de ma naissance.  Puis, j’ai marché jusqu’au centre de la salle sans regarder personne.  Au moment où je me suis assise, on a appelé A48 au guichet 18.  A48 s’est levé, je l’ai accompagné du regard.  Lorsqu’il a placé les coudes sur le comptoir face au guichet 18, ça a cessé de clignoter sur l’écran.

J’avais une revue.  Je l’ai posée sur mes genoux, suis demeurée attentive à l’appel des numéros.  A49 est apparu sur l’écran.  Après quelque temps, une voix de femme a appelé A49, guichet 15.  Dans la salle, personne n’a bougé ; A49 a continué de clignoter.

J’ai tourné la tête vers la gauche et je l’ai vu.  Il se tenait derrière le guichet 10.  Le bouton du haut de sa chemise était défait.  Nos regards se sont croisés.  Le mien a glissé sur lui, est allé se perdre dans le fond de la salle.  Le sien est demeuré sur moi, il me détaillait, je n’avais pas besoin de regarder pour savoir.

Il était de grandeur moyenne, de grosseur moyenne, les cheveux clairs, le front dégarni, la quarantaine avancée.  Peut-être avait-il franchi les cinquante ans.  J’avais à peine posé les yeux sur lui, j’étais pourtant capable de le décrire.  Ses yeux surtout.  D’un bleu intense.  Couleur océane.  Impossible de ne pas les remarquer.  Même à cette distance.  Malgré ses verres.

Ils étaient quatre préposés.  Lui au guichet 10, un autre homme au guichet 18 et deux femmes.  Lorsque nos regards se sont rencontrés, j’ai détourné la tête.  J’ai attendu avant de jeter à nouveau un œil vers lui.  Lorsque je me suis décidée, lui aussi me regardait.

A50, A51, A52 ont défilé.  Le préposé aux yeux bleus et moi jouions à cache-cache.  Son regard est devenu insistant à plusieurs reprises.  Je n’ai jamais osé le soutenir.

A57 est apparu.  Mon tour s’en venait.  J’espérais ne pas être appelée au guichet 10.

À 58, j’ai cessé de regarder dans sa direction.  A59 guichet 18 s’est affiché sur l’écran.  J’ai été soulagée.  Je me suis levée, plutôt raide, appliquée à rentrer le ventre.  Trois minutes plus tard, mon permis était renouvelé.  J’ai rangé mes papiers dans mon porte-cartes, tourné le dos au guichet 18 et me suis retrouvée en face de lui.  Je crois qu’il souriait.  J’ai baissé les yeux trop vite pour en être sûre.  J’ai marché vers la sortie.  Au moment de pousser la porte, je lui ai lancé un dernier regard.  Cette fois, aucun doute, il m’a souri.  Quelques coins de rue plus loin, je l’avais oublié.

Ma deuxième rencontre avec lui s’est produite à la mi-septembre.  J’accompagnais mon père.  On exigeait qu’il repasse son permis de conduire.  Papa avait été le pilier de la famille.  Ça avait basculé en une nuit.  Infarctus, eau sur les poumons, complications de toutes sortes.  Sa survie dépendait maintenant d’une machine à oxygène, d’un pacemaker, de timbres de nitro, d’une batterie de pilules et des soins de ma mère.  En peu de temps, papa avait vécu une série de deuils.

Lui et moi étions dans la cour.  On nous avait dit que quelqu’un viendrait nous y rejoindre.  Je l’ai aperçu qui sortait de la bâtisse.  C’était le gars du guichet 10.  Il s’est présenté à mon père, m’a saluée d’un signe de tête.  Je suis incapable de dire s’il m’a reconnue.  Il a expliqué à papa comment ça se passerait.  Ils allaient partir ensemble, circuler dans les rues du quartier, puis rouler un bout sur l’autoroute.  Il parlait d’une petite demi-heure.  Il était poli, sa voix était agréable.  Je me suis éloignée d’eux.  Je ne voulais pas gêner mon père.  Je les ai regardés partir :  papa au volant, amaigri, lui sur le siège du passager, à noter quelque chose sur son formulaire.

Lorsqu’ils sont revenus, mon père, d’ordinaire peu bavard, en avait long à dire.  Je ne l’avais jamais vu ainsi.  Ils étaient sortis de la voiture, s’en étaient éloignés.  Je me tenais à une quarantaine de pieds d’eux.  Mon père faisait de grands gestes.  Je me suis demandé ce qu’il racontait.  L’homme du guichet 10 écoutait, la tête inclinée, l’air toujours paisible.  Papa a fini par se taire, est demeuré immobile.  L’homme du guichet 10 est disparu dans la bâtisse.  J’ai rejoint mon père, glissé mon bras sous le sien et nous sommes entrés à notre tour.

Dans la salle d’attente, nous nous sommes assis, épaule contre épaule.  Papa était silencieux.  Je sentais sa peur.  Lui retirer son permis serait lui donner l’assaut final.  Mon père s’était fait tout seul.  Acquérir sa première voiture avait été synonyme de réussite.  À dix ans, il s’était déniché un emploi et rapportait de l’argent à la maison.  Toute sa vie, il avait aidé les autres.  Il avait l’habitude de donner, pas de demander.  Papa malade, maman s’était procuré un temporaire.  Elle n’envisageait pas de repasser son permis.  Ça viendrait, pourtant.  C’était inévitable.  Ils avaient seulement besoin de temps.  J’ai placé ma main sur celle de mon père.

L’homme du guichet 10 a quitté son comptoir, est venu vers nous.  À ma grande surprise, il s’est adressé à moi.  J’ai souri à papa et me suis levée pour le suivre.  Il avait regagné sa place derrière le comptoir.  Je me suis installée face à lui.  Il a placé une feuille entre nous, y a dessiné deux lignes parallèles.  Plus bas, il en a tracé deux autres, parallèles elles aussi, mais recourbées.  Il a relevé la tête, m’a regardée en silence, s’est repenché sur son dessin.

— Ton père a plus ou moins réussi l’examen, a-t-il fini par dire.

Sa voix était douce.  Il a poussé la feuille vers moi et avec son crayon, a pointé les deux lignes droites.

— Dans les bouts droits, il conduisait trop près de la ligne du milieu.

Il m’a regardée, s’est de nouveau concentré sur les lignes qu’il avait tracées sur la feuille.

— Dans les courbes…

Il a pointé les deux lignes recourbées avec la pointe de son crayon.

—… il s’est retrouvé dans l’autre voie, celle en sens inverse.  Ça s’est produit plusieurs fois.

Avec le crayon, il a entrepris de m’illustrer la trajectoire suivie par la voiture dans les courbes.  Je fixais la feuille.  Je me demandais comment j’allais expliquer à papa qu’on lui retirait son permis.  Mon père avait un moral de fer.  Il croyait dur qu’il prendrait du mieux.  Ça n’arriverait pourtant jamais.  L’un de ses poumons était comme de la roche.  Pour l’autre :  une question de temps.  Ce qui restait de son ancienne existence se résumait à sortir boire un café en après-midi.  Maman le conduisait.  Une escapade d’une demi-heure.  Sans le permis de papa, au diable tout cela.  J’ai regardé dans le vague.  L’homme du guichet 10 a senti mon désarroi, j’en suis certaine.  Le silence entre nous s’est étiré, puis il a dit :

— Je vais renouveler son permis.

J’ai levé la tête.  Il avait un regard clair.  Aucun doute, cet homme était hors du commun.

Au moment de quitter, je lui ai jeté un regard.  Il souriait.  Je lui ai rendu son sourire, je me sentais de connivence avec lui.

Dans la voiture, papa a gardé le silence, regardait par la fenêtre.  Je songeais au gars du guichet 10.

chat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, littérature, QuébecLa troisième fois, je l’ai vu dans le journal, quatre mois après qu’il ait renouvelé le permis de papa.  J’ai appris son nom à ce moment, Arthur, qu’il avait dépassé de peu la cinquantaine.  Je venais de me servir un café, quelqu’un avait laissé le journal ouvert.  Je me suis approchée.  Sa photo était au centre.  Je me suis approchée plus près pour être sûre.  C’était bien lui.

 Je suis allée au salon funéraire.  On avait placé une photo sur le couvercle de sa tombe.  Il était tel que je l’avais vu au bureau des véhicules.  Je n’ai parlé à personne, suis demeurée à l’écart, contre le cadre de porte, un pied dans l’entrée, l’autre dans le salon où on l’avait exposé.  Je me voulais invisible.

Quatre ans plus tard, papa a toujours son permis, mais n’a jamais repris le volant.  Chaque après-midi, il sort boire un café.  Une sortie d’à peine une demi-heure.  Maman le conduit.

De mon côté, je songe souvent à Arthur.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

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L’autre en lui, une nouvelle de Dany Tremblay…

24 mai 2015

L’autre en lui

 chat qui louche maykan alain gagnon francophonie

 Il se tient sur le trottoir. En retrait du lampadaire. Contre la bâtisse de briques. Comme s’il faisait corps avec elle. Il regarde les gens qui entrent dans le bar de l’autre côté de la rue. Ils sont nombreux à s’y engouffrer. D’où il se trouve, il entend les blagues du portier. Tantôt, elles s’adresseront à lui. Depuis le temps, le portier et lui sont de vieux amis en quelque sorte. Pour l’instant, personne ne prend garde à lui. Le portier moins que les autres, trop occupé à ouvrir le passage aux dames, à blaguer avec les hommes. Il se veut de toute façon anonyme. Dissimulé dans l’ombre d’un porche. Lui-même ombre. Tassé sur lui. Col de veste relevé, cou dans les épaules, regard de chien battu. Il attend.

Il attend de la voir, elle. Après, seulement après qu’elle soit entrée dans le bar, il avalera la pilule rose, de forme ovale, qui laisse un goût de métal sur la langue. Il lui en reste huit. Huit pilules. C’est bien peu. Elles sont dans un contenant de plastique transparent qu’il promène avec lui en permanence. Elles coûtent une fortune, c’est un véritable casse-tête, son fournisseur lui refuse le crédit. Il est vendeur de souliers, gagne un salaire de crève-la-faim. Avant de l’avaler, il s’assure toujours d’avoir assez de salive dans la bouche. Ainsi, moins de risque qu’elle se coince dans la gorge. Ça lui est arrivé. Elle avait fini par passer, mais la sensation… Il n’avait pas aimé la sensation.

Chaque soir, terré contre la bâtisse de briques, il surveille son arrivée. C’est pour elle qu’il prend ces pilules roses. Sans pilule, elle le trouverait insipide, niais, plat, insignifiant, bon à rien. Elle ne se présente jamais seule au bar. Ils sont quelques-uns à l’escorter. À courir derrière. À faire des courbettes. Elle marche la tête haute, elle rit de ce qu’ils racontent. Ses cheveux sont platine. Elle porte des talons d’une hauteur vertigineuse. Impossible de ne pas la voir, de ne pas l’entendre venir.

Avant sa rencontre avec elle, il ne sortait que le samedi. Il avalait une pilule rose avant de quitter son appartement, histoire de s’éclater un peu, d’oublier les clientes grincheuses devant lesquelles il s’agenouillait la semaine entière. Un samedi soir, il l’a remarquée, elle. Elle était entourée de copains. Sans la quitter des yeux, il s’était approché. Elle avait soutenu son regard. Ils avaient dansé ensemble. Il avait effleuré sa main, sa hanche du bout des doigts. Avant qu’elle quitte la piste, il s’était penché à son oreille, lui avait murmuré qu’elle bougeait bien. L’effet de la pilule rose lui permettait toutes les audaces. À la fermeture, elle était repartie, escortée de sa ribambelle d’admirateurs. Avant de tourner le coin de la rue, elle lui avait envoyé la main. Il avait passé la semaine à rêver d’elle, à anticiper le samedi suivant. Il avait contacté son fournisseur de pilules roses. Hors de question d’en manquer, maintenant qu’il l’avait vue, elle.

Le samedi d’après, puis tous les autres, finalement chaque soir de la semaine, il y est retourné. Pour elle. Si drôle, si gentille, toujours prête pour la fête. Un soir, ils ont fait l’amour dans la salle de bains des femmes. Ils ont joui en silence, yeux dans les yeux. L’occasion se répétera, il en est sûr. La patience, il connaît.

Il est un habitué, maintenant. Le portier l’appelle par son prénom, lui conte des blagues, des salées même. Chaque soir, environ à la même heure, il avale sa première pilule rose. Grâce à elles, il est libre, totalement, sans complexes, débarrassé de son bégaiement qui amusait les filles à la petite école.

Chaque soir, il se place en retrait de ce lampadaire, dans l’ombre de ce porche. Lorsqu’elle surgit au coin de la rue, il sort chat qui louche maykan alain gagnon francophonie le contenant de plastique de sa poche. Il est tiède, parfois moite, faute de l’avoir tenu au creux de sa paume. Alors qu’elle marche vers le portier, il l’ouvre, fait glisser une capsule dans sa main, veille à ne pas en échapper. Il se retient d’avaler sa salive, l’accumule contre les dents d’en avant. Lorsqu’elle disparait à l’intérieur du bar, il la porte à sa bouche, l’avale d’un coup sec. Il ferme les yeux, chaque fois. Il enfouit le menton dans son veston, chaque fois. Lorsqu’il les rouvre, il est quelqu’un d’autre. C’est cet autre qui regarde en direction du bar, qui rabat le col de sa veste d’un geste assuré, qui dénoue le premier bouton, entreprend de traverser la rue, sourire aux lèvres, épaules dégagées. Sur le trottoir d’en face, le portier l’aperçoit, lui envoie la main. Lui répond à son salut, libre de toutes contraintes, en homme heureux, bien dans sa peau.

À son tour, il entre dans la place. Elle est au bar. Avec ses cheveux oxygénés, elle se démarque. Il l’admire de loin, remercie l’inventeur de la pilule rose, son laissez-passer pour le bonheur. De la main, il tâte le flacon transparent dans sa poche, puis marche vers elle.

Notice biographique

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À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

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Lapsus chien, une nouvelle de Dany Tremblay…

14 mai 2015

Lapsus chien

« Parler me fait peur parce que, ne disant jamais assez,
je dis aussi toujours trop. »
Jacques Derrida

La Blonde laisserait à d’autres le soin d’affronter l’hiver. Lorsqu’elle reviendrait, c’enchat qui louche maykan alain gagnon francophonie serait terminé des froids, des tempêtes. Elle se voyait déjà sur la plage, dans une longue chaise, son livre près d’elle. Les serveurs de l’hôtel seraient empressés, comme s’il n’y avait qu’elle. Elle leur rendrait leur sourire ; parfois, son regard s’abîmerait un moment dans le verre de boisson colorée que l’un d’eux lui apporterait. Peut-être vivrait-elle une idylle ! Elle avait entendu de ces histoires ! On lui avait assuré que ça pouvait se produire, au moment où elle s’y attendrait le moins ! Elle lèverait les barrières, ces interdits qu’elle s’imposait au quotidien, elle s’en était fait la promesse.
Pour s’offrir un hiver dans le Sud, la Blonde avait trimé dur. À ce jour, les aéroports signifiaient pour elle « accompagner ceux qui partent ». Elle avait été celle qui se retrouve avec les clés de la voiture et de la maison ; elle était le bras sur lequel échoue le manteau doublé, celle à qui l’on rappelle d’arroser les plantes, de ramasser le courrier, de nourrir le chien, de le promener.
« On t’enverra une carte postale, te ramènerons un souvenir », entendait-elle avant qu’ils disparaissent parmi les autres voyageurs, de l’autre côté, dans un espace où elle n’existait plus.
Parfois, après y avoir conduit quelqu’un, elle s’attardait dans l’aéroport. Une vitre haute de deux étages permettait de voir les passagers sur le point de s’embarquer. Elle s’immobilisait devant cette vitre, posait son front contre et cherchait à retrouver un visage connu dans la foule. Quand elle en repérait un, elle envoyait de grands signes de la main. Elle ressentait une étrange tristesse, avait chaque fois ce serrement dans la gorge. Les départs l’angoissaient sans qu’elle sache au juste pourquoi.
Cette fois, cependant, ça ne se passerait pas ainsi. C’est à elle qu’on enverrait des au revoir de la main au travers de la vitre haute de deux étages. La Blonde n’avait jamais vu l’océan, jamais humé le varech, jamais liché le sel de mer qui colle à la peau. À l’automne, elle avait suivi des cours d’espagnol, elle saurait se débrouiller. De toute manière, elle avait déjà rencontré des étrangers. Elle travaillait comme serveuse au terminus voyageur. Les derniers étés, elle avait servi des Allemands, des Anglais, des Belges, des Français, des Espagnols. Les premiers temps, ça l’avait rendue nerveuse, elle craignait de ne pas les comprendre, qu’ils se moquent d’elle. Elle a vite réalisé que communiquer allait au-delà des mots, qu’il y avait le corps, les signes. Elle et les étrangers étaient toujours parvenus à s’entendre. Elle se sentait prête, fin prête pour partir. Il restait une chose à régler : le cas de Petitloup.
La Blonde a songé à demander à la Brune. Alors qu’elle habitait la maison du lac, elle avait logé chez elle la chienne de cette dernière. À plusieurs reprises en plus. La bête mâchouillait les plantes, les chaussures, les bas. Malgré cela, elle avait toujours accepté de l’accueillir. Lorsque la Brune revenait de voyage, passait chercher son bébé, comme elle l’appelait, la blonde se promettait que la prochaine fois, elle refuserait de la garder, se trouverait un prétexte. Elle finissait quand même par dire oui, prenait auprès d’elle l’animal que tous jugeaient insupportable. Elle ne savait pas refuser.
La Brune a été ravie de la voir arriver. Elle l’a invitée à s’installer en face d’elle. Un bureau large comme un boulevard les séparait l’une de l’autre. La Blonde n’en avait jamais vu de semblable, d’aussi imposant, a murmuré un wow qui en exprimait long.
La Brune s’est montrée emballée par le voyage que l’autre allait entreprendre, a posé quelques questions, s’est dite désolée de ne pouvoir garder Petitloup durant son absence.
— Déjà un chien, tu comprends ?
— C’est une vieille bête, il n’a pas besoin d’exercice, ne pense qu’à dormir, a expliqué la Blonde, sans chercher à convaincre.
La Brune n’a rien ajouté. Elle s’est calée dans son fauteuil, a attendu que la Blonde exprime quelque chose, ou se lève. Le silence s’est prolongé. De l’avis de la Brune, un silence trop long, sans contredit déplaisant, qui lui a laissé du temps pour toussoter, froncer les sourcils, se redresser dans son fauteuil, se retenir de respirer. En face d’elle, la Blonde, immobile, pensait aux clients allemands qu’elle avait servis au restaurant du terminus, aux grands gestes qu’ils faisaient pour qu’elle comprenne ce qu’ils attendaient d’elle. Elle a pensé à ces Européens qui lui avaient donné leur adresse, à ces Espagnols avec qui elle avait échangé des regards, des sourires, des accolades. Elle s’est finalement attardée à la portée du silence qui s’allongeait entre elle et la Brune, à ce moment très précis.
— Je comprends, a-t-elle fini par murmurer. Je comprends.

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDu coup, la Brune s’est remise à respirer, soulagée. Elle s’est levée de son fauteuil. De l’autre côté du bureau, la Blonde avait entrepris de fixer le plancher, s’est perdue quelques secondes dans la contemplation des fleurs du tapis. Lorsqu’elle s’est décidée à quitter son siège, elle a aussitôt tourné les talons, a marché jusqu’à la porte.

La Brune aurait aimé dire quelque chose, a cherché quoi, mais n’a rien trouvé. La Blonde a ouvert la porte. De sa main libre, elle a éteint la lumière, a franchi le seuil et a refermé derrière elle.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

À ce jour, elle a publié des nouvelles dans plusieurs revues au Québec, a coécrit avec Michel Dufour Allégories : amour de soi amour de l’autre publié en 2006 chez JCL et Miroirs aux alouettes, roman-nouvelles, publié en 2008 chez les Équinoxes, ouvrage auquel a participé Martial Ouellet.  En 2009 et 2010, elle fera paraître successivement, aux Éditions de la Grenouille Bleue, deux recueils de nouvelles : Tous les chemins mènent à l’ombre (Prix récit : Salon du Livre du SLSJ en 2010) et Le musée des choses.  En mai de cette année, elle a publié aux éditions JCL un récit témoignage : Un sein en moins ! Et après…

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Les loups, une nouvelle de Dany Tremblay…

13 avril 2015

Les loupschat qui louche maykan alain gagnon francophonie

Chaque matin, Jonas passe devant la butte du loup. C’est comme ça qu’il l’appelle. Plusieurs semaines qu’il y voit la bête, sa silhouette se découpe à l’horizon. Tous deux s’observent jusqu’à ce que le soleil monte en altitude, que la bête lui tourne le dos et s’enfonce dans les bois.

Leur première rencontre a eu lieu au village. Jonas achevait sa tournée de journaux, le loup se tenait au bout de sa rue. Il a d’abord cru que c’était un grand chien. La bête le fixait de ses yeux jaunes. À force de la détailler, il a douté, ce n’était peut-être pas un chien après tout. Son grand-père lui avait parlé des bêtes sauvages. Dans son temps, disait-il, les ours n’attaquaient pas les hommes. Son grand-père prétendait que les humains bafouaient la nature et qu’un jour, ils paieraient pour ça. Jonas l’écoutait les yeux ronds.

Quand même ! Un loup dans son village ! Au bout de sa rue !

Face à la bête aux yeux jaunes, Jonas avait baissé le regard, fixé un point au bord du chemin, gonflé le poitrail pour paraître imposant. Il s’était éloigné avec lenteur. À reculons. Hors de vue, il avait couru, était entré en coup de vent. Sa mère avait crié de ne pas claquer la porte. Dans la cuisine, son père déjeunait. Il était passé sans rien dire, pâle comme s’il avait vu un mort, encore à se demander si c’était un chien ou un loup. Il y avait pensé toute la journée et le soir avait eu du mal à s’endormir. Le lendemain, il avait livré ses journaux la peur au ventre, se retournant tous les dix pieds.

Ensuite, sept jours ont passé sans qu’il rencontre la bête. Il a cru que, chien ou loup, elle était maintenant loin. À l’aube du huitième jour, au détour d’une rue, il l’a revue. Debout, elle le fixait. Jonas s’est illico transformé en statue. Après un moment, le loup a baissé les yeux, lui a tourné le dos, est disparu. De retour chez lui, il a cherché des photos de loups sur son ordinateur, les a examinées durant des heures.

Un loup ! Il avait rencontré un loup ! En plein village ! Deux fois !

Les jours d’après, plus de trace de la bête. Une autre fois, il a pensé qu’il ne la reverrait plus. Il se trompait. Un matin, sur la fin de sa tournée, elle se tenait sur la butte. Le soir, il a placé dans son sac à journaux une barre de fer, au cas, et décidé de ne parler de cette histoire à personne. On rirait de lui. Déjà qu’à l’école on le surnommait « Jonas dans la baleine ».

Depuis, il l’aperçoit sur la butte chaque matin. Mai et juin ont passé, juillet est entamé, au total, quatre-vingts matins qu’ils se rencontrent. Jonas marque chaque fois d’un trait le calendrier à la tête de son lit. Un après-midi, il calcule qu’il lui faudrait vingt minutes pour monter sur la butte. L’envie d’y aller le tourmente. Si la bête lui avait voulu du mal, elle lui serait tombée dessus depuis longtemps. Après quelques hésitations, il abandonne sa place sur la galerie. En chemin, il s’immobilise pour écouter les bruits. Ne lui proviennent que ceux des automobiles, de l’autre côté des arbres. Il a autrefois emprunté ce sentier avec son père, il se souvient du chant incessant des oiseaux. Pour l’instant, c’est le silence.

Au sommet de la butte, il a le souffle court. La peur, l’excitation d’avoir désobéi à son père, aussi parce qu’il a couru les derniers mètres. Il regarde au-delà où le bois s’épaissit. Il scrute la forêt d’épinettes, se répète qu’il est fou alors que ses pieds foulent le sol de mousse. Puis il les découvre. Plusieurs loups assis ou couchés au pied des arbres. À le fixer. Il avale de travers, recule d’un pas. L’une des bêtes se lève. Il maudit son audace. Elle lui semble immense. Elle va bondir, c’est une certitude. Il ferme les yeux, attend, rien ne se passe. Lorsqu’il les ouvre à nouveau, le loup aux yeux jaunes est là, fait mur entre lui et les autres. Il en profite pour dévaler jusque chez lui où il s’enferme dans sa chambre, le cœur battant, les jambes en flanelle.

Le lendemain, le loup est à sa place sur la butte. Jonas, qui n’a pas dormi, lui envoie un signe de tête. La bête l’a sauvé. Il est tenté d’en parler à son père. La crainte d’être puni le retient.

Quelques jours plus tard, il lit dans le journal qu’un loup a attaqué un cycliste. Désormais, s’il en parle, on le croira, c’est certain. D’autant que l’incident s’est produit près de la butte. C’est au milieu du repas du soir qu’il se décide et déclare que chaque matin il voit un loup. Il avoue aussi être allé au-delà de la limite permise, constaté qu’ils étaient plusieurs. L’un d’eux s’apprêtait à l’attaquer et celui aux yeux jaunes l’a protégé. Un interminable silence suit sa confession. Sa sœur sourit. Sa mère secoue la tête. Son père se dit que son gars ne manque pas d’imagination. Il lui rappelle l’interdiction pour les escapades du côté de la butte, du danger de se perdre en forêt. Il passera l’éponge pour cette fois, dit-il, mais lui intime de cesser de raconter ces histoires abracadabrantes.

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieLes jours d’après, plus de loup, comme si la bête a deviné que Jonas avait parlé, rompu un pacte secret. Il continue de livrer les journaux, de surveiller chaque bout de rue, la butte. La bête demeure invisible. L’envie de retourner voir le tenaille. Un après-midi, c’est plus fort que lui, il emprunte à nouveau le sentier qui mène au sommet. C’est l’automne, le sol couvert de branches craque sous ses pas. Il n’a pas long à parcourir avant de les trouver. Des dizaines de loups. La grande bête s’y trouve aussi. On jurerait qu’elle l’attendait. Elle le fixe de ses yeux jaunes. Les autres derrière ne bougent pas. Ils sont ici pour rester, songe Jonas. Ils sont venus reprendre leur dû. Son grand-père l’avait prévenu. Malgré leur nombre, il est surpris de ne pas avoir peur. Pas autant qu’il l’aurait cru en tout cas. Il ne s’explique pas comment cela est possible, il croit entendre le loup dans sa tête, se dit qu’il devient fou.

Il rentre de son escapade désorienté. Personne ne le croira. Une pareille meute ! Sans qu’on l’ait attaqué ! Il ne doit pas parler de cela. S’il raconte que la bête a communiqué avec lui, on l’enfermera.

L’automne s’achève. Chaque matin, Jonas scrute la butte où la bête n’est jamais réapparue. Le soir, il sort sur la véranda, étudie l’horizon. Il lui semble que des milliers de yeux luisent dans le noir, regardent vers le village. Il se répète que ce sont des lucioles. Ses nuits sont agitées, peuplées de cauchemars. Il pense à eux sans cesse, a fini par parler d’eux à l’école, s’est aussi échappé à la maison. Il les a vus, il le jure. Ils sont des dizaines, des centaines même ! Un soir, après le souper, il sort une carte, l’étend sur la table. Regarde, dit-il à son père, autour de nous, c’est la forêt à perte de vue. On va être isolé du monde, papa. Ils vont nous encercler. Son père fronce les sourcils. Plus tard, il entend ses parents qui discutent. Au matin, sa mère le conduit chez le médecin. Jonas lui raconte son histoire de grand loup aux yeux jaunes. Le médecin conclut que la mésaventure du cycliste et les histoires du grand-père lui ont farci l’imagination. Il explique à Jonas que s’il persiste à raconter des choses pareilles, on doutera de sa raison et que… Jonas l’écoute les yeux ronds, aussi ronds que lorsqu’il écoutait les histoires de son grand-père. Il se promet de ne plus parler des loups.

Maintenant, il dort de moins en moins et les observe. Leurs yeux brillent dans le noir. D’une nuit à l’autre, ils sont plus nombreux.

Il ne fréquente plus l’école. Il livre ses journaux, passe le reste du temps dans sa chambre, à la fenêtre.

Il n’a pas peur, la bête aux yeux jaunes est là pour veiller sur lui, il en est certain.

L’hiver est proche.

C’est pour bientôt. Il le sait.

Notice biographique

chat qui louche maykan alain gagnon francophonieDany Tremblay a vécu son adolescence et  le début de sa vie d’adulte à Chicoutimi. Après un long séjour dans la région de Montréal, où elle a obtenu une maîtrise en Création littéraire à l’UQAM, elle s’est de nouveau installée au Saguenay où elle partage son temps entre l’écriture et l’enseignement de la littérature au Collège de Chicoutimi. Au début des années 80, elle s’est mérité le troisième prix de la Plume Saguenéenne en poésie ; en 1994, elle est des dix finalistes du concours Nouvelles Fraîches de l’UQAM. Organisatrice de Voies d’Échanges, qui a accueilli, deux années de suite, une vingtaine d’écrivains à Saguenay, elle est aussi, à deux reprises, boursière du CALQ. Elle s’est impliquée dans l’APES-CN dont elle a été présidente de 2006 à 2008. Depuis presque dix ans, elle pratique l’écriture publique avec les Donneurs de Joliette, fait partie des lecteurs pour le Prix Damase-Potvin et celui des Cinq Continents.

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