Chronique urbaine par Jean-François Tremblay…

Breaking Bad : la télé au service du récit

Anna Gunn

Breaking Bad (Le Chimiste dans sa version française) est une série américaine créée par Vince Gilligan (un vétéran de l’équipe derrière X-Files), et diffusée sur le réseau AMC depuis 2008. La cinquième – et dernière –  saison sera diffusée bientôt.

Campée à Albuquerque, Nouveau-Mexique, la série raconte les mésaventures de Walter White, un prof de chimie sans histoire, modeste, mais extrêmement brillant qui apprend être atteint d’un cancer des poumons très avancé. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, il deviendra fabricant d’amphétamines avec l’aide de l’un des anciens étudiants, Jesse Pinkman. Et ceci, à l’insu de sa femme Skylar (enceinte de leur second enfant), de son fils adolescent Walt Jr., de sa belle-sœur Marie et, plus particulièrement, de son beau-frère, agent de la D.E.A (Drug Enforcement Administration).

Dans leur laboratoire roulant confectionné dans un véhicule récréatif, en plein milieu du désert, Walter et Jesse cuisineront le crystal meth le plus pur qui existe, créant ainsi des remous de plus en plus grands au sein du monde criminel.   Vince Gilligan a affirmé que l’idée de base pour Breaking Bad est que « chaque geste a ses conséquences ». Et ceci est très bien démontré tout au long du récit.

Ce qui m’a plu, dès le départ, c’est l’écriture. L’originalité de l’histoire, des événements, et le ton réaliste des dialogues et des réactions. J’ai parlé dernièrement du réalisme dans la série Un Village Français et du fait que, pour cette dernière, ils avaient engagé une spécialiste de la psychologie des personnages. Sans nécessairement avoir recours à ce type de service, les auteurs de Breaking Bad ont par contre grand soin de toujours garder un ton vraisemblable, malgré l’extravagance des situations dans laquelle les personnages se retrouvent.

On a affaire ici à des personnages crédibles, des personnages qui pourraient être vous et moi, des personnages qui semblent bien réels et qui ont des préoccupations de la vie de tous les jours. Au cours de la première saison, qui ne comprend que sept épisodes, on passe du rire aux larmes fréquemment.

Une scène en particulier, dans l’épisode 5, demeure à ce jour ma scène préférée. Il s’agit d’une intervention de la famille auprès de Walt pour le forcer à entreprendre des traitements pour son cancer, ce qu’il refusait jusque-là. Une longue scène, sans la moindre musique, durant laquelle les rires et les larmes se mélangent. Les émotions sont à fleur de peau, les réactions semblent sincères et réelles ; on y croit, tout simplement. C’est d’une beauté et d’une efficacité ahurissantes. Et c’est ce que qui m’a fait tomber amoureux de cette série.

Le jeu des acteurs est l’autre élément, après l’écriture, qui m’a rendu accro.

Bryan Cranston, qui interprète Walter White, est capable de montrer diverses émotions complexes sans le moindre mot, et ce, en quelques instants à peine. Son visage expressif, son langage corporel, les nuances dans sa voix (parfois douce, parfois grave et dure), tous ces éléments font de lui l’un des acteurs les plus accomplis qu’il m’ait été donné de voir.   Bien sûr, pour en profiter pleinement, il faut voir la version originale anglaise. La voix représente, à mes yeux, 50 % du jeu d’un acteur. Mais tout de même, son jeu physique est tout à fait impressionnant. La manière dont il se transforme de scène en scène, passant de « Walt le mari malade » au sein de sa famille à « Walt le fabricant de drogue impitoyable » ou encore à « Walt le sympathique prof de chimie », fait de ce personnage un être complexe, qui ne cesse jamais de nous fasciner.

Son collaborateur, Jesse, est interprété par Aaron Paul, un acteur peu connu dont le jeu vraisemblable et touchant a sauvé son personnage de la mort. En effet, Jesse devait disparaître à la fin de la saison 1, mais Vince Gilligan l’a trouvé si extraordinaire dans le rôle qu’on réécrivit le scénario pour demeurer dans la série. À ce jour, Jesse est probablement le personnage le plus attachant de tous. Son évolution est fascinante, et se fait toute en douceur, en subtilité. Ce qu’il vit depuis son association avec Walter White est assez pour faire devenir n’importe quel être complètement fou, mais Jesse tient bon, et au stade où je suis rendu (la quatrième saison), le personnage demeure aussi riche, profond et intéressant qu’au début, sinon plus.

L’ancre dans la vie de Walter White, celle qui l’empêche de trop s’égarer, est sa femme, Skylar, jouée par Anna Gun. D’une grande intelligence et d’un pragmatisme inébranlable, cette femme remarquable fait preuve de force et de courage devant les épreuves, non seulement celles de son mari, mais les siennes. Les cachotteries de Walt deviennent tellement lourdes qu’elle finira par prendre des mesures drastiques. Mais l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre, l’élément qui selon moi est au cœur de la série, est bien ancré, et se manifeste de bien des façons. Souvent, les meilleures scènes de la série mettent en vedette Bryan Cranston et Anna Gunn ensemble. La chimie entre eux est des plus grandes. Leur complicité semble réelle. On croit totalement à ce couple.

Je n’en finirais pas de mentionner les divers et irrésistibles personnages qui peuplent cet univers si riche.  Mentionnons seulement Hank, le beau-frère (joué par Dean Norris) qui de prime abord semble être une caricature d’Américain typique, qui aime ses fusils et sa bière, mais qui s’avère vraiment plus complexe au fil du temps. Il y a aussi Saul Goodman qui arrive au cours de la saison 2, un être complètement loufoque et déstabilisant ; la belle Jane, de qui s’éprendra Jesse ; l’imprévisible et dangereux Tuco, qui donnera du fil à tordre à Walt et Jesse ; et Gus, un personnage énigmatique au sujet duquel je ferais mieux de ne rien vous révéler.

La facture visuelle de Breaking Bad est très recherchée. L’inventivité est au cœur des préoccupations des créateurs de la série. On installe la caméra là où le public ne s’y attend jamais, on compose des plans complexes, originaux, remplis de symbolisme. Les images sont, tout au long des saisons, d’une beauté époustouflante.

Je n’ai pratiquement rien de négatif à dire sur Breaking Bad. La série a déclassé pratiquement tout ce que j’aime en termes de télé.   Je crois que mon Top 1 des séries de tous les temps demeure Twin Peaks, de David Lynch, mais je vais attendre la fin de Breaking Bad pour vraiment trancher…

Un ami m’a récemment parlé de sa déception en ce qui a trait à la saison 2. Il disait avoir adoré les situations dans la saison 1, mais que la saison 2 avait été difficile à terminer pour lui, qu’il ne s’intéressait plus à ce qui arrivait aux personnages.

Moi je dis : chacun ses goûts, chacun son opinion. Personnellement, je suis accro. Ma copine également. Nous regardons les saisons en rafale, par blocs de 4 ou 5 épisodes parfois, car il est très difficile de s’arrêter. Mais il est vrai que le tout prend des proportions complètement folles au fil du récit, cartoonesque même. Je crois encore, malgré tout, aux personnages, et c’est la raison pour laquelle je continue de regarder. Malgré l’invraisemblance de certaines situations, il y a du cœur dans cette série, de vrais sentiments humains, des réactions réalistes.

J’ignore comment cette histoire se terminera, mais je serai là jusqu’à la toute fin, et je vous invite à embarquer vous aussi dans cette aventure rocambolesque qu’est celle de Walter White et son entourage coloré.

La série a reçu des critiques élogieuses ainsi que de bonnes cotes d’écoute. Elle fait maintenant partie de la culture populaire, comme le prouvent certains produits dérivés créés par le public, tels que le faux jeu vidéo 8-bit inspiré de la série (à ne regarder que si vous avez vu au minimum les trois premières saisons – sinon il vous manquera plusieurs détails importants), les poupées en papier à découper ou encore ces cartes de St-Valentin.

Une série intelligente, donc, à voir par toute personne désirant une télé différente, originale, qui brasse les émotions et les conventions. Fortement recommandée.

(Cliquez ici pour voir des extraits de la série et bandes-annonces en français)

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Dès un très jeune âge, il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite la métropole depuis 2007.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

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