Jacques Ferron : Le ciel de Québec, par Alain Gagnon…

Ferron : Dires et redires…

Je viens de relire avec la délectation coutumière La nuit de Jacques Ferron.  Puis, dimanche soir, je me suis dit : À l’attaque ! Pour l’énième fois, j’ai repris Le ciel de Québec qu’une fois de plus je serai incapable de terminer.  Qu’est-ce que j’ai donc ? Ferron est pour moi le plus grand de l’après-guerre, un précurseur.  J’adore tous ses contes, ses confidences, sa correspondance… En plus de l’écrivain, l’homme m’est sympathique.  Mais Le ciel de Québec me demeure imbuvable.  Pourtant, lors de rencontres littéraires, lorsque je confesse mon admiration pour Ferron, mes interlocuteurs lèvent des yeux exaltés vers le plafond et répètent : Le ciel de Québec… Le ciel de Québec… Le ciel de Québec... Ah… Peut-être ne l’ont-ils même pas terminé ? Il y a des livres comme ça dont on parle avec admiration, mais qu’on serait bien incapable de lire de la première à la dernière page – Ulysse, de Joyce.  Cette fois, je me suis prémuni.  J’ai ramassé des questions-pièges.  Le prochain qui se pâme, je les lui pose : je verrai bien s’il l’a lu ou s’il fait semblant.  Je crois comprendre mon impossibilité à embarquer.  Ce n’est pas la difficulté du texte, ni son volume ni sa complexité : lorsqu’on fréquente régulièrement les souvent abstrus Hegel, Heidegger et Schopenhauer ; lorsque sa suite romanesque préférée est Le quatuor d’Alexandrie, on peut lire Le ciel…  On ne craint pas la densité ni la complexité des textes.  Le Ciel serait même simplet par son côté anecdotique et l’abondance (j’allais écrire « la diarrhée ») des dialogues et des références à des personnages connus.  En fait, une pièce de collège classique, de celles qu’on jouait en fin d’année pour se moquer des profs et des confrères.

Pourquoi placer tout le reste de l’œuvre ferronienne sur un si haut piédestal et porter une si piètre estime au Ciel ?  Je crois détenir la réponse.  Pour paraphraser à l’envers Arletty : J’ai « une gueule d’atmosphère »…  Que ce soit un film ou un livre, je le juge à partir de la compacité et de la qualité de l’atmosphère que l’artiste a réussi à créer.  De là mon entichement pour les Sherlock Holmes de Conan Doyle et mon incapacité à terminer un Agatha Christie ; de là mon amour immodéré de Wuthering Heights d’Emily Brontë, des romanciers sudistes américains, des contes fantastiques de Jean Ray, de Lovecraft, de Carco, de Barrico, des polars de William Irish, des Maigret de Simenon, des œuvres dites mineures de Gabrielle Roy…  Et j’en omets.  Vous comprenez, ma liste est longue…  Le ciel, c’est Ferron émasculé : sans rôle significatif des confitures de coings -trop de connards et pas assez de cognassiers.  C’est subtil, entendu, entre nous, informé ; c’est l’esprit avec un « e » minuscule : en rien la poésie prégnante des contes.

Faudra bien, tout de même, que je me rende à la dernière page un de ces jours…

(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)

Notice biographique

Auteur prolifique, Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour Sud (Pleine Lune, 1996) et Tomas K (Pleine Lune, 1998).  Quatre de ses ouvrages en prose sont ensuite parus chez Triptyque : Lélie ou la vie horizontale (2003), Jakob, fils de Jakob (2004),Le truc de l’oncle Henry (2006) et Les Dames de l’Estuaire (2013).  Il a reçu à quatre reprises le Prix poésie du même salon pour Ces oiseaux de mémoire (Le Loup de Gouttière, 2003), L’espace de la musique (Triptyque, 2005), Les versets du pluriel (Triptyque, 2008) et Chants d’août (Triptyque, 2011).  En octobre 2011, on lui décernera le Prix littéraire Intérêt général pour son essai, Propos pour Jacob (La Grenouille Bleue, 2010).  Il a aussi publié quelques ouvrages du genre fantastique, dont Kassauan, Chronique d’Euxémie et Cornes (Éd. du CRAM), et Le bal des dieux (Marcel Broquet).  On compte également plusieurs parutions chez Lanctôt Éditeur (Michel Brûlé), Pierre Tisseyre et JCL.  De novembre 2008 à décembre 2009, il a joué le rôle d’éditeur associé à la Grenouille bleue.  Il gère aujourd’hui un blogue qui est devenu un véritable magazine littéraire : Le Chat Qui Louche 1 et 2 (https://maykan.wordpress.com/).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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