Dires et écritures, par Alain Gagnon…

9 octobre 2014

 De l’écriture et de Dieu…

 (Brèves proses tirées de L’espace de la musique, Éd. Triptyque)

 

Chat Qui Louche maykan alain gagnonLes néons et les soleils morts des bûches rougiront le tracé du stylo dans la chair ivoire du papier – et les grains du texte chauds avalent l’encre et colorent tout souvenir de sépia.

*

 

Ils sont tous là, ceux qui s’appellent les autres et dont les yeux boivent votre vie pendant que, penché, vous vous écrivez et souhaitez battre de textes la mort.

*

 

Dieu était partout – où il est demeuré d’ailleurs : dans l’espace de la musique, celle que toute oreille a entendue – avant d’avoir un nom à soi, avant qu’on nomme même la musique, dans la plus pure réminiscence.

 Ces airs que les enfants reprennent dans la tiédeur des parcs au soir. S’y glissent entre les notes la souplesse et la vivacité des fées que la lumière des couchants éveille, et l’haleine chaude des forges retenues de juillet.

 Dieu, c’est le vent, dans l’espace de la musique ; celle qui chante et sait relier en sa caresse uniforme.

*

 

La seule façon de donner cohérence, un semblant de limpidité à ses rencontres avec le texte, c’est la reconnaissance de Dieu, de la transcendance en soi, au plus intime. Pas l’un de ces démons criminels, demi-fous et foudres de guerre, qui hantent plusieurs textes sacrés, mais le Dieu du silence, celui de la fidélité quiète à sa créature. Celui qui rehausse, synthétise, résume, accorde sens à l’esthétique — et à son éthique.

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon chat qui louche maykan alain gagnondu Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Gogol, Kerouac et Musset, par Alain Gagnon…

5 juin 2014

Dires et redires

gogol

Gogol

Relecture des Âmes mortes ou des Aventures de Tchitchikov. J’ai appris que Gogol errait en Europe de l’Ouest au moment de l’écriture de ce roman à la gloire des personnages et paysages de sa Russie natale. Les siens et sa géographie particulière, il vaut mieux s’en tenir loin pour les chanter avec douceur et compassion dans la critique même. Mes meilleurs textes sur ma géographie, à moi, je les ai écrits en exil, à Kingston, en Ontario. Exil doré, mais exil tout de même.

Je suis à lire Une vraie blonde et autres de Jack Kerouac. Au début, on donne la liste de ses Principes de prose spontanée -auxquels je n’adhère pas spontanément, inutile de le préciser. J’ai trop le respect des virgules, points-virgules et autres ralentisseurs utiles du souffle. Je partagerais un peu de sa passion pour le tiret – qui évite souvent les complications et la lourdeur d’une suite de propositions explicatives. Le tiret n’a pas toutefois la vigueur de cette pause « coupant la respiration rhétorique » du musicien de jazz que recherchait Kerouac.

Toutefois, il a eu en partie raison. Pas dans l’application jusqu’au-boutiste de ses principes de prose spontanée – ce qui s’est avérée impossible –, mais, en pratique, il a tout de même obtenu de ses intentions vagues d’éviter le verbe trop appris qui enchaîne. La littérature fait vivre sa femme ou son homme. Pas matériellement, précisons-le. Spirituellement.

(Le chien de Dieu)

*

Musset

Musset

L’été, temps des relectures. La confession d’un enfant du siècle de Musset. On relit toujours avec des yeux nouveaux et on découvre ainsi des évidences que, lors des lectures précédentes, un manque de culture ou de conscience occultait. Ainsi, pour expliquer l’inconstance des amants, ces phrases de haute parenté schopenhauerienne dans le texte de Musset : « La nature, avant tout, veut la reproduction des êtres ; partout, depuis le sommet des montagnes jusqu’au fond de l’Océan, la vie a peur de mourir. Dieu, pour conserver son ouvrage, a donc établi cette loi, que la plus grande jouissance de tous les êtres vivants fût l’acte de génération. »

Sur la permanence de l’illusion – de la Maïa : « Ô créatures qui portiez le nom de femmes, et qui avez passé comme des rêves dans une vie qui n’était elle-même qu’un rêve ! – que dirai-je de vous ? »

Et ce passage que l’on peut rapprocher de la parabole du « bon grain et de l’ivraie » du Nouveau Testament et qui interpelle les hégéliens et teilhardiens dans leur évaluation souvent mal avisée des événements historiques qui leur sont contemporains : « […] le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris. »

Et plus loin cette description anticipée du postmodernisme, de l’urbanité et des oxymorons : « Aussi les appartements des riches sont des cabinets de curiosités ; l’antique, le gothique, le goût de la Renaissance, celui de Louis XIII, tout est pêle-mêle. Enfin nous avons de tous les siècles, hors du nôtre, chose qui n’a jamais été vue à une autre époque ; l’éclectisme est notre goût ; nous prenons tout ce que nous trouvons, ceci pour sa beauté, ceci pour sa commodité, telle autre chose pour son antiquité, telle autre pour sa laideur même ; en sorte que nous ne vivons que de débris, comme si la fin du monde était proche. »

Entre une série d’observations de cette perspicacité, l’auteur (qui s’est donné le nom d’Octave) passe une bonne partie de son temps agenouillé sur les gazons, au pied des dames, ou dans son lit à trembler de fièvre et à pleurer… Heureusement, toutes ces lamentations d’une vanité maladive sont racontées dans une langue qui, parfois, se souvient encore de la prose efficace, musicale et simple du XVIIIe siècle.

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Écriture, Wittgenstein et Atlantic City…

22 mai 2014

Dires et redires…

À cet auteur en panne qui m’écrit : « Chaque matin, la seule pensée d’ouvrir mon ordinateur et de me crayon-sur-clavier-ordinateurretrouver devant l’écran blanc me terrorise. Mon roman est bloqué. Je cherche, cherche, sue, réfléchis, fais de longues promenades… Rien ! Le texte m’apparaît irrémédiablement dans une impasse. »

Tu prends tout à l’envers, camarade. Cesse de réfléchir ! Ce qui écrit en toi est beaucoup plus intelligent et créatif que toutes tes réflexions. C’est le fait même de t’asseoir devant l’écran et de faire aller très concrètement tes doigts sur le clavier qui résoudra tes problèmes d’écriture. Attendre d’avoir découvert « la solution » par des marches ou des méditations tourmentées est une ineptie. Ce sont les mots écrits pour vrai qui attirent les autres mots, ce sont les phrases qui attirent les phrases, les paragraphes qui engendrent les paragraphes, les chapitres, etc.

C’est en écrivant qu’on résout les problèmes d’écriture.

(Le chien de Dieu)

*

Insomnie. Une bonne partie de la nuit à tourner et à retourner dans ma tête quelques passages des Remarques mêlées de Wittgenstein.

Notamment :

Si quelque chose est bon, alors c’est également divin. Voilà qui, étrangement, résume mon éthique.

Seul quelque chose de surnaturel peut exprimer le surnaturel.

………………………………………………….

Je pourrais dire : Si le lieu auquel je veux parvenir ne pouvait être atteint qu’en montant sur une échelle, j’y renoncerais. Car là où je dois véritablement aller, là il faut qu’à proprement parler je sois.

Ce qui peut s’atteindre avec l’aide d’une échelle ne m’intéresse pas.

…………………………………………………

C’est une grande tentation que de vouloir rendre l’esprit explicite.

…………………………………………………

Le rapport entre un film d’aujourd’hui et un film d’autrefois est comme celui d’une automobile d’aujourd’hui avec une automobile d’il y a vingt-cinq ans. L’impression qu’il donne est tout aussi ridicule et inélégante, et l’amélioration du film correspond à une amélioration technique, comme celle de l’automobile. Elle ne correspond pas à l’amélioration – si l’on ose employer ce terme dans ce cas -d’un style d’art. Il doit en être tout à fait de même dans la musique de danse moderne. Une danse de jazz devrait donc se laisser améliorer comme un film. Ce qui distingue tous ces développements du devenir d’un style, c’est que l’esprit n’y a point part.

0000000000Opinion que je ne partage pas – je viens de revoir Atlantic City de Louis Malle… Mais opinion qui ouvre tout de même des perspectives à la réflexion.

Malgré ses fulgurances, j’abandonne la lecture de ce livre pour la deuxième fois – je devrais écrire la seconde, car il n’y en aura pas de troisième. Je comprends ce qui ne va pas chez lui : il ne respire pas, donc il ne fait pas place à la musique – ni à la sienne ni à celle du lecteur. Pas d’atmosphère, pas d’empathie par où communiquer. Tout comme chez Agatha Christie dont je n’ai jamais pu terminer un seul roman.

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Nouvelle, novella, haïkus et Tacite, par Alain Gagnon…

8 mai 2014

Dires et redires

Notes pour une réponse éventuelle à des étudiants qui m’ont demandé un court texte impressionniste sur l’art dehaiku la nouvelle. (Si c’est impressionniste, je veux bien…)

La nouvelle, c’est le haïku du prosateur qui se refuse à l’architecture à oubliettes du roman pour exposer, à la lumière implacable de la brièveté, un réel transfiguré, ciselé, dénudé. La nouvelle est à la littérature ce que la toundra et le désert sont à la géographie : lieux impitoyables et minéraux, où l’œil boit les horizons et se doit de s’attacher à des fragments infimes pour éviter sa propre fragmentation, sa dissolution dans l’Être.

À l’opposé, le conte, furtif et aguicheur, sans cesse propose ses grimaces complices et ses minauderies, ses sentes nocturnes et lascives, où palpite et s’embusque la Vouivre… Mais le stylo continue, sur la page crème et poreuse, sa marche dégingandée – flèche de Zénon à centre fou, tension vers ce papier de riz où toute encre sèche et disparaît avant que le tracé ne s’inscrive. 

Ouais… Au moins, ces étudiants apprendront-ils comment il ne faut pas écrire !

[Le chien de Dieu]

*

Mon recueil de novellas intitulé Trois visages d’Is progresse bien. La novella est un texte moyen, ni court, ni long, hérité de la culture médiévale d’Occitanie -un hybride ébahi qui, à la traîne dans une bretelle de l’autoroute littéraire, regarde passer les genres nobles et sourit avec la satisfaction de ceux qui savent avoir le temps, car leurs désirs ne les portent pas très loin. En fait, on écrit peut-être des novellas lorsque l’on se sent trop paresseux pour pondre un roman et pas assez talentueux pour ciseler une nouvelle.

9782213024974J’ai écrit jadis, dans un roman, quelque chose comme « s’enfoncer avec Tacite dans les certitudes du mal ». Je relis les Annales cette semaine et je me demande à quel point il a influencé mon style parfois minimaliste ou mes récits elliptiques, syncopés. Tacite est une très ancienne et itérative fréquentation. En traduction de versions latines d’abord, puis dans GF pour cet amour que j’ai toujours porté à l’histoire des humains. Tacite a utilisé un style journalistique avant la lettre, comme si l’espace lui était compté, chichement. À titre d’exemple, le premier paragraphe des Annales : en quelques lignes, on passe de la Rome des rois à celle d’Auguste, avec une grande sensation de vitesse et de densité, mais sans essoufflement… Six à sept siècles, faut le faire ! Et cet art du non-dit, de l’« à peine esquissé » auquel il a donné son nom -le « tacite ». Ainsi, cette phrase simple, mais pleine de connotations, à la fin du paragraphe 52 du Livre deuxième : « Les pères conscrits lui décernèrent les ornements du triomphe, distinction qui, grâce au peu d’éclat de sa vie, ne devint pas funeste à Camillus. » Combien ces deux lignes sont riches d’enseignement ? Que nous laisse-t-il pressentir ? L’envie d’abord qu’engendrait l’honneur suprême du triomphe ; la jalousie, la cruauté de la Rome de Tibère ; et l’insignifiance sociale du personnage honoré, Camillus… Tout cela suggéré, soufflé sans insistance, dans la plus pure tradition romaine du naturel, du mesuré, du non artificiel, de la gravitas… Il faudrait citer l’entièreté de l’ouvrage.

[Le chien de Dieu]

 L’auteur…

  • Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Homère, Sophocle et les roteux, par Alain Gagnon…

25 avril 2014

 Dires et redires

 Hier soir, l’humidité prégnante et les soucis domestiques m’avaient rendu fébrile. Nervosité, navire sans capitaine, pour paraphraser Les dialogues avec l’Ange. Je lis au moins deux heures avant de m’endormir. Aucun texte n’arrivait à retenir mon attention : Mallarmé, St-John Perse, Maurras, Barthes, Tchekhov… Rien ne m’allait ; les mots fuyaient devant mes yeux et ne m’apportaient aucun plaisir, aucun profit. Jusqu’à ce que mes doigts effleurent, puis ouvrent l’Odyssée d’Homère, dans la traduction de Bérard : « C’est l’Homme aux mille tours, Muse, qu’il me faut dire, Celui qui tant erra… » La magie a joué, à la première ligne. Je me suis retrouvé au centre de moi-même, de ma condition, interpellé par un auteur inconnu et incertain, qui aurait vécu il y a un peu moins de trois mille ans. Et c’est ça, la littérature.

(Le chien de Dieu)

*

Hier soir, lecture avant de m’endormir de l’Ajax de Sophocle. Actualité des tragédies antiques. Si on dépouille le texte des attitudes et vocabulaires héroïques, Ajax, c’est Monsieur-Tout-le-Monde qui vient de se laisser emporter par une passion. Bref, il vient de faire un fou de lui et il se demande comment recoller les morceaux en n’y laissant pas trop de sa dignité. « Ah ! Misère, misère de moi ! » Ses moyens nous paraissent extrêmes : ils sont en accord avec l’époque et le genre épique. (Tant de sparages pour finir en savon !)

OK.

OK.

Dans l’Antiquité, ces tragédies, ainsi que l’Iliade et l’Odyssée qui les sous-tendent, servaient à former les nouvelles générations ; ces œuvres étaient à la fois guides et clés vers le monde intime et le monde social. Il est facile d’en faire les gorges chaudes, leurs extravagances langagières les ouvrent à toutes les moqueries. Mais nous les avons remplacées par quoi ! Quelles sont nos clés initiatrices en nos siècles de lumière ? Peut-être ceci. Sur une chaîne télévisuelle américaine : un petit bar de familiers dans une ville modeste ; trois ou quatre sexagénaires pansus sirotent leur bière favorite ; un jeune homme entre et se dirige vers le comptoir ; le barman l’interroge du regard ; les avachis l’observent, inquiets ;   le jeune homme lève le doigt et… (suspense !) il commande la « bonne » bière, c’est-à-dire celle que boivent les vieux morons. Leurs visages s’épanouissent, ils hochent la tête, approuvent : ce juvénile est devenu un homme ; il connaît sa bière, il connaît son rang, on peut lui faire confiance, l’accepter dans le clan des « roteux »… Civilisation d’OK !

Comme clé initiatique, je préfère l’Odyssée -Mind you !

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Stendhal et lectorat, par Alain Gagnon…

19 avril 2014

 Dires et redires…

Cette remarque d’un de mes professeurs me revient : « Vous aimez les biographies, jeune homme ? Vous aimez vivre par procuration. » Lui, évidemment, ne lisait que du très sérieux : romans et, surtout, ouvrages pompeux et pompiers sur les théories littéraires. Ce n’est pas cette conversation qui a mis fin à notre amitié maître-étudiant. Quelques semaines plus tard, je lui annonçais avoir acquis La Chartreuse de Parme. Il rétorque : « Avant de le lire, vous devriez prendre connaissance de l’ouvrage d’un tel sur les défaillances au lit de Stendhal, l’article d’un tel sur la prose stendhalienne et le beylisme… »

Et moi, de répliquer : « Vous ne pensez pas que je devrais d’abord aller au texte ? » Il m’a regardé comme si j’étais le dernier des demeurés.

(Le chien de Dieu)

*

Message d’une passionnée de littérature. Elle me félicite de persister à écrire de vrais romans, de ne pas sacrifier aux modes, de ne pas chercher à plaire à l’institution littéraire… J’espère que ma réponse ne la décevra pas trop :

On ne félicite pas quelqu’un parce qu’il a les yeux verts, mesure 2 m ou a les cheveux roux. Il est idiot de féliciter quelqu’un qui vient de gagner à la loterie. On peut être content pour lui, mais on ne le congratule pas : il n’y a là que chance aveugle -aucun mérite.

J’écris les livres que j’aimerais lire ou que je peux écrire. Croyez-moi, je me souhaite un lectorat plus large, ne serait-ce que pour avoir plus de poids auprès des éditeurs. Je ne fais vraiment pas exprès. Si mes textes déstabilisent ou déconcertent, je n’y suis pour rien : je ne saurais écrire autrement, je suis fait comme ça.

Continuez à me lire quand même.

J’y suis peut-être allé un peu fort… Étant donné mon lectorat restreint, chaque lecteur représente une perle rare, un client précieux à ne pas froisser.

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Nord, cocktails et Sagas, par Alain Gagnon…

10 avril 2014

Dires et redires…

Jean Ray

Jean Ray

Dehors, -30 degrés Celsius. L’assaut du froid ; assiégé par le froid. Tout tourne au ralenti ce matin -dans mon cœur et dans ma tête. Le style s’en ressent. Le Nord, c’est le froid, la glace, les brouillards, les pluies froides et interminables en automne, les alcools forts… Ça donne les Sagas, Kierkegaard et… Jean Ray !

(Le chien de Dieu)

*

Un début de roman, de nouvelle, de récit… (je ne sais trop) m’obsède depuis hier soir :

Entre la rutilance des glaces et le bar, elle trône, championne ès cocktails. Toutes catégories. Ne lui demandez pas un Singapour, un Zombie, un Daiquiri, un Martini, un White Russian, un Black Russian, un Gimmlett, un Pancho Villa (avec ou sans poudre à fusil), un Requiem, un Manhattan…, elle vous regarderait avec mépris. Laissez-la vous observer, laissez-la créer. Selon la bouille du client, elle mélange, agite, combine, pile la glace, mousse, panache et coule, puis pourvoie la fusion qui convient à l’état d’âme du buveur, aux configurations de sa personnalité.

 De ces remugles fictionnels qui hantent et appellent des suites qui ne viennent pas toujours. Des embellies dans la grisaille ou des anomalies dans la trame banale de l’imagination ordinaire.

Psyché, Psyché… Anima, quoi t’anime ? Qui t’anime ? Reine et maîtresse des discours que les doigts cherchent au clavardage matinal. Cette Schéhérazade intérieure se taira-t-elle un jour ? Alors commencerait la véritable tragédie.

Car c’est une drogue, n’en doutez pas. Une folie itérative, ubuesque, bancale souvent, que cette hémorragie de mots qui, auparavant, noircissaient des pages et des pages, et qui, en ces années PC, bleuissent l’écran devant mes yeux qui se plissent, qui auraient besoin de verres correcteurs contre la presbytie – soulagement que je leur refuse pour des raisons obscures…

(Le chien de Dieu)

sheherazade

Schéhérazade

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Tempête, poésie, kir et Laclavetine, par Alain Gagnon…

28 mars 2014

Dires et redires…

Tempête.  Vent, neige.  Contre le blanc, frotté de gris par les rafales, les aiguilles du pin oscillent…Lire-H-1

Poésie : toujours en deçà de ce que suggère le texte.  Je ne parle pas que de mes seules insuffisances.  Ronsard, Villon, Éluard, Aragon, St-John Perse…  Le poème qui vaut est liminaire.  Il se tient à la frontière, indique qu’il y a, au-delà de ce que peuvent les sens, de ce que peuvent les mots, un indicible sublime qui chatoie.  Toujours, nous errons à la limite de ce désert, un pied sur l’erg, l’œil fouailleur sur ces dunes que l’horizon avale.

Auteurs ou lecteurs, jamais nous ne pénétrerons plus avant dans ce territoire de désarroi et de fous appels, de fous espoirs.

Regard par la fenêtre hachurée de givre, striée de flocons : …l’arbre est un événement de lumière au centre de la clairière…  (Rime interne à éliminer.  Dommage.)  Regard sur ce verre où le froid trace fééries, correspondances, analogies, anagrammes crissant de la glace.

Des enfants sortent d’une représentation théâtrale : les spectateurs, ces acteurs qui ont payé le privilège de jouer.

Et le kir réconfortera le cœur de l’homme au centre de son nulle part.

(Le chien de Dieu)

*

Premiere-ligne-177x300Jean-Marie Laclavetine.  Un nom pas facile à se remémorer.  Pas banal.  Pas banal non plus, son roman : Première ligne.  Le personnage central est éditeur.  Une petite maison qui veut promouvoir la vraie littérature.  Donc, peu de moyens.  L’éditeur étouffe sous les arrivages quotidiens de manuscrits.  En majeure partie médiocres, insipides.  Et il rencontre les auteurs.  Même les refusés.  Celui de Zoroastre et les maîtres nageurs sort un revolver et se suicide devant lui.  En complicité avec Justine Bréviaire, une autre refusée, la veuve du suicidé cherchera vengeance.

Un roman pour écrivains ou éditeurs.  Un roman pour tous ceux qui virevoltent dans l’entourage de la production littéraire.  Comme auteur et lecteur de manuscrits, j’y ai reconnu plusieurs tares, plusieurs tics, y ai ri parfois pour ne pas pleurer.  Un roman d’initiés.  Bien léché.

Une forme qui peut dérouter : absence de guillemets et tirets -les dialogues intercalés dans le texte, entre descriptions et commentaires, pourraient égarer : ce n’est pas le cas).

Une phrase : « L’écrivain est un géant aveugle qui ouvre des routes. »  On en trouve plusieurs du genre.  Il ne s’agit pas d’un roman inutile.

(Le chien de Dieu)

L’auteur…

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Thomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

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Lovecraft, lieux et mer, et Faulkner… par Alain Gagnon

30 août 2013

Dires et redires….

Topophilie : l’amour des lieux.  Les écrivains du fantastique sont généralement de grands amoureux de lieux très précis.  Souvent, je me suis demandé si la cosmogonie yog-sothothienne et les intrigues parfois alambiquées de Lovecraft n’étaient pas, chez lui, simples prétextes à arpenter les paysages écartés de la Nouvelle-Angleterre.  Il décrit les gorges obscures, les torrents dévaleurs d’à-pic, les chemins ombrés et les vieilles fermes au toit défoncé avec un tel luxe de détails, une telle insistance, qu’on peut se demander si la poésie des lieux perdus de l’hinterland n’est pas son motif inavoué – un poète qui se sentirait obligé de faire de la prose pour publier.  Même phénomène chez Jean Ray.  Dans des décors différents, plus urbains, ou alors franchement maritimes.  Une complaisance dans la description des rues anciennes, des vieilles demeures, de ces tavernes où matelots et voyageurs viennent se remplir et déverser leur trop-plein depuis des siècles…

Au fond, j’ai écrit La langue des Abeilles et Le ruban de la Louve pour me promener, en imagination, dans les paysages de mon enfance.  On retrouve des lieux dans tous les genres.  Mais l’essence même du fantastique permet de retourner le paysage, de lui faire cracher ses intérieurs.

Ce matin, adieux au fleuve.  Demain, départ.  Retour en août.  Que m’apporte donc l’eau salée ? À quoi je songe lorsque je pense à la mer ? Marées, cris d’oiseaux, mort, couchers de soleil fantastiques et, surtout, cette odeur d’iode, je me répète, qui est celle du sexe de la femme.

(Le chien de Dieu)

*

1101390123_400(À propos de Faulkner…)  C’est ça, la littérature, messieurs, dames : la jouissance acide de l’écriture et de la lecture.  Ce n’est pas gentil ni salonnard.  Ce n’est pas délicat, ni convivial, ni syndical, ni patronal, ni politiquement correct, ni un texte bref pour professeur-auteur : c’est la pénétration brutale des multiples strates de la réalité, sans ménagement.  Difficile à placer dans le réseau de connivences qui souvent remplace l’institution critique en Terre-Québec.

(Le chien de Dieu)

Notice biographique

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Tomas K (Pleine Lune, 1998). Trois de ses romans sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004) et Le truc de l’oncle Henry (2006). Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011). En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010). Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan et Cornes (Éd. du CRAM) et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue. Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche (https://maykan.wordpress.com/).

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Phases qui ont des pieds et des mains, par Alain Gagnon…

16 août 2013

Dires et redires…

Une lectrice, présente à un de mes exposés, m’écrit : « Vous employez souvent l’expression phrases qui ont des pieds et des mains.  Ça signifie quoi pour vous ? » La question arrive à point, j’ai sous les yeux deux exemples de textes illustrant la portée que je donne à l’expression.

D’abord, un extrait de Terrasse à Rome de Pascal Quignard : Meaune répondit : « Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps.  On cesse de voir la vie vivre.  On voit le temps qui est en train de dévorer la vie toute crue.  Alors le cœur se serre.  On se tient à des morceaux de bois pour voir encore un peu le spectacle qui saigne d’un bout à l’autre du monde et pour ne pas y tomber. »

Et cette phrase dans Essais et conférences de Martin Heidegger : La nostalgie est la douleur que nous cause la proximité du lointain.

Ce sont là des phrases qui n’abandonnent pas le lecteur allège.  On en ressort chargé de sens, d’une intuition acerbe, d’une compréhension nouvelle de soi-même et du monde.  Ce sont des phrases utiles, qui ne sont pas là pour remplir du blanc ou fabriquer des joliesses, mais qui préparent à la réflexion ou à l’action.  Mon grand-père avait l’habitude de dire des intermédiaires – de ceux qui ne sont pas rattachés directement à la production de biens ou de services – que c’étaient là gens sans pieds ni mains. C’est de lui que je tiens l’expression et la notion.  On en trouve peu, de ces phrases, même chez les meilleurs auteurs.  Comme l’alcool ? On ne le boit jamais à l’état pur.  Un texte de deux cents ou trois cents pages de phrases avec pieds et mains serait par trop indigeste, rendrait malade, rendrait toute lecture impossible ? (Cioran ?) À moins que tous les textes ne contiennent potentiellement que des phrases avec des pieds et des mains ? (Auteurs et lecteurs ne les percevant qu’en de rares occasions ?) La phrase qui offre pieds et mains résulterait de cette rencontre entre un bon auteur et un bon lecteur, dans un moment privilégié du texte ? Dans un moment privilégié de la lecture-écriture ?

(Le chien de Dieu)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)


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