Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

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Doucement les basses !

Cher Chat,

Mon violon d’Ingres est accordé.  Ma voix est libre.  Je suis donc prête, si cela vous chante, à toucher, de ma langue de bois, votre corde sensible.  C’est en effet, un autre petit vent original et toujours enthousiaste qui m’amène.  Vous pensez bien que j’espère ne jamais avoir l’air conditionnée.  Alors, ouvrez bien vos oreilles, mon Chat, afin de constater à quel mode je vais astiquer mes cuivres aujourd’hui.

C’est que les chroniques précédentes sur l’odorat et le goût m’ont mis le vent en poupe, et comme j’aime faire feu de tout bois, j’envisage donc d’user chaque sens jusqu’à la corde, afin de vous orchestrer en bout de gamme un quintette.  L’ouïe sera donc troisième de cordée.

Je ne m’étendrai pas sur ce proverbe qui clame que la musique adoucit les mœurs, l’idée ayant été déjà fort visitée.  Comme je ne veux pas pisser dans mes violons et que je tiens toujours à vous surprendre, j’interrogerai plutôt le vent contraire.  Alors, si la musique sait être un baume existentiel, peut-elle être, à l’inverse, instrument de torture ?

La musique est une arme de guerre quand elle glisse sa corde au cou des prisonniers en se faisant assourdissante et continue.  Elle est intrusive quand elle vrille le tympan des gueules de bois ou quand elle s’invite, tout en canons et sans permission, au cœur des bois dormants.  Ne mérite-t-elle pas alors toute une volée de bois vert ?

Pour se préserver d’un charivari ambiant et permanent, on finit par l’intégrer et par en faire abstraction.  Ainsi, je peux ne plus entendre les voitures qui passent, la télévision qui braille ou la conversation des voisins.  Mais ne risque-t-on pas, le Chat, de ne plus rien entendre au monde si on se met à ne plus l’écouter ?

Il est d’autres musiques qui, sans être délits d’agression auditive, tendent à sonoriser toute une salle quand, par accident, elles sortent du bois.  Aussi ténues soient-elles, leur nature embarrassante se charge de les amplifier.  Gargouillis, ronflements, rots et pets.  Comme on cherchait à masquer ses odeurs corporelles, on cherche à dissimuler ses propres percussions en faisant la sourde oreille ou, pire, en accusant du regard son voisin.  Eh oui, cher Chat !  C’est étrange, mais celui qui sème un vent craint toujours de récolter la tempête.  Et pourtant, un prout n’est vraiment satisfaisant que s’il est sonore, non ?

Donc, pour que le vent tourne à l’optimisme, ne lésinons jamais sur les onomatopées.  Et toc !  Ceux qui me connaissent savent de quel bois je me chauffe et à quel point j’aime ponctuer d’interjections mes envolées.  C’est tout à fait dans mes cordes que de jouer avec le son des mots.  Alors, promenons-nous dans les bois, le Chat, pendant que je les écoute.  J’aurai bien vent de quelque chose afin d’ajouter quelques cordes à ma lyre.

Tenez…  J’entends l’automne dans le cri des outardes.  J’entends un violon sur mon toit quand il pleut des cordes.  J’entends pour la première fois sa voix qui ne me laisse pas de bois et j’écoute ses cordes vocales le dessiner.

N’avez-vous jamais imaginé, le Chat, la silhouette d’une note grave, le visage d’une voix douce, le sourire d’un timbre particulier ?  Un corps transmissible par voix sensuelle, ça s’invente bien non ?

bleuette59.centerblog.net

Cependant, si le son est bien une porte vers l’imaginaire, vous pourriez éventuellement être surpris en l’ouvrant et rester sans voie.  À l’inverse, quelques voix de garage font parfois de magnifiques paysages.

Certains préfèrent vivre loin du mensonge et s’aventurent au-delà du bruit.  Pourriez-vous vivre, le Chat, sans bruit ?  Sans ce bruit qui distrait de soi ?  Car si le moine fait vœu de silence, c’est bien pour être seul avec lui-même, sans aucune diversion.  Or, nous sommes de moins en moins nombreux à être de ce bois dont on fait les méditatifs.  Le silence est une corde raide.  Heureux, le funambule qui réussit à être en équilibre avec lui-même.

À bon entendeur, salut !

Sophie

Notice biographique

Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

2 Responses to Balbutiements chroniques, par Sophie Torris…

  1. Stéphane dit :

    Un coup de tuba, en coulisse, nous renvoie dans les cordes ; des étoiles musicales traversent notre tête alors que nous sommes le cul entre deux chaises. Les mots de Sophie, sans train-train, ont sifflé trois fois sous nos cieux, et, au troisième coup de bâton, le rideau s’est levé pour que nous applaudissions les dé-lyres sonores (qui sonnent or en espèce trébuchante et balbutiante) de Sophie. Merci, merci et bravo !

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