Yvon Paré nous parle de Danielle Dussault…

23 juin 2017

Danielle Dussault nous bouscule encore une fois

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecUne île près de la côte américaine, un lieu où les éléments font la loi, un refuge pour ressasser des secrets qui marquent la vie et bousculent les existences. Du gris, du noir, des ombres partout, des paysages tourmentés qui reflètent l’âme des personnages. William a toujours été seul dans sa tête et son corps. Il a connu le Vietnam et reste incapable d’aller vers l’autre, même s’il accueille des visiteurs dans sa grande maison qui ressemble au désastre qu’est sa vie. Danielle Dussault possède les secrets des romans troublants qui nous poussent dans des zones que peu aiment fréquenter.

Les lieux et les éléments sont toujours très importants chez cette écrivaine. Ce sont des personnages qui imprègnent les drames qui rongent l’existence. Toujours un monde troublé par les agissements des hommes et des femmes, des secrets qui bousculent leurs héritiers.
Anderson’s Inn est un refuge pour les visiteurs qui viennent y trouver la paix et le silence. Un lieu prisé par les peintres qui cherchent à voir au-delà du réel et des apparences. Un endroit sauvage, secoué par les vents qui arrivent du large et peut-être aussi par les folies humaines. William dirige l’auberge de son père, un officier de marine rigide et intransigeant. Les guerres ont cassé les deux hommes. Qui revient intact et souriant de ces massacres ? Plus, le fils a été traumatisé par ce père qui l’enfermait dans des ruines où il a cru mourir plusieurs fois. L’on est ce que l’on vit.

Il redoutait et affectionnait à la fois cet endroit qui continuait de le fasciner. Il aimait les hautes herbes qui se balançaient sous la brise. Les bâtiments vidés du cri des hommes. Les nénuphars qui poussaient silencieusement dans les étangs remplis de couleuvres. Marcher sur les socles de ciment cassé. En même temps, il aurait voulu fuir ce lieu, mais il y revenait, en dépit de tout, comme on retourne vers ce qui est dévasté, vers ce qui ne peut plus, de toute évidence, être réparé. (p.25)

Une terrible solitude malgré les visiteurs et ce père militaire omniprésent que l’âge casse dans ses certitudes. Comme si le temps finissait toujours par calmer les paysages les plus sauvages et les humains les plus coriaces.
J’avoue avoir hésité au début de ma lecture. Pourquoi cette incursion en terre étasunienne ? Une certaine impression de déjà vu peut-être. Je craignais surtout que Danielle Dussault me pousse contre le mur.

William Anderson n’approchait les femmes que dans l’imaginaire, une virtualité qui le laissait sur sa faim. Il aurait voulu toucher une femme réelle, une femme de chair. Le corps ne se contentait plus d’images. Il se lassait d’être pris au piège de scénarios aussi inaccessibles qu’improbables. (p.19)

Enfance

Tout vient de l’enfance, je le répète souvent dans ces chroniques, les premières années qui débordent dans la vie de l’adulte. Les lieux aussi, les maisons qui recèlent tous les secrets. Tout ce qui tourmente William est là dans cette auberge, dans les chambres où il est possible de faire des nœuds dans le temps et de basculer dans la folie.
Et je me suis laissé happer par l’histoire d’Alice Joppek, alias Marianne Dupin, une Française qui a fui son pays pour devenir une autre. Phil, le père, tente de masquer les failles et les mensonges de sa femme. Peut-être aussi pour oublier les contorsions de son passé militaire. Et je me suis retrouvé dans une fiction ou réalité et mensonge se mélangent et se repoussent. Nous nous heurtons à l’identité, le soi qui peut être celui que l’on veut ou voudrait être, les dissimulations et les gestes inavouables qui reviennent toujours vous hanter.
Alice est d’ascendance juive. On connaît le sort des Juifs en France pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement a collaboré avec les Allemands pour déporter des populations. Délations, collaborations, lâchetés et mort atroce dans les camps de concentration. Alice trahit pour se sauver, usurpe l’identité de sa meilleure amie et la condamne à la mort. Marianne connaîtra une fin atroce en étant déportée à Dachau. Sa fille Éva échappe à la mort par miracle.
Alice croit bien devenir une autre dans sa nouvelle identité américaine avec la complicité de son militaire de mari. Une vie de mensonges et de négations. Les grandes et petites lâchetés restent pourtant et personne ne peut les effacer d’un haussement d’épaules. Comment échapper à son passé, oublier des décisions qui ont mené des gens à la mort ?

Je n’ai jamais accepté ce mélange serré de juiverie et de racines polonaises. Quelqu’un en moi était déchiré entre deux vies, écartelé entre deux pôles, paradoxe lancinant de mes appartenances. Au fond, je cherchais à devenir complètement française. J’avais la fantaisie de la pureté tout comme les Allemands et refusais ardemment de porter cette part d’ombre que mes origines m’avaient léguée. (p.77)

Éva, la fille de Marianne, devient une figure fantomatique qui traque la vérité. Peintre, elle se spécialise dans les portraits, perce les secrets les plus refoulés. Elle retrouve Alice Joppek, la responsable de la mort de sa mère, entreprend de la peindre. Pas pour se venger, mais pour qu’Alice se retrouve devant sa vérité, voit au-delà du masque et des apparences. Elle réussit à la surprendre dans sa vulnérabilité, sa culpabilité. Un tableau troublant que le père ne peut s’empêcher de contempler et qui fascine le fils. L’art est un révélateur. Le véritable art cerne ce qui est.

William et Éva ne peuvent que s’aimer au-delà de l’horreur. Ils sont la réparation peut-être, ce qui permet que la vie devienne possible. Ils sont marqués par le destin, fusionnent ontologiquement pour secouer le passé, les éléments du mensonge et de la fourberie. Ils le pourront par l’amour. C’est la seule manière.

Révélation

La voie artistique chez Danielle Dussault brise les masques et touche la vérité, l’être. Après avoiralain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecexploré le monde de la musique dans La partition de Suzanne, voilà que la peinture révèle l’être que nous cherchons souvent à dissimuler en empruntant des noms et des visages.
Il faut connaître le passé pour posséder le présent et surtout l’avenir. Rien n’est possible sans un passé qui dit ce qui est. Alice devant le portrait d’Éva se sait démasquée, comprend l’horreur de son geste. Ce visage, elle ne peut le regarder. Parce que les hommes et les femmes doivent devenir transparents comme l’eau du ruisseau pour connaître la paix peut-être.
Un roman fascinant, une langue magnifique comme toujours chez Danielle Dussault. Décors, ambiances, personnages étranges et troubles, secrets que l’on finit par percer, mystères et fièvres amoureuses. L’art arrache tous les masques. Bien peu malheureusement le comprennent à notre époque où la duperie est devenue l’outil du pouvoir et de la richesse, où la littérature est réduite au rang d’une chose futile que l’on peut ignorer dans les écoles.

Anderson’s Inn de Danielle Dussault est paru chez Lévesque Éditeur, 264 pages.

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Y’a toutes ces filles en moi… par Myriam Ould-Hamouda

20 juin 2017

Y’a toutes ces filles en moi…

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Y’a toutes ces filles en moi qui se crêpent un chignon imaginaire. Tous ces mecs qui jouent à qui pisse le plus loin. Y’a cet homme, aussi, assis, avec ses binocles trop petits pour son tarin avec son vieux costume gris, qui les regardent et ne dit rien ; il sourit. Dedans, c’est un bordel monstre, et, le con, il sourit. Et moi, je souris avec lui, tellement fort parfois que j’en ris. Mais maman, ça ne la fait absolument pas rire ce désordre, et souvent elle grogne un « va ranger ta caboche, une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! ». Alors d’un coup, j’ai mal au cœur. À cause de ce type qui sourit alors que maman a les larmes aux yeux ; à cause de ce bordel dans ma tronche où elle ne retrouvera jamais sa petite ; parce que, comme j’en ai besoin je suis infoutue d’y mettre un peu d’ordre. J’ai besoin de tous ces mecs en moi qui rient gras, de toutes ces filles en moi qui sortent les griffes, de ces mômes qui s’agitent dans tous les sens et braillent à chaque bleu au genou, de ces vieux de l’autre côté de la grille qui haussent les épaules sous leur large imper et disent comme ça « on a beau passer notre vie à courir, on est toujours coincé entre hier et demain ». J’ai besoin de ce bordel monstre, de tout ce bruit, de ces personnages qui ne me ressemblent pas, de ces vies qui ne sont pas les miennes, pour trouver le monde assez sexy pour en avoir envie, mais quand même un peu dégueulasse pour vouloir le refaire de temps en temps. Mais maman elle a mal au cœur parfois, quand elle me voit me débattre au milieu de mon capharnaüm, et souvent elle me fait une place sur son banc pour que je vienne me reposer cinq minutes et y voir avec elle la vie comme est belle. Mais, moi, je ne peux pas rester là même cinq minutes, je ne sais pas, avec l’impuissance de mes bras de petite fille, contempler les fleurs flétrir. Parce qu’au fond, à regarder fixement, que ce soit un tableau un poème un sourire, la huitième merveille du monde, ou ton reflet dans le miroir, à un moment donné l’image finit toujours par se déformer jusqu’à en devenir laide ; et à chaque fois, je me demande « mais putain, comment font ces gens qui s’échinent à vouloir exister dans un monde où tout est laid ? ». Alors, pour ne jamais les croiser, je plisse un peu fort des yeux pour que l’image ne se fige jamais vraiment et, quand j’ai trop mal au crâne à force d’y faire des plis je hisse les voiles, avec toutes ces filles en moi qui se crêpent le chignon, avec tous ces mecs en moi qui jouent à qui pisse le plus loin, avec mon désespoir qui, lui aussi, ça fait un bail qu’il ne tient pas en place sur son banc. Et, à chaque fois que je préfère lever l’ancre, elle me regarde partir avec dans mon sac mon bordel monstre, avec dans ses yeux ses larmes impuissantes de maman. Et moi, je voudrais juste cesser d’avoir mal au cœur comme ça, à chaque fois qu’elle ne voit pas comme le large me rend belle, et comme en fait je n’ai presque pas le mal de mer.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorité, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Écrire, c’est éprouver l’étreinte… Jean-Pierre-Vidal

19 juin 2017

Apophtegmes

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Rodin

 

291. — Si être toi-même n’est pour toi qu’une évidence et une facilité, c’est que tu es n’importe

qui.

292. — Écrire, c’est éprouver l’étreinte (et l’empreinte) de l’Autre. Commercer, c’est ne sentir que sa mauvaise haleine.

293. — L’affabilité, indéniable, des Américains, vient de leur conviction profonde que tout le monde peut devenir riche. S’ils savaient que celui à qui ils parlent ne le deviendra jamais ou, pire encore, n’a pas l’intention de tenter d’y parvenir, ils lui voueraient le même mépris de fer que celui dont ils poursuivent les intellectuels, les artistes et tous ceux qui sont revenus du rêve américain.

294. — Nous sommes tous plus ou moins des Shéhérazade au petit pied, qui payons notre traversée avec des histoires toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Nous appelons ça la vie. Et les histoires les plus folles, celles que nous n’osons raconter qu’à nous-mêmes, nous avons la faiblesse de croire qu’elles disent notre vie.

295. — Les vrais photographes sont ceux qui savent mettre un regard à un visage. Parfois, il est vrai, l’entreprise est désespérée.

296. — Le cerveau, c’est comme les muscles, ça s’entretient. À condition d’en avoir.

297. — L’évidence est la science des faibles et la religion des pressés.

298. — C’est le destin des fils de toujours rater leur père. Et quand il est trop tard, ils retrouvent un beau matin, en se rasant, ses traits étonnés dans leur visage vieilli.

299. — La médiocrité n’est presque jamais une faiblesse ou une démission individuelles, c’est le plus souvent une complaisance collective. Mais pour nous désormais, c’est devenu une exigence. La seule qui nous reste. Parce que c’est, au fond, une exigence commerciale.

300. — De nos jours, l’âme est un tic nerveux. Chez certains, ce n’est même qu’une démangeaison.

301. — L’idéal de la Renaissance était l’homme universel, ouvert sur le monde et attentif aux autres, toujours soucieux d’ajouter à ses connaissances et visant, même s’il savait ne pas pouvoir l’atteindre, la totalité du savoir humain. Le projet avéré de notre société du néant humain dans la pléthore quasi infinie des choses, c’est l’homme particule, poussière de masse qui n’est même plus ce qu’on appelait autrefois un « particulier » et qui de l’universel, comme d’ailleurs de l’univers, ne veut strictement plus rien savoir.

302. — Quand on a réussi à surmonter un dégoût, il risque fort de devenir une manie. C’est peut-être le secret de l’érotisme. Et c’est aussi, à l’inverse, ce qui nous dit que toute profanation est un acte d’amour.

303. — Comment diable éviter le « meuh » des « je t’aime » chantés ? En ne les plaçant jamais en fin de vers, bien sûr. Toute relation amoureuse devrait se souvenir de cette leçon phonétique qui fait des paroles qui traînent un soupir de bovin. Il faut dire « je t’aime » en ouverture et broder une variation ou passer à autre chose. Sous peine de traite et d’abattoir à plus ou moins long terme.

304. — Le peuple autrefois était un peu plus qu’une classe sociale, l’idée de sa puissance. Ce n’est désormais qu’une cote d’écoute ou une mesure de masse. Avec une panoplie maniaque de droits, pour faire bonne mesure et forcer l’écoute des réticents attardés.

305. — Le pire dans l’enfer ou le paradis, ce n’est pas la souffrance ou la béatitude, c’est l’éternité. La brièveté de la vie est, somme toute, un bienfait, car tout ce qui dure vraiment finit par indisposer.

Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitaireschat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, québec, littératurequébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le laJbyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtcCiel VariableZone occupée).  En plus de cette ChroJnique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

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Le souffle des mots, un texte de Jean-Marc Ouellet

18 juin 2017

Le souffle des mots

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Une chaise. Lui, il est assis. Ou elle. L’inspiration n’a pas de sexe. Un écran. Une page blanche. Pour l’instant.

Il est malaisé de trouver le sujet du siècle, celui qui intéressera et séduira la masse. Plutôt improbable. Ou impossible. Il est corsé d’écrire la première ligne, celle qui déclenchera l’avalanche de mots. Plus souvent, les phrases et les tournures suivent, mais exigent labeurs et résignation. Les doigts s’agitent, hésitent. L’esprit tranche.

La pensée est complexe. Elle découle du vécu, des paroles entendues, des actions accomplies, des expériences ressenties. La pensée évoque le passé et s’impose dans l’instant. La vie crée l’idée. On appelle ça l’inspiration quand vivement les pixels en résultent, visibles par l’œil aguerri, compréhensibles par l’esprit avisé. Sinon ? Le doute investit les neurones, le goût de fuir la chaise et l’écran déchire.

On n’attend pas l’inspiration. On l’accueille. En soi, une brise s’élève, un souffle actionne les doigts. Les yeux se lèvent, inspectent, approuvent, ou rejettent. L’inspiration vient, comme ça, au moment propice, ou inopportun. L’idée est là, elle germe dans les neurones, se laisse désirer. Soudain, paf ! Elle atteint droit au cœur. Car sans inspiration, le cœur ne peut rien, et l’âme attend. Comme dans la pratique du zen, il ne faut surtout rien brusquer. Rester libre, voilà ce qu’il faut. Vider l’esprit des distractions et des tensions. Être alerte sans le vouloir. L’idée s’imposera, les mots apparaîtront. L’urgence inhibe l’inspiration. Il y aura les mots, mais le cœur, lui, où sera-t-il ?

L’inspiration, c’est souffler les mots parfaits, sans vraiment comprendre pourquoi ils sont là. C’est le courage de s’asseoir là, sur cette chaise, devant cet écran, et de laisser aller l’esprit, et les doigts. C’est écrire un mot, un autre, une phrase, un paragraphe. Comme l’appétit qui vient en mangeant, l’inspiration vient en écrivant. C’est sourire devant une tournure, grimacer devant une autre, chercher la cooccurrence idéale, c’est écrire envers et contre tout, pour la joie des mots dits, non-dits et redits. C’est l’accident de déposer les bons mots sur une page vierge. Enfin, l’inspiration, c’est la modération, se retenir de ne pas tout dire d’un trait, en laisser pour demain, après-demain, etc. Ernest Hemingway disait : « J’ai appris à ne jamais tarir le puits de mon inspiration, à toujours m’arrêter quand il restait un peu d’eau au fond et à laisser sa source le remplir pendant la nuit. »

Je m’arrête donc. Pour la prochaine fois.

© Jean-Marc Ouellet 2017

Notice biographique

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Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, Jean-Marc Ouellet pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, il signe une chronique depuis janvier 2011 dans le magazine littéraire électronique « Le Chat Qui Louche ». En avril 2011, il publie son premier roman, L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis Chroniques d’un seigneur silencieux aux Éditions du Chat Qui Louche. En mars 2016, il publie son troisième roman, Les griffes de l’invisible, aux Éditions Triptyque.

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Yvon Paré nous parle de Nelly Arcan…

17 juin 2017

Nelly Arcan et la dictature de l’image

(Jeudi, le 17 janvier 2008)

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecDepuis l’avènement de la télévision, plus que jamais, nul n’est épargné pas la tyrannie de l’image. En politique, l’arrivée d’un jeune souriant et décontracté ébranle toutes les idées. Tous se précipitent! Les programmes politiques deviennent embarrassants, les convictions et les concepts surannés. Ceux qui questionnent le courant sont étiquetés «purs et durs». Il y a eu André Boisclair, il y a Barak Oubama. Qui sera le prochain?

Cette dictature touche particulièrement les femmes qui œuvrent dans les médias. Elles doivent demeurer séduisantes, aguichantes, adolescentes et se moquer du vieillissement. Le mythe de l’éternelle jeunesse s’est réfugié dans les studios de la télévision et du cinéma. Dieu manipule une trousse de maquillage et des éclairages savants. Que dire des comédiennes et des chanteuses interchangeables? La grande tragédie de ce siècle se trouve peut-être dans cette vénération de la représentation qui avale tout, qui masque les pires inepties.
Nelly Arcan est arrivée de nulle part dans le monde de la littérature. «Putain» et «Folle», ses deux premiers romans, ont fait saliver. Jolie, un tantinet «sophistiquée», elle a su jouer avec son image et soulever les fantasmes. Que dire de cette photo dans «L’actualité» lors de la parution de «À ciel ouvert». L’écrivaine apparaissait en petite tenue, dans un lit… Un cliché assez surréaliste si on se réfère à son ouvrage qui questionne cette manière de faire. Mais Nelly Arcand n’en est pas à une première contradiction.

Guerre de l’image

Rose Dubois. On pense à Blanche Dubois, le personnage de Tennessee William qui attire les hommes comme les papillons dans «Un tramway nommé désir». Il y a une certaine parenté en ce qui concerne la sexualité et la séduction.

La Rose Dubois d’Arcan est née à Chicoutimi où il y a «sept femmes pour un homme». Une fable qui a la peau coriace. Rose travaille comme styliste de mode, dans un milieu où l’on vit et périt par l’image. Elle doit rester jeune coûte que coûte, faire fantasmer le plus longtemps possible en recourant à la chirurgie. Le corps, maintenant, la médecine peut le modeler selon les humeurs de la saison.

Frontières

Mais jusqu’où aller dans cette métamorphose du corps, cet enfermement des femmes dans un moule où la «signature du chirurgien» est perceptible? Femme reconstruite, remodelée jusque dans leur sexe.
«L’acharnement esthétique, soutenait Julie, recouvrait le corps d’un voile de contraintes tissé par des dépenses extraordinaires d’argent et de temps, d’espoirs et de désillusions toujours surmontées par de nouveaux produits, de nouvelles techniques, retouches, interventions, qui se déposaient sur le corps en couches superposées, jusqu’à l’occulter. C’était un voile à la fois transparent et mensonger qui niait une vérité physique qu’il prétendait pourtant exposer à tout vent, qui mettait à la place de la vraie peau une peau sans failles, étanche, inaltérable, une cage.» (p.99)
Illustration dramatique de certaines femmes qui cherchent à capter l’attention du mâle par tous les moyens. Une guerre qui ne peut que mal finir.
«Elle voyait dans Julie l’être idéal qu’elle n’était pas et qu’il lui aurait fallu être, face à Charles bien sûr mais aussi face aux autres hommes qui tendaient tous selon elle vers la Femelle Fondamentale, vers une sorte de modèle inscrit depuis le début des Temps dans leur sexe et vers lequel ils marchaient, patron à même ADN qu’ils suivaient de leurs érections, comme un seul homme.» (p.117)

Écriture

Si le questionnement de Nelly Arcan est fort pertinent, l’écriture gâche un peu la sauce.alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec
«Charles regardait Julie toujours à son goût parce qu’il ne savait pas, à cause des poids échangés et de conseils donnés, à cause de l’échange officiel des prénoms, s’il devait la saluer. Julie regardait les grands pots de glaces et Charles regardait Julie, parce qu’elle était toujours à son goût, oui, mais surtout pour expédier le salut, pour remplir la tâche d’être poli.» (p.34)
Magnifique charabia! J’ai recommencé deux fois «À ciel ouvert» tellement ce salmigondis me hérissait. Les chapitres qui s’amorcent tous par une même description du ciel de Montréal et des nuages finissent par faire hausser les épaules.

«À ciel ouvert» de Nelly Arcan est paru aux Éditions du Seuil.

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.


Lipstick rhapsodie, un texte de Clémence Tombereau

16 juin 2017

Lipstick rhapsodie

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Je suis sur ses lèvres. Le matin et plusieurs fois par jour. Comme un mot en attente, qui ne dépasse pas cette frontière ténue entre l’esprit et le dit. Sur ses lèvres. Je sais bien que je ne suis pas le seul, qu’elle m’est infidèle, que la nuit, ou d’autres jours, d’autres que moi se posent, dociles, au même endroit.

Je connais bien sa bouche, qu’elle n’aime pas. Je connais les regards qui se posent dessus lorsqu’elle parle ou pas. Je connais le désir qui passe là, provenant de cette bouche, arrivant sur cette bouche.

Je colore cette bouche car elle la veut ainsi, comme pour la protéger, comme pour l’améliorer, la rendre visible. Bouche phare guidant ses paroles autant que les regards. Comme si j’y pouvais quelque chose, moi, à sa timidité, à sa difficulté, fréquente, à prendre la parole. Prendre. La parole.

Je suis son garde-fou, je suis son garde-bouche.
Sa voix irrégulière est parfois inaudible. Comme si, moi, sur ses lèvres, je pouvais améliorer les choses. Donner de la confiance à ces mots, à cette voix qui passe comme un souffle agréable, vent chaud et résonnant.

Ses mots passent par moi avant de se jeter, insolites, dans le vide monde. Monde à bouffer. Monde à embrasser. Elle protège sa bouche pour se protéger, elle.
Elle s’applique pour m’appliquer. Je glisse, je m’étale, n’ayant d’autre objectif, finalement, que de la rassurer sur la valeur probable de ce qu’elle prononce ou de ce qu’elle montre. Elle me donne vie, je lui donne courage.

Je suis sur ses lèvres, elle s’apprête à parler et j’en frémis d’émoi.

Notice biographique

Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan.  Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revuealain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec littéraire Rouge Déclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai (Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes.  Récemment, elle a publié Débandade (roman) aux Éditions Philippe Rey.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


À l’heure où l’aube… Claude-Andrée L’Espérance

15 juin 2017

Ma traversée du pays fantôme

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Sans y être

À l’heure où l’aube s’invente à petites touches de lumière

je joue à enfermer la mer dans une petite boîte noire

je suis ici

sans y être

occupée à saisir

ce que mes yeux ne voient pas

Notice biographique

 Claude-Andrée L’Espérance a étudié les arts plastiques à l’Université du Québec à Chicoutimi.alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec Fascinée à la fois par les mots et la matière, elle a exploré divers modes d’expression, sculpture, installation, performance, jusqu’à ce que l’écriture s’affirme comme l’essence même de sa démarche. Parmi ses plus récentes publications, on note : Carnet d’hiver (2008), un récit publié à compte d’auteur ; Les Tiens (2012), un roman paru chez Mémoire d’encrier ; et  L’âme des bêtes  et autres histoires… (2015), un recueil regroupant une trentaine de ses billets publiés sur le Web au magazine littéraire Le Chat Qui Louche. Installée aux abords du fjord du Saguenay, en marge d’un petit village forestier et touristique, elle partage son temps entre ses deux passions, l’écriture et la photo.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Dominique Blondeau nous parle de Marie-Pascale Huglo…

14 juin 2017

Voyage d’une âme errante *** 1/2alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Pour répondre à la question de plusieurs lectrices et lecteurs assidus, on aimerait écrire plus de critiques, en publier davantage. On ne le peut, d’autres engagements professionnels parcellisent notre temps en plages extrêmement occupées. Et comme pour tout un chacun, le quotidien exige qu’on lui réserve sa part de besogne, sans pour autant le réduire à une corvée insipide. On regrette de ne pouvoir faire mieux. On parle du dernier roman de Marie-Pascale Huglo, La fille d’Ulysse.

De retour d’un voyage tumultueux qui aura duré six mois, une jeune fille, légèrement boiteuse, écrit ce dont elle croit se souvenir. Elle vit sur une île innommée sur la carte du monde, avec Leena, sa sœur jumelle « dissemblable ». Le jour de leur seize ans, la mère les a mises à la porte, décrétant que ses filles étaient suffisamment affranchies pour vivre seules. Elles sont couturières et bâtardes. L’une rêve d’orfèvrerie, l’autre d’une librairie. L’adolescente largue Nolan, premier amant maladroit, s’empare de sa bicyclette, d’une pile de livres — dont l’Odyssée d’Homère —, de son passeport puis, pédale plusieurs heures pour rejoindre le « douanier-brigand » qui la fera embarquer sur un cargo de ravitaillement où voyagent plusieurs clandestins, ce qu’elle ignore. Après des jours terrifiants, enfermée à fond de cale, elle aborde un étrange continent qui se veut un monde nouveau. Une île surgie de l’océan, marécageuse, constituée de déchets. Comme il se doit, un gourou la gouverne, entouré d’adeptes savants venus analyser les substances mouvantes du terrain. Camille — prénom d’emprunt — fera la connaissance d’individus qui ne valent pas mieux que les touristes essaimant l’île natale. Un homme la subjuguera, Nil, dont elle fera son amant mais, très vite, elle découvrira qu’il la trompe avec Nelly, biochimiste. Peu scrupuleux, avec la complicité de Nelly, Nil utilisera Camille à une fin sordide. À la suite de cette trahison et d’une bagarre épique, elle décide de quitter ce lieu nauséabond. Le hasard la secourant, Camille échouera à Gênes avec un ancien volontaire italien, échappé lui aussi du continent neuf. N’étant pas au bout de ses peines, ni d’une flopée de péripéties, l’adolescente, tel Ulysse à son retour de Troie, doit se faire reconnaître de sa sœur Leena, de son ex-amant Nolan. Les événements se mettant en place, la vie reprendra timidement son cours, autant friable que le sol du continent neuf, englouti au fond de l’océan.

On ne donne ici qu’un bref résumé de cette histoire tourbillonnante, écrite sur fond d’incertitudes, au fil des souvenances malmenées de la narratrice. Nous savons que ce qui a été vécu, et narré plus tard, nous emporte dans une réalité discordante. Ainsi, mentionné discrètement à plusieurs reprises, se profile le père qui a abandonné la mère et les fillettes quand elles avaient deux ans. Si la mère l’a banni de son existence, Camille se rappelle sa blondeur, sa tendresse. Leena, préoccupée par ses amours éphémères, ne fait cas de cette absence parentale. Le désir de fuite de Camille la pousse à retracer l’ombre paternelle, prétexte à assouvir un manque d’horizon qui, une fois exploré, la fera grandir, la ramènera à son point de départ. Les voyages, aussi houleux soient-ils, ne signifient-ils pas faire le tour d’une chambre imaginaire puis, tourner en rond autour de soi ? Camille s’étourdira à se mirer dans le reflet évanescent d’un père irresponsable.

Nul n’a manqué de comparer ce roman au dernier de Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, les espaces marins internationaux étant sillonnés de voyageurs clandestins, à bord de bateaux de fortune ou de containers bien souvent meurtriers. Toutefois, la jeune fille dépeinte par Marie-Pascale Huglo s’en va découvrir le monde, guidée par une impulsion qu’elle ne sait contrôler, contrairement à Lisa, protagoniste féminin de Dickner, qui, aidée d’un génie de l’informatique, organise un périple, planquée dans un container spécialement aménagé. Le regard des deux adolescentes diverge sur les êtres humains, Lisa voulant leur échapper contrairement à Camille qui bouscule et dérange. Chaparde les bien-pensants de ce « bas monde », combat les entraves. Ne se dit-elle pas descendante de pirates ? Nyctalope, elle renifle les crapuleux desseins de ses semblables, s’en délivre en fracassant les apparences, en enfonçant les portes qui lui résistent. Les héroïnes de ces deux romans ont quelque chose en commun, à la Dickner, à la Huglo. Froideur analytique du premier, sensualité réaliste du deuxième. L’un est regard d’homme, l’autre regard de femme.

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecDe nombreux oxymores parsèment le récit de Marie-Pascale Huglo. Légèreté et gravité. Tendresse et violence. Rêves et cauchemars. L’écriture, à la fois baroque et savoureuse, diligente les ambitions de Camille. Celle-ci erre en fabulant malgré elle sur la quête du père, sur un avenir improbable. Pourquoi ne pas repartir visiter un monde palpable, un monde duquel elle s’évaderait si cela était possible ? L’humour constant de la narration dissimule à peine les grandes dispersions de notre univers moderne. Si une âme errante invite le lecteur à la suivre dans son questionnement, elle nous propulse au-delà de perspectives à notre portée, comme si le « continent neuf », offert aux pires convoitises, nous révélait que nous ne nous évadons de nulle part, que ce soit d’un container aménagé pour le mieux ou claustré à fond de cale d’un cargo de marchandises.

Si nous lisons ce roman au cours d’une croisière traditionnelle, l’authenticité de ses sentiments, embellie d’ardeurs lascives juvéniles, ses qualités littéraires, donneront au lecteur l’envie de sortir sa jumelle marine. Peut-être qu’au bout de l’horizon se dessinerait un cargo chargé de containers, avec à son bord deux adolescentes insoumises, en mal de tous les dépaysements…

La fille d’Ulysse, Marie-Pascale Huglo
Leméac Éditeur, Montréal, 2015, 216 pages.

Notes bibliographiques

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecInstallée au Québec depuis 1969, Dominique Blondeau, romancière et nouvellière, a été lauréate du Prix France-Québec/Jean-Hamelin pour son roman Un Homme foudroyé. Entre autres ouvrages, elle est aussi l’auteure de Les Feux de l’exilFragments d’un mensonge,Alice comme une rumeur, Éclats de femmes et Larmes de fond, ces cinq derniers livres publiés aux éditions de la Pleine Lune. En 2002, les éditions Trois-Pistoles ont édité son essai, Des grains de sel, dans la collection «Écrire». Elle a fait paraître des nouvelles dans plusieurs revues et collectifs et, en 1997, elle a été lauréate du Prix de la Meilleure Plume au concours XYZ. La revue de la nouvelle. Son treizième roman Une île de rêves a été publié en 2004 chez VLB éditeur. En 2008, elle a publié un recueil de nouvelles, Soleil et cruautés, dans Internet, sur le site Lulu.

Au début de 2012, elle publiait Des trains qu’on rate aux éditions numériques Le Chat Qui Louche. En 2007, elle a créé un blogue surtout consacré à la littérature québécoise, Ma page littéraire : (http://dominiqueblondeaumapagelitteraire.blogspot.com/)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche https://maykan2.wordpress.com/)


Veille de fête et nids de poule, textes de Marc-André Lévesque…

13 juin 2017

Veille de fête et nids de poule…alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québec

Veille de Fête. — Matin du 16 mai 2017, le gris est parti, en voyage vers de mauvais rêves. À la place, un ciel bleu, une montagne contente, des rues qui s’éclatent au soleil, des feuilles dans les arbres, les oiseaux qui montrent leur présence, de l’ombre. Ah ! l’ombre. J’avais oublié que j’en faisais (Aujourd’hui, j’irai vérifier). La veille du 375e de Montréal, tout s’est mis en place pour illuminer la fête. Tiens, je porterai peut-être un chapeau de paille pour me mettre sur la sellette, j’entends déjà les rumeurs provenant des vieilles pies de jardin qui, frustrées, diront : « Mais où va-t-il avec son vieux chapeau ? Il veut faire fuir les oiseaux ou quoi ? ». Je crois que, finalement, j’irai tête nue me faire voir par les rayons de soleil invitant, parce que rares. Les mains dans les poches, j’avancerai entre les ombres et la clarté en sifflant un air d’été.

Fête et nids de poule. — 17 mai, 15 heures. Il vente si fort que mes idées se sont envolées. Un Boeing 727 vient tout juste de les éviter au-dessus de Dorval. Même libres, les idées sont dangereuses. Un jour, quelqu’un qui en avait, qui ne les avait pas encore perdues, s’était présenté à la porte de la Ville. Poli, réservé, malgré cette responsabilité, Le Maire lui avait ouvert : « Vous savez vos fêtes de fondation de votre ville devrait être un moment pour amener les citoyens à développer cette histoire particulière, en devenant le patrimoine vivant, cette fête doit nécessairement être populaire. Pourquoi cet événement serait-il coûteux ? Au moment où tout est si difficile pour tous, ne serait-il pas venu le moment de dire à tous qu’ils sont importants, qu’ils constituent le cœur de la ville et, qu’à cet égard, ils sont partie prenante de cette belle histoire que cette ville et du pays », avait-il mentionné. Le Maire avait souri, il savait déjà que le destin de la fête avait été confié à grands frais à l’entreprise privée. Plus de 1 milliard, pourquoi ? Les nids de poule seront-ils comblés à ce prix ?

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecRetour du beau temps. — Après expérimentation, j’ai encore une ombre, donc je suis. Je suis les sentiers du beau temps, du bon temps qui nous échappe faute de réalisme. Je suis de souvenirs douteux d’époques lointaines qui ont émigré dans des têtes neuves. Je suis un serpent désenchanté qui se tient au fond d’un panier d’Inde, une flûte à ses côtés, le corps du charmeur gisant sur le sol. Je suis un carré d’as qui garde mes pas dans l’ombre que je suis.

L’auteuralain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québec

Né à Saint-Ulric, près de Matane, sur la rive sud du fleuve, j’ai été créé par les images de ce désert d’eau qui change de forme selon les saisons.  Je lancerai bientôt (le 23 novembre) Des mots sur des couleurs, mon premier recueil de récits, en collaboration avec l’artiste peintre Pierre Morin de Varennes qui appartient, tout comme moi, aux paysages de la Matanie, mon pays, mes amours.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


Yvon Paré nous parle de Mathieu Bock-Côté

12 juin 2017

Le questionnement nécessaire de Mathieu Bock-Côté

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecMathieu Bock-Côté est quelqu’un, je l’avoue, qui me déstabilise quand je le vois à la télévision. Cet homme parle plus vite que son ombre et me heurte souvent avec ses propos. Il défend ses idées avec âpreté, pour ne pas dire avec une passion qui peut étourdir.

Son passage à «Tout le monde en parle» m’a laissé perplexe. Rien pour me précipiter vers «Fin de cycle, aux origines du malaise politique québécois». Bel euphémisme que de parler d’un «malaise québécois» devant le comportement du premier ministre Jean Charest envers les manifestations qui reviennent comme les matchs de la coupe Stanley. Nous connaissons présentement une remise en question importante où des conceptions de la société se heurtent.
Pour le sociologue, la pensée qui a permis la Révolution tranquille au Québec doit être questionnée. Sinon, le Parti québécois risque de disparaître. Comment lui donner tord? Le taux d’insatisfaction envers Jean Charest atteint des sommets et les intentions de vote envers le Parti québécois stagnent.
Il a fallu que Gilles Duceppe soit mis en échec par une manœuvre qui semble douteuse pour que Pauline Marois se refasse une santé politique. La «femme de béton», après une embellie dans les intentions de vote, semble avoir du mal à se détacher même si le parti de François Legault a vécu une plongée vertigineuse.
Et que dire du «virage orange» qui a mis le Bloc québécois au rancart? Désir de changement ou fatigue d’entendre des discours qui se répètent?

Situation

Pour Mathieu Bock-Côté les gauchisants ont fait main base sur le nationalisme et ont tourné le dos au passé des Québécois. Le plus bel exemple de cette idéologie se retrouve dans le système d’éducation. L’égalitarisme s’impose au détriment des valeurs traditionnelles. La société multiculturelle de Trudeau se retourne presque toujours contre les francophones.
La droite de son côté considère l’État comme une entreprise et les hôpitaux comme un centre de villégiature. L’individualisme fait foi de tout au détriment du collectif. L’équilibre budgétaire devient un dogme de foi.
La Coalition pour l’avenir du Québec est l’exemple de cette vision «privée» de la société. Son programme politique se résume essentiellement à détruire certaines institutions.

Conservateur

Mathieu Bock-Côté affirme être conservateur tout en rejetant les idées de droite et les doctrines de certains gauchistes. Il revendique le nationalisme qui a permis au Parti québécois de René Lévesque de prendre le pouvoir en 1976. Ce dernier avait réussi à créer une coalition avec les créditistes et les radicaux qui venaient du Rassemblement pour l’indépendance nationale.
D’une certaine manière Mathieu Bock-Côté me démontre que je suis un tantinet conservateur même si les politiques de Stephen Harper m’horripilent. Comment peut-on approuver la légalisation du pillage des écrivains avec le projet de loi C-11? Conservateur parce que je me méfie des visions étatiques comptables et des approches transversales et latérales en éducation. Le but de ces réformistes: inventer une société égalitariste, laïque, permissive, ouverte, fourre-tout qui tourne le dos à notre histoire nationale. Une société qui oublie son passé et son histoire. Cela peut expliquer pourquoi la littérature québécoise est si peu présente dans les écoles. Table rase pour mieux s’assimiler et disparaître peut-être. Pourquoi pas l’enseignement de l’anglais à la maternelle tant qu’à y être?

Mythes

Mathieu Bock-Côté a le grand mérite de secouer des mythes et des idéologies qui peuvent mettre alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, québecen danger la survie des Québécois francophones. Il lance de bonnes questions. Doit-on tout brader au nom de la modernité?
Une réflexion importante dans une société en ébullition qui résiste à toutes les décisions du gouvernement Charest depuis quelques années. Que l’on songe au développement de l’éolien, aux gaz de schiste et au plan Nord, les élus ont dû ramer contre la volonté du peuple. Il y a certainement une fracture de plus en plus grande entre toute une population et ses représentants.
Chose certaine, nous vivons de grands bouleversements et le ton est donné, je crois, par la jeunesse qui cristallise ce ras-le-bol que pas un parti politique n’arrive à canaliser. Doit-on s’en réjouir ou s’apitoyer? Mathieu Bock-Côté s’élève au-dessus de la mêlée et c’est fort heureux. Il réussit à le faire dans la frénésie de l’actualité et dans une société en manque de leadership.

«Fin de cycle, aux origines du malaise politique québécois» de Mathieu Bock-Côté est paru aux Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/mathieu-bock-cote-1579.html

Yvon Paré

alain gagnon, Chat Qui Louche, francophonie, littérature, maykan, québecJournaliste, écrivain et essayiste, Yvon Paré a publié une douzaine d’ouvrages, un essai, des romans, de la poésie et des récits.  Signalons Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, Les Oiseaux de glace et Le souffleur de mots.  Les récits de voyage Un été en Provence, Le tour du lac en 21 jours et Le Bonheur est dans le Fjord ont été écrits en collaboration avec Danielle Dubé.

Lecteur attentif, il a rédigé de nombreux articles portant sur les œuvres des écrivains du Québec dans Le Quotidien et Progrès-Dimanche où il œuvré comme journaliste.  Il collabore à Lettres québécoises depuis une quinzaine d’années en plus d’être l’auteur d’un blogue fort fréquenté.

Le voyage d’Ulysse, un roman où il suit les traces du célèbre personnage d’Homère, en l’invitant au Lac-Saint-Jean et en inventant un monde possible et imaginaire.  Il a remporté le prix Ringuet du roman de l’Académie des lettres du Québec avec ce roman en 2013 en plus du prix fiction du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean.  Son dernier ouvrage, L’enfant qui ne voulait plus dormir, un carnet fort louangé, explore les chemins de la création.

On peut retrouver l’ensemble de ses chroniques sur http://yvonpare.blogspot.com/.


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