Propos sur l’oubli de soi… (suite) Jésus et la pyramide de Maslow…

Extraits de Propos sur l’oubli de soi… (à paraître)

Dans l’évangile de Mathieu, on trouve cette parabole que je résume à ma façon, en ignare de l’exégèse.

Les pharisiens tendent un piège à Jésus. Sous prétexte de le consulter, ils tentent de le compromettre.  D’abord ils le flattent : « Nous savons que tu enseignes la vérité… » Puis le dard empoisonné : « D’après toi, est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? »

Ces malins croient l’avoir coincé.  S’il répond : « Il faut payer l’impôt à l’empereur des gentils », tous les zélotes juifs vont l’accuser d’être un collabo.  S’il répond : « Ne payez pas l’impôt », ce sont les Romains et leurs amis du lieu qui lui tombent dessus.  Jésus réplique : « Montrez-moi la monnaie qui sert à payer l’impôt. »  On lui présente un denier.  Alors il demande : « C’est l’image de qui et le nom de qui que nous apercevons sur cette pièce ? »  « César Auguste ! » reprennent-ils en chœur.  « Alors rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »  Fin politique, Jésus.  Jésuite avant l’heure.

Cette parabole a beaucoup servi.  Aux monarques pour s’assurer le paiement des impôts, à départager les responsabilités lors des discussions sur les pouvoirs respectifs de l’Église et de l’État…  Ce fut donc une parabole utile.

Hors la sphère institutionnelle, cette parabole possède aussi une portée, un sens pour chaque individu.   Chacun est aussi complexe, composite qu’une organisation sociale.  Nous sommes légion.  On retrouve en soi plusieurs mondes, plusieurs ordres de choses.  Si nous nous référons à la pyramide d’Abraham Maslow[1], des besoins hiérarchisés s’expriment à divers paliers de notre être.

À la base de la personne, nous retrouvons les besoins primaires (1 et 2) : la faim, la soif, le besoin d’abri contre les intempéries, le sexe…  Une fois qu’un

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Pyramide de Maslow

humain a comblé ses besoins de se nourrir, même avec gourmandise, il ne peut manger à l’infini.  Une fois qu’il possède trois résidences, sera-t-il plus à l’abri s’il possède cent châteaux ?  Sur le plan sexuel, les limites à la consommation sont notoires et font la fortune des pharmaceutiques et des Sex Shops.

Au deuxième palier, réclament les besoins sociaux (3 et 4).  Besoins d’être accepté par les autres, d’être reconnu comme personne distincte, et de se reconnaître comme apportant à sa communauté une contribution propre.  À ce stade, le qualitatif domine.  La satisfaction de ces besoins exige le développement d’aptitudes interrelationnelles, un apprentissage de soi et des autres, une reconnaissance de l’autre comme différent de soi.

Puis, on en arrive au faîte de la pyramide.  Le besoin d’autoréalisation (5).  L’auto-accomplissement par l’identification à une tâche ou  à une cause qui nous dépasse.  Ici, nous entrons dans un ordre purement qualitatif, celui du sens, des valeurs, des significations, des idéologies, de l’idéal, de l’esthétique, de la recherche du Beau, du Vrai, du Bien, de l’Absolu.  C’est à l’intérieur de ce territoire intérieur que l’humain avoisine l’élément divin qui l’habite et qui s’exprime par l’intuition supérieure, chère à Aurobindo.

La majorité des hommes et femmes se confinent aux besoins primaires et aux plus immédiats des besoins sociaux.  Et notre civilisation conspire à cela.  Les citoyens comme producteurs et consommateurs lui suffisent.  Les chevaliers de l’Absolu ou du qualitatif dérangent les machines, de là l’oubli institutionnel de ce qui fait que l’humain transcende de beaucoup le monde physique et social dans lequel il évolue.

Si nous revenons à la parabole plus haut citée, rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui est à Dieu, consisterait pour chacun à prendre conscience des devoirs que chaque partie de son être ordonne, à n’en négliger aucun.


[1] Je fais ici une interprétation – pour ne pas écrire utilisation – très personnelle de la pensée de Maslow.

6 Responses to Propos sur l’oubli de soi… (suite) Jésus et la pyramide de Maslow…

  1. Pierre Patenaude dit :

    Plus j’essaie de me faufiler par la trappe qui mène en haut de la pyramide, plus je suis seul … avec mes livres. Vous avez raison, il faut aspirer à cet état. Ce serait comme sentir l’appel de Dieu (si on y croit). Mais les gens préfèrent accumuler des biens, et – inconsciemment – disparaître dessous. Comment trouver le juste milieu et rester parmi le monde ?
    Si les aspirants au haut de la pyramide étaient des scientifiques (il y en a), ils oeuvreraient au stade de la recherche fondamentale, pierre d’assise de la science.

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  2. Alain Gagnon dit :

    La recherche appliquée n’est-elle pas toujours le fruit d’une recherche fondamentale qui a réussi à trouver et à prouver son utilité ?

    AG

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  3. Dominique B. dit :

    suis bien d’accord avec les propos que tient monsieur Patenaude. Plus on se tient haut, plus on est seul, on dirait que les bien pensants ont peur! Ce qui prouve qu’il n’est pas simple d’évoluer… ni de changer quoi que ce soit chez l’être humain. Ces cinquante dernières années, tout a été très vite (technologie entre autres) d’où la pagaille dans laquelle nous vivons. Copenhague en est un bel exemple… D’où les paroles de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : Il faut que tout change pour que tout reste pareil…

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  4. Jean-Marc Ouellet dit :

    Le besoin de s’accomplir existe dans chacun de nous. Quelque part, chacun veut devenir meilleur, et même devenir le meilleur. Demander à chacun. Les résolutions de début d’année en sont des exemples. Mais deux facteurs bloquent l’accès à ce niveau. L’effort et le désintéressement. Apprendre, réfléchir, comprendre ou s’approcher du spirituel nécessitent un effort. Puisqu’il faut s’arrêter à ses aspirations, d’abord. Pas facile dans un monde superficiel où le fast-tout est roi, qui est bombardé par une multitude d’informations insignifiantes et où tout tes besoins de base peuvent être satisfaits dans la minute. Ensuite, approfondir nécessite temps, et calme. Encore là, ce monde de vitesse et de bruit n’accepte pas l’arrêt qu’il faut pour toucher la cible.

    L’autre facteur est le désintérêt. Dans un monde où le capitalisme sauvage prend sa part de nos vies, quand les mauvaises nouvelles pullulent alors que le don de soi fait rarement les manchettes et que le meilleur gagne plus d’argent, plus de biens, plus de confort, peu de gens traversent les distractions qui les entourent et s’occupent de leur intérieur, là où se terrent les aspirations profondes.

    Quant aux scientifiques, ils sont tous capables d’efforts, ce n’est pas un problème pour eux. Leur passé en est souvent garant. Quelque part, ils veulent tous aider le monde, mais leur désintéressement est trop souvent précaire ce qui les perdent parfois. Et comme la méthode scientifique rejette l’empririsme et les sentiments, et que l’objectivité est lié au rationnel, ils se disqualifient souvent pour l’accomplissement spirituelle.

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    • Alain Gagnon dit :

      Notre civilisation conspire au dés-effort, si vous me permettez ce néologisme. Mais peu importe le contexte plus ou moins favorable, l’accomplissement exigera toujours un effort individuel.
      En ce qui a trait aux scientifiques, heureusement, les Rémy Chauvin existent.

      Merci de votre commentaire.

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  5. […] Propos sur l’oubli de soi… (suite) Jésus et la pyramide de Maslow… December 2009 5 comments 3 […]

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