La voie : mode d’emploi…
« Certaines personnes peuvent voir clairement que l’esprit est lucide et pur, comme un miroir poli. D’autres doivent pratiquer un an et alors leur esprit devient lucide et pur. D’autres encore ont besoin de trois à cinq années de pratique avant d’atteindre lucidité et pureté. Ou encore certaines personnes accèdent au satori suite à l’enseignement d’une autre personne. Enfin, certaines d’entre elles peuvent atteindre l’illumination sans qu’on ne leur ait jamais enseigné quoi que ce soit. »
Traduction libre d’un propos de Tao-shin (580-651)
Le zen m’intéresse. Depuis des décennies, j’accumule les lectures de bouquins et d’articles sur ce sujet évanescent, mais en vain !
Le zen m’échappe : il est élusif.
J’ai fréquenté, au fil des lectures, plusieurs maîtres très diserts à propos de ce qui pave la voie, mais de l’itinéraire lui-même, je n’ai rien appris. A beau chercher qui veut, les circonlocutions finissent par décourager le plus acharné des curieux.
Dès qu’un texte zen se révèle prometteur, une petite mention finit toujours par venir gâcher le plaisir : le zen ne peut se transmettre que de cœur à cœur. Il faut un maître qui, sans l’usage des mots, saura vous faire percevoir l’essence même du zen, et si d’aventure il prend au maître la fantaisie d’user du langage, ce sera bien sûr celui crypté et frustrant du kaon insoluble.
Si tout cela n’était que fausses représentations ? Si, imaginons la chose un instant, toutes ces assertions à propos du zen n’étaient qu’une marque de cet humour féroce qui a fait la réputation de plus d’un maître de la Voie ?
Le zen, après tout, n’est que méditation assise… Pourquoi faut-il donc un maître comme guide quand simplement s’assoir conduit à méditer ? Pourquoi s’empêtrer d’une somme de connaissances livresques afin d’aller de l’avant ? Pourquoi ?…
Je m’égare. Le zen produit toujours cet effet sur mon esprit. Puisqu’il est élusif, je me lance à sa poursuite sans jamais parvenir à le cerner ou l’appréhender… du moins à l’aide de mon intellect.
Les seuls instants, où j’approche la substance même du zen, se manifestent à travers cette posture immobile qui me procure une réelle assise pour observer… pour observer quoi au juste ? L’agitation de mon esprit ? Ces milliers d’idées parasites qui encombrent mon cerveau ? Le souffle régulier qui rythme mon immobilité par tranches de vingt secondes ?
Me revoici lancé aux trousses de l’innommable, de l’indicible. Le satori ne m’intéresse pas… je laisse à d’autres la recherche de l’illumination ou de la révélation. J’abandonne les études bouddhiques, trop incertain du véritable statut dissimulé sous la dénomination de Bouddhisme : système philosophique ou religieux ?
Plus j’avance vers le zen, plus je me dépouille de toute attente… mais cela même ne constitue-t-il pas une stratégie pour me rapprocher de cette essence que je ne parviens jamais à cerner ? Pas d’attentes… c’est un faux pas de plus dans la mauvaise direction ! Je m’y perds de nouveau.
Je suis ici. J’écris. Je force les mots à l’impossible tâche de faire signifier le non-sens alors que là, tout près de moi, il y a mon zafu.
Le coussin de méditation repose, paisible, occupé à exister alors que moi, je m’occupe à des choses sérieuses qui ne sont jamais que du temps perdu à oublier d’être.
Être… exister.
J’abandonne ce texte ici : le zafu m’attend.
Notice biographique :
Michel Samson nous parle de voyages et d’Asie… dans ses Chroniques asiatiques…
Il est est né et a grandi à Arvida. Après un bac en Littérature française à l’UQAC, il a poursuivi des études littéraires (maîtrise) à l’université Laval. Les hasards de la vie ont fait qu’à vingt-quatre ans, il se retrouve enseignant au collégial. C’est un passionné du métier. Très vite il lui est apparu que parler de littérature à ses élèves demeurait insuffisant si la pratique ne l’accompagnait pas. Ateliers d’écriture, cours de production littéraire et d’écriture dramatique se sont donc succédé. Il a également collaboré à l’écriture de plusieurs pièces de théâtre pour différents organismes et touché à la mise en scène. Si de nombreux facteurs ont contribué à forger son style (travailler avec les étudiants, assumer la tâche de maître de jeux de rôles, etc.), les voyages se sont avérés un puissant déclencheur du besoin d’écrire : par le biais du journal de voyage d’abord, mais surtout par l’élaboration de textes subséquents afin de figer les souvenirs, un peu à l’imitation du photographe qui fixe l’instant sur un support. Voyages en Europe et, surtout l’exploration d’une Asie qui le fascine, où il se sent chez lui. C’est ce monde lointain qui fraie son chemin à travers ses mots, comme malgré lui. Il se considère un intermédiaire privilégié d’une autre façon d’être, de penser et de se réaliser : au lecteur le soin d’y trouver un sens, le sien, et de le plaquer sur des mots qui maintenant lui appartiennent.
Il a publié Ombres sereines, un magnifique recueil de récits immobiles à la Grenouille bleue, en 2009. Cet ouvrage lui vaudra d’ailleurs le Prix de la catégorie découverte, au Salon du Livre (SLSJ) en 2010. Et il vient de publier Le livre des dragons noirs aux Éditions Porte-Bonheur.
Il tient également un blogue de haute qualité dont voici l’adresse :http://ombressereines.wordpress.com/